"Les cent vingt journées de Sodome", la folle histoire du manuscrit du marquis de Sade
C'est plus qu'un manuscrit, c'est vraiment un morceau d'histoire. Voilà pourquoi la Bibliothèque nationale de France se bat en ce moment pour l'acheter.
Le New York Times vient de publier un long article sur l'aventure de ce manuscrit. Avant le quotidien américain, le journaliste Nathaniel Herzberg a publié une très bonne enquête sur le sujet, toujours disponible sur le site du journal Le Monde.
Un des livres les plus violents de la littérature française
Le texte du Marquis de Sade est un des livres les plus violents de la littérature française. Il a été écrit en 1785, quand Sade était emprisonné à la Bastille. Il décrit les journées de quatre hommes réunis dans un chateau pour torturer, violer, humilier des jeunes filles et des jeunes garçons.
Le récit est souvent insoutenable. Encore aujourd'hui, certains pays refusent qu'il soit publié. L'an dernier, par exemple, la Corée du Sud a fait détruire tous les exemplaires qui circulaient.
Un texte historique
Pourtant, ce texte a une valeur historique. Sade l'a écrit en 37 jours sur des morceaux de papier minuscules qu'il a cachés entre les pierres de sa cellule. En 1789, c'est la Révolution. La Bastille est brûlée. Sade est persuadé que son texte est parti en fumée. Il meurt en 1814. Mais contrairement à ce que pense le marquis, le manuscrit a été sauvé. Il va connaître un destin incroyable.
Après la Révolution, pendant des décennies, le texte semble avoir disparu. En fait, un homme l'a récupéré dans la prison. Il vend les petits morceaux de papier à un marquis. Le manuscrit reste dans la même famille pendant trois générations. C'est seulement en 1904 qu'il réapparaît, lorsqu'il est vendu à un médecin allemand qui publie "Les cent vingt journées de Sodome", mais dans une version truffée d'erreurs.
Une édition dans les années 30
Puis la famille de Noailles rachète le texte original. Marie-Laure de Noailles est une descendante du Marquis. Elle veut que le texte soit à l'abri mais qu'il soit diffusé. Elle le fait donc éditer dans les années 1930, avant de le léguer à sa fille Nathalie.
En 1982, Nathalie confie le texte à un ami, l'éditeur Jean Grouet, qui souhaite l'étudier. Mais celui-ci ne se contente pas de l'étudier. Il revend le manuscrit à un Suisse, le collectionneur Gérard Nordmann. Le fils de Nathalie de Noailles essaie de récupérer le texte. L'affaire arrive devant la justice. Les tribunaux suisses et français ne sont pas d'accord. La situation est bloquée.
Le Bibliothèque nationale de France entre en scène
A ce moment là, la Bibliothèque nationale de France entre en scène. Son président, Bruno Racine, se bat pour que l'État reconnaisse officiellement le manuscrit comme un "trésor national ", afin de faciliter son acquisition.
La Bibliothèque entame des négociations, avec les deux familles qui se disent propriétaires. Elle serait prête à débourser entre quatre et cinq millions d'euros, en faisant appel à des donateurs privés. Le livre de Sade pourrait alors trouver un refuge, à Paris, à quelques kilomètres de la Bastille, plus de deux cents après avoir été écrit.
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