Le menteur de Bagdad
Le 5 février 2003, à l'ONU, Colin Powell prend la parole sur
un ton grave. Le secrétaire d'Etat américain affirme que Saddam Hussein possède
des armes biologiques terrifiantes, et qu'il peut provoquer la peste ou la
variole. Colin Powell est sûr de ce qu'il avance. Il a un témoignage de
première main. Un ingénieur irakien s'est confié aux services secrets
allemands. A l'époque, cet homme est dans l'ombre. Aujourd'hui, son histoire
est connue. Le journaliste Vincent Jauvert la raconte dans Le Nouvel
Observateur.
L'histoire de Rafid Al-Janabi,
Pour comprendre, il faut revenir quelques années en arrière,
en 1999, précisément. Un jeune ingénieur irakien, Rafid Al-Janabi, débarque à Munich.
Il fuit son pays. Comme des milliers d'autres Irakiens, il est envoyé dans un
centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Le jeune homme a peu de chances
d'obtenir un titre de séjour. Pour s'en sortir, il a une idée. Il demande à
voir un responsable et il explique qu'il veut faire des révélations. Il souhaite
livrer des détails sur les armes biologiques de Saddam Hussein. Au BND, les
services secrets allemands, c'est le branle-bas de combat. L'ingénieur raconte
tout ce qui lui passe par la tête. Il décrit les laboratoires mobiles où sont
préparées les armes de destruction massive. Il donne des noms, des détails.
L'Irakien devient une source de renseignement capitale. L'Allemagne lui fournit
un bel appartement, une Mercedes, et surtout une carte de réfugié politique.
Le dérapage
Mais à peu, l'ingénieur dérape. Il commence à raconter des
mensonges tellement gros que les services secrets s'en aperçoivent. Du jour au
lendemain, le BND rompt avec son informateur. Rafid Al-Janabi redevient un
immigré comme un autre. Pour gagner sa vie, il travaille chez Burger King. Mais
soudain, en 2002, la CIA demande aux services allemands de renouer avec le
jeune Irakien. L'équipe de George Bush a besoin de témoignages sur les armes
biologiques supposées de Saddam Hussein. Le BND a beau expliquer que
l'ingénieur n'est pas fiable, la CIA s'en moque : elle veut utiliser ses
déclarations. Le BND finit par accepter, à condition de ne pas être cité.
L'après Saddam Hussein
La suite est connue : l'invasion de l'Irak, la chute de
Saddam Hussein. Il devient évident que le régime ne possédait pas d'armes de
destruction massive. Le mensonge de l'ingénieur a servi le projet de George
Bush. Dans Le Nouvel Observateur , Vincent Juavert raconte que Rafid Al-Janabi
vit toujours en Allemagne. Il se plaint de ne plus être soutenu. Il perçoit une
allocation, le minimum social. Mais il a une satisfaction : "J'ai eu la
chance ", dit-il, "d'avoir inventé quelque chose qui a fait tomber Saddam
Hussein ".
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