La femme qui n'a jamais peur
Elle n'a pas peur. Elle est capable de caresser un serpent pendant plusieurs minutes.
Un jour, dans un magasin qui vend des animaux exotiques, elle a voulu toucher une tarentule. On l'en a empêchée. Heureusement, car le cerveau de cette femme ignore le danger. Il la laisse courir des risques. C'est un cas exceptionnel qui fascine les spécialistes des neurosciences. Les chercheurs ne donnent pas son nom. Seulement deux initiales : SM. Et une série d'anecdotes impressionnantes. Sur le blog "Passeur de sciences", Pierre Barthélémy en raconte quelques-unes.
Par exemple, cette femme - SM - habite un quartier dangereux où les agressions sont fréquentes. Un soir, elle traverse un parc pour rentrer chez elle quand soudain un inconnu lui colle un couteau sous la gorge. Il lui dit : "je vais te découper". Comme elle n'a pas peur, elle ne réagit pas. L'agresseur est complètement interloqué. Il s'en va. Après une attaque comme celle-là, n'importe qui serait sur ses gardes. Mais pas cette femme. Le lendemain de l'agression, elle reprend le même chemin, tranquillement.
Une autre fois, elle subit une attaque à main armée, puis encore une autre. Ca ne change rien. Elle continue à vivre normalement, dans le même quartier. Elle n'est pas du tout traumatisée.
Cette femme n'est pas une héroïne. Elle est malade. Pierre Barthélémy l'explique en détails sur le blog Passeur de sciences. L'Américaine souffre d'une pathologie génétique rare, la maladie d'Urbach-Wiethe. Cette maladie peut entrainer des calcifications dans le cerveau, notamment au niveau des amygdales (qu'il ne faut pas confondre avec les amygdales que nous avons dans la gorge). Or, ces petites amygdales en forme d'amande ont un rôle bien précis dans notre cerveau. Elles trient les informations sensorielles. Et normalement, elles nous alertent en cas de danger. Dans le cas de l'Américaine, ce système d'alerte est paralysé. Il est désactivé.
La peur utilise un autre canal quand la menace provient de l'intérieur du corps
Les chercheurs ont essayé d'aller plus loin. A l'université de l'IOwa, ils ont cherché un moyen de faire peur à cette femme. Pas pour la traumatiser, mais pour mieux comprendre sa maladie. SM a accepté de respirer un mélange gazeux contenant 35% de CO2, soit un taux neuf cents fois supérieur à celui de l'atmosphère. Et ça a marché. L'Américaine a commencé à se sentir mal, son rythme cardiaque s'est accéléré. Elle a paniqué. Elle a transpiré. Elle a eu la sensation d'étouffer. Elle a enfin ressenti la peur.
Pour les spécialistes, c'est une découverte très intéressante. Cela signifie que la détection du danger ne se fait pas uniquement au niveau des amygdales. La peur emprunte parfois un autre chemin. Quand la menace vient de l'extérieur, quand c'est une agression ou une odeur de brûlé, les amygdales sont sollicitées. En revanche, quand la menace vient de l'intérieur du corps, un autre phénomène se produit. La peur utilise un autre canal. Les spécialistes vont maintenant essayer de comprendre quel est ce chemin et pourquoi il est différent.
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