Cet article date de plus d'onze ans.

Alain et Dafroza Gauthier, le couple qui poursuit les génocidaires du Rwanda

Le génocide des tutsis a débuté il y a dix-neuf ans. Environ un million de personnes ont été massacrées. Certains criminels se sont réfugiés en France. Ils se sont fondus dans la population. A Reims, un couple franco-rwandais consacre sa vie à débusquer ces génocidaires, pour les traduire devant la justice.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (©)

Ils ne s'arrêtent jamais.
Pourtant, chez eux, à Reims, ils ont une vie remplie. Alain Gauthier travaille
dans un collège. Sa femme, Dafroza, est employée dans un laboratoire. Mais
leurs soirées, leurs week-ends, leurs vacances, ils les passent à enquêter. Depuis
2001, le couple Gauthier suit la trace des bourreaux. Après le génocide de
1994, où environ un million de personnes ont été tuées, certains criminels se
sont réfugiés en France. Ils ont débuté une nouvelle vie. Ils se sont fondus
dans le paysage. Ils sont devenus médecins, curés. Ils ont vécu tranquillement.

Cela, pour Alain et Dafroza
Gauthier, c'est insupportable. Il est né en France. Elle est née au Rwanda,
dans une famille tutsie. Longtemps, ils ont vécu comme tout le monde. Un couple
banal, à cheval entre deux cultures, deux continents. Mais le génocide a changé
leur vie. Dafroza Gauthier y a perdu une partie de sa famille. Le couple ne
pouvait pas continuer comme avant. Il s'est engagé. Il a créé le Collectif des
parties civiles pour le Rwanda. Les Gauthier veulent "la justice, pas la
vengeance". C'est leur devise.

Leur méthode est toujours la
même. Quand ils entendent parler d'un génocidaire caché en France, ils
rassemblent des informations. Ils constituent des dossiers. Dès qu'ils le peuvent,
ils vont au Rwanda. Ils rencontrent des victimes ou même des tueurs de 1994 qui
sont prêts à dénoncer leurs complices. Puis quand les Gauthier rentrent en
France, ils travaillent avec leurs avocats. Ils ont déjà déposé une vingtaine
de plaintes.

Pendant longtemps, la justice a été infiniment lente. Mais la
situation change. Cette semaine, les Gauthier ont appris une information
capitale. Pour la première fois, un ancien militaire rwandais va comparaître en
France, devant une cour d'assises.

Pascal Simbikangwa sera bientôt jugé pour
"complicité de génocide" et "complicité de crimes contre
l'humanité".

Cet homme, les Gauthier le connaissent bien. C'est eux qui
ont retrouvé sa trace, en 2006. Un autre Rwandais,  Tito Barahira, a été arrêté également cette semaine.
Hier soir, il a été mis en examen, lui aussi pour génocide.

Parfois, les Gauthier sont
fatigués. Ils ont une soixantaine d'années. Ils sont tentés de tout abandonner.
Certains les comparent au couple Klarsfeld qui a pourchassé les anciens nazis,
pendant des années. Eux, ils se voient simplement comme des aiguillons de la
justice, la voix de ceux qui ont été massacrés. Demain, ça va faire dix-neuf
ans que le génocide a commencé. Alain et Dafroza Gauthier penseront à leur
famille, à leurs amis, et à tous ceux qui ont été tués pour rien, simplement
pour ce qu'ils étaient.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.