Édito
Vente potentielle de Doliprane : les limites de la parole publique

Le géant pharmaceutique Sanofi négocie avec un fonds d'investissement américain la cession potentielle de 50% de sa filiale qui abrite une centaine de marques de produits sans ordonnance, dont le Doliprane. Ce dossier concentre toutes les postures des gouvernants, en France, depuis des décennies.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le ministre de l' Economie, Antoine Armand , et le ministre Industrie, Marc Ferracci à l'usine Sanofi de Lisieux, lundi 14 octobre 2024. (MATHIS HARPHAM / OUEST-FRANCE / MAXPPP)

Le groupe pharmaceutique Sanofi veut donc vendre sa branche qui produit le Doliprane à un fonds de pension américain et le gouvernement Barnier se retrouve aux prises avec son premier casse-tête industriel.

C’est d’abord le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, qui s’y colle. Il ne ménage pas ses efforts pour essayer d’éteindre le début d’incendie et s’est rendu sur le site de production de Lisieux, lundi 14 octobre, avec son collègue chargé de l’Économie Antoine Armand, pour faire les gros yeux à Sanofi, exiger des engagements en matière d’emploi et de maintien de la production en France. La direction du groupe s’est bien sûr empressée de les prendre, sans rassurer ni les personnels, puisque les syndicats CGT et CFDT ont lancé, jeudi 17 octobre, un mouvement de grève reconductible. Ni les opposants politiques de tous bords : d’Olivier Faure à Jordan Bardella, tous dénoncent en chœur une menace pour la souveraineté de la France. En fait, si ce dossier est une bombe politique, c’est qu’il a une forte portée symbolique - le Doliprane est le médicament préféré des Français- et qu’il concentre toutes les postures de nos gouvernants depuis des décennies. 
 

Le mythe de la relocalisation 

De droite comme de gauche, tous perpétuent l’idée que la parole politique serait toute-puissante et l’intervention publique, forcément indispensable. Emmanuel Macron n’est pas le dernier. À la sortie du Covid, le chef de l’État clamait haut et fort qu’il allait relocaliser la production de médicaments dans l’hexagone. Dans une économie libérale mondialisée, ce genre d’engagements relève bien souvent de l’illusion. Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, l’entretient lorsqu’il fait mine de croire qu’il pourrait bloquer la vente d’Opella. La gauche va plus loin en promettant de "créer un pôle public du médicament". Rien que la nationalisation de la branche de Sanofi qui produit le Doliprane coûterait 15 milliards d’euros et les caisses de l’État sont vides ! Mais malheur à celui qui avoue que "l’État ne peut pas tout"; selon la formule lâchée par Lionel Jospin il y a 25 ans au moment d’un plan de licenciements chez Michelin. Cet aveu de lucidité causa la perte de l’ancien Premier ministre socialiste.
 
L’État pourrait d’abord mieux contrôler l’utilisation des subventions qu’il accorde aux groupes privés, exiger davantage de contreparties en cas d‘allègements fiscaux. Pour autant, l’indépendance stratégique de la France ne tient pas qu’au paracétamol. Plus que le lieu de production, ce sont les filières d’approvisionnement qu’il faut garantir pour conforter une souveraineté, d’ailleurs plus européenne que nationale. Les gouvernants d’aujourd’hui, comme les opposants qui leur succéderont demain, n’ont rien à gagner à agiter des peurs imaginaires. Sauf à vouloir décrédibiliser un peu plus la parole politique.

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