Marcel Ravin, à Monaco : "Le créole n'est pas qu'une langue, c'est un monde : ma cuisine est donc une cuisine du monde"

Voici un chef qui a une vie digne d’un roman. Né en Martinique, Marcel Ravin est couronné aujourd’hui de 2 étoiles Michelin et 3 toques Gault & Millau à Monaco, après un parcours semé d’embûches.
Article rédigé par Bernard Thomasson
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le chef Marcel Ravin a créé dans son restaurant, à Monaco, une "case créole" moderne couronnée de 2 étoiles Michelin et 3 toques Gault & Millau. (JEAN-FRANÇOIS OTTONELLO / MAXPPP)

L'entretien avec Marcel Ravin

Marcel Ravin, chef du Blue Bay à Monaco, a toujours eu foi en la cuisine. Contre ceux qui le refusaient pour sa couleur de peau, contre l’acclimatation difficile à l’Alsace et à la Lorraine où il a fait ses premières armes, même contre son père qui refusait de le voir cuisiner.

Une foi née auprès de celle qui lui a tout appris, sa grand-mère, au Lamentin, en Martinique : "C'est surtout ma grand-mère parce qu'elle avait toujours ce petit quelque chose qu'elle préparait et qu'elle me laissait de côté quand je revenais de l'école. Et elle avait son jardin créole où je l'aidais. Mon papa n'était pas chaud pour que je devienne cuisinier parce que c'était une affaire de femmes, pour lui ce n'était pas un métier."

Étranger dans son propre pays

Finalement, grâce à sa détermination, le jeune Marcel s’envole à 17 ans pour la métropole, du rêve plein la tête, en espérant se former dans de grands restaurants. Entre l’Alsace et la Lorraine, il découvre un climat rude, des produits qu’il n’a jamais vu de sa vie et, surtout, il se sent en France comme un étranger : "J'étais un étranger de par mon île et par ma couleur. J'en ai souffert. Ce n'était pas la peur de l'autre et la violence comme aujourd'hui, mais plutôt de la curiosité : on me touchait la tête. Certaines maisons m'ont refusé à cause de cela." Marcel Ravin repart donc en Martinique.

Fort de son petit bagage de cuisinier, il entame une carrière de chef dans quelques beaux établissements de l’île mais, très vite, sent que pour pratiquer la vraie gastronomie, il doit revenir en métropole. Ce qu’il fait au bout de 3 ans, en repartant de zéro, comme commis. Plus aguerri cette fois-ci, il parvient à gravir les échelons, multiplie les expériences, en France, en Belgique et il atterrit à Monaco où sa rencontre avec Alain Ducasse est déterminante.

Croire en soi et en ses rêves

"Alain m'a fait dépasser la peur d'être soi-même et il m'a révélé une vérité : Marcel, tu as une histoire et ta cuisine doit raconter ton histoire ! Pour qu'une cuisine ait du sens, il faut qu'elle intègre sa propre identité. Moi je suis caribéen mais les Caraïbes sont un melting-pot. Le créole n'est pas qu'une langue, c'est un monde : ma cuisine est donc une cuisine du monde."

Marcel écrit désormais son histoire dans l’assiette, mais aussi dans la salle. Il a convaincu le Blue Bay de rénover les lieux à son image. 2 étoiles Michelin et 3 toques Gault & Millau couronnent la détermination de celui qui aime, l’été, travailler les poissons, comme il le souligne dans l'émission. Marcel Ravin est heureux et épanoui à Monaco, fier d’avoir toujours cru en lui et en ses rêves.

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