Édito
Procès des assistants parlementaires du FN : la stratégie de victimisation de Marine le Pen

La cheffe de file du Rassemblement national, triple candidate à la présidentielle, voit dans les réquisitions du procureur une intention de stopper son ascension politique à l'approche du scrutin de 2027, mais, depuis 2016, le délit de détournement de fonds publics est automatiquement assorti, pour un élu, d’une peine d'inéligibilité.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Marine Le Pen (à gauche), députée du Rassemblement National (RN), avec son avec son avocat Rodolphe Bosselut (à droite) à l'extérieur de la salle d'audience lors du pour détournement de fonds du Parlement européen au profit du parti d'extrême droite, à Paris le 13 novembre 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Au procès de l’affaire des assistants fictifs du Rassemblement national, le procureur a prononcé, mercredi 13 novembre, de lourdes réquisitions à l'encontre de Marine Le Pen avec une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis, 300 000 euros d’amende, et cinq ans d’inéligibilité ! Si les magistrats suivent ces réquisitions, la carrière politique de Marine Le Pen serait brisée nette. D’autant que le procureur réclame "l'exécution provisoire" de l’inéligibilité, ce qui signifie qu’une procédure d’appel ne serait pas suspensive. Rappelons que la cheffe de file de l’extrême droite est poursuivie pour détournement de fonds publics, comme de nombreux autres élus de son mouvement. Elle est accusée d’avoir été la commanditaire et l’organisatrice d’un système de financement qui aurait détourné 4,6 millions d’euros d’argent public entre 2004 et 2016. Avant même d’être condamnée, Marine Le Pen a lancé mercredi soir la contre-attaque politique.

La cheffe de file de l’extrême droite tente d’inverser les rôles, et la charge de la preuve. Elle dénonce par avance un "jugement politique" qui voudrait "faire taire des millions de Français". C’était déjà sa stratégie de défense pendant le procès. Se poser en victime d’un procès politique ourdi par le Parlement européen aux mains de ses adversaires politiques. Ses fidèles embrayent sur le même thème. Mais aussi ceux qui versent des larmes de crocodile, car ils lorgnent sur son électorat en cas d’absence à la présidentielle. Comme l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui jugerait anormal qu’elle ne puisse pas concourir. Ou encore son fidèle, forcément fidèle second, Jordan Bardella, mais qui piaffe quand même de remplacer sa patronne en cas d’empêchement.

Une décision... automatique

Si Marine Le Pen est déclarée inéligible, ce ne sera pas le fruit d’une décision politique, mais d’une décision… automatique. Depuis 2016, le délit de détournement de fonds publics est automatiquement assorti pour un élu d’une peine d'inéligibilité "obligatoire". Au vu de la tournure des débats à l’audience, elle ne se faisait d’ailleurs plus guère d’illusions. Au passage, c’est le souci des peines automatiques et autres peines planchers que le RN réclame d’ordinaire. Les textes les imposent aux juges sans que ceux-ci aient la latitude de s’en affranchir. En fait, l’enjeu principal pour Marine Le Pen, c’est désormais d’échapper à l’exécution provisoire qui rendrait la peine d’inéligibilité immédiate. Au fond, elle n’est pas menacée par une décision politique, mais par une décision juridique, qui tient au renforcement des textes de loi sur les élus. Et c’est elle, Marine Le Pen qui va maintenant mettre la pression maximale pour tenter d’obtenir une décision politique, une sorte de régime d’exception, en sa faveur. 

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