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Édito
Mort de Jean-Marie Le Pen : Marine Le Pen entre douleur personnelle et enjeux politiques
Au-delà de la douleur intime et de la dimension affective, le silence de Marine Le Pen autour de la mort de son père survenue mardi 7 janvier 2025 traduit sans doute un certain embarras. La présidente du groupe Rassemblement national à l'Assemblée sait que le sens politique de ses premiers mots sera scruté attentivement, et l’exercice est délicat. Depuis qu'elle a pris le devant de la scène, il y a 14 ans, elle s’applique à modeler son image en se détachant de cette figure paternelle sulfureuse. Et la voilà contrainte de rendre hommage au fondateur du FN et d’endosser tout son héritage.
C’est d'ailleurs ce qu’a fait sa nièce, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal, qui entend "poursuivre la mission" de son grand-père. Jordan Bardella, le président du RN, a salué, lui, l’œuvre d’un "tribun du peuple" qui a "toujours servi la France". Tous les élus RN ont commué dans la même ferveur, sans aucune réserve, malgré les nombreuses condamnations du défunt pour incitation à la haine raciale, antisémitisme, ou contestation de crimes contre l’humanité.
Tout le travail de dédiabolisation
C'est pour toutes ces raisons que Marine Le Pen avait pris ses distances avec son père. Elle l’a même exclu en 2015 du parti du Front national, que l'homme avait créé 43 ans plus tôt, après une nouvelle sortie antisémite. La fameuse stratégie de "dédiabolisation", qui vise à polir la façade du parti d‘extrême droite, permet de ratisser plus large et c'est une tactique payante dans les urnes. Même si Marine Le Pen a encore vu se dresser face à elle le barrage du "front républicain" en juillet 2024.
Pendant près de 10 ans déjà, Jean-Marie Le Pen avait pourtant écarté un à un tous ses fidèles qui contestaient l’ascension de sa fille - Carl Lang, Marie-France Stirbois et d’autres, jusqu’à Bruno Gollnisch - avant de lui transmettre le flambeau en 2011. À l’époque, Marine Le Pen assurait encore "assumer en bloc toute l’histoire du FN".
Mais elle l’a répété fin 2022 pour le 50e anniversaire du parti et sur l’essentiel, le programme n’a pas changé : la préférence nationale - ce principe qui vise à réserver aux seuls nationaux emplois, logements et aides sociales - reste la colonne vertébrale du projet lepéniste de père en fille.
La "marque Le Pen"
Aujourd'hui, son père disparu, Marine Le Pen peut peut-être se libérer d’un certain poids politique. On aborde là un terrain un peu psychanalytique, ce qui n’est pas inutile pour ausculter le clan Le Pen qui s’est si souvent déchiré. Pour s’en détacher, la fille a aussi mené un combat lexical. Le FN est devenu RN, elle a remplacé le "lepénisme" par le "marinisme", et ses troupes ne l’appellent que par son prénom. Mais son problème, c’est qu’elle n’a pas changé de nom. Elle porte toujours ce que son père considérait comme son plus grand succès, ce qu’il appelait "la marque Le Pen", une marque qui est aussi indélébile.
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