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Yves Bertrand, le "caméléon"

L'ancien patron des Renseignements généraux vient de mourir. Il avait 69 ans. Controversé, il a dirigé les RG pendant douze ans, sous la droite et sous la gauche. Il avait su se rendre indispensable.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
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Pendant douze ans, il a
collectionné les secrets - et même pendant quarante ans, car Yves Bertrand a
passé toute sa carrière au sein des renseignements généraux. Une vie entière à
collecter des informations, les indiscrétions, les rumeurs et les ragots. Le
visage fermé, le regard sombre, Yves Bertrand voulait tout savoir : "C'est
ma mission", disait-il. Il y avait pris goût dès les années 1970, quand il
était jeune commissaire de police. A l'époque, il était chargé de suivre les
mouvements révolutionnaires. Il faisait des fiches, déjà. Il n'a jamais cessé.

Yves Bertrand était un homme
de droite, proche des Chiraquiens. Pourtant, en 92, c'est la gauche qui le
nomme à la tête des RG. Le fonctionnaire façonne sa réputation. Il se définit
comme un "démineur". Il a des alliés dans la majorité, dans
l'opposition. Entre 1992 et 2004, il travaille avec huit ministres de
l'intérieur, de droite et de gauche. Il se voit comme un serviteur de la
République, pas comme un partisan. Ses détracteurs ont une autre explication :
selon eux, Yves Bertrand sait se rendre indispensable. Il est surnommé "le
caméléon".

Ses secrets, il ne les livre
pas seulement aux politiques. Il les distille aussi aux journalistes. Il
fournit des scoops, parfois vrais, parfois faux. Yves Bertrand est un
manipulateur, capable de jouer les uns contre les autres. J'ai retrouvé deux
citations dans une enquête du Nouvel Observateur : " Nous avons le devoir
de répercuter une rumeur, dit-il en 2008, fût elle infondé ou partiellement
exact
e ". Et cette autre phrase sur les journalistes, toujours attribuée à
l'ex-patron des RG : " les journalistes, c'est comme les punaises, une fois
qu'on s'en est servi, on les jette
".

Yves Bertrand a l'habitude
de tout noter. Il remplit des pages entières : des informations, glanées ici ou
là; des rumeurs sur des affaires politico-financières, des
" brouillons ", dit-il. Mais cette manie finit par se retourner contre
lui. Ses fameux carnets se retrouvent au coeur de l'affaire Clearstream.
Nicolas Sarkozy est persuadé qu'Yves Bertrand a comploté contre lui avec
Dominique de Villepin. En 2004, le patron des RG est écarté. Il s'est fait
beaucoup d'ennemis.

Ces dernières années, Yves
Bertrand se décrivait comme une " victime ". Il avait pris ses
distances avec le monde politique. Ca ne l'avait pas empêché de saluer Marine
Le Pen, " quelqu'un de respectable ", selon lui.

 

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