Commerce : "On constate, depuis un certain nombre de mois, une baisse du chiffre d'affaires", alerte la Fédération nationale de l’Habillement

Florence Bonnet-Touré, déléguée générale de la Fédération nationale de l’Habillement, est l'invitée éco de franceinfo vendredi 20 septembre.
Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
La vitrine d'un magasin de vêtements. Photo d'illustration. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS)

Elle est à la tête d'une fédération de commerçants, des femmes à 80%, dans plus de 30 000 magasins, quasiment tous avec moins de onze salariés. Florence Bonnet-Touré, déléguée générale de la Fédération Nationale de l’Habillement est l'invitée éco de franceinfo vendredi 20 septembre.

franceinfo : Ils sont ce qu'on appelle les petits commerçants. C'est chronique, tous les ans, ils disent qu'ils vont mal. Pas d'exception cette année, vraiment, les boutiques de mode ne vont pas bien ?

Florence Bonnet-Touré : Oui, effectivement, on constate depuis déjà un certain nombre de mois une baisse du chiffre d'affaires. À titre d'exemple, sur le premier semestre 2024, on a observé une baisse du chiffre d'affaires d'en moyenne 6% par rapport au premier semestre 2023. Sauf que là, au mois d'août, on observe que cette baisse de chiffre d'affaires s'atténue. Mais elle continue malgré tout.

Quels commerces de mode sont à la peine et où exactement ? Parce que, par exemple, la mode homme s'est plutôt bien vendue pendant l'été. Idem pour l'habillement dans certaines régions (Normandie, Centre, Val de Loire, et même à Paris), les chiffres étaient bons, certes jusqu'à fin mai. Expliquez-nous cette disparité.

Il y a plusieurs causes pour cette disparité. Tout d'abord, je tiens juste à rappeler que les commerces indépendants de mode se trouvent essentiellement, à 70% d'entre eux, en centre-ville. Donc, quand vous avez des villes qui commencent à se désertifier, des centres-villes qui commencent à mourir, où on observe des fermetures de boutiques, l'effet boule de neige s'aggrave et on observe une baisse significative des ventes dans le commerce de la mode. Il y a deux choses sur les régions, c'est qu'effectivement, outre l'effet Jeux olympiques sur la région Paris, le mois d'août a été compliqué. Mais parce que d'une part, tout ce qui était un peu fermetures et alertes pour la mobilité a été compliqué. Et puis les touristes n'étaient pas les mêmes que les années précédentes. On avait plutôt des touristes attirés par l'effet aux Jeux olympiques qui n'ont pas les mêmes modes de consommation que les touristes habituels qui sont sur Paris au mois de juillet-août.

Les Jeux olympiques et leur flot de visiteurs n'y ont rien fait, pas de consommation supplémentaire ?

Pas dans ce qui concerne la mode et l'habillement. C'est-à-dire que les touristes des Jeux olympiques sont plutôt consommateurs de souvenirs, mais moins de vêtements.

Maintenez-vous votre demande d'aide pour les commerces que vous estimez pénalisés par les Jeux ?

Oui, tout à fait. On s'est rendu compte que, outre le fait qu'un certain nombre de commerces, notamment dans la mode et l'habillement, ont fermé plus longtemps que d'habitude le mois d'août, certains ont pris l'initiative de fermer totalement le mois d'août pour ne pas être confrontés à ces difficultés de circulation dans Paris, et donc un chiffre d'affaires moindre. Bon nombre ont vu leur chiffre d'affaires diminuer, surtout dans les zones touristiques et on a demandé de manière répétitive et on est en discussion pour obtenir effectivement des dédommagements pour un certain type de commerces qui a vu son chiffre d'affaires baisser.

Faites-vous une sorte d'introspection sur les éventuelles failles de ces commerces indépendants de mode, sachant que désormais plus de 20% des vêtements se vendent sur internet ? Est-ce que vos clients peuvent eux aussi acheter facilement en ligne chez vous, commander une taille ou une couleur qui manqueraient ?

Oui, les commerces de l'habillement se transforment à plusieurs titres. C'est-à-dire que pour nous, l'échange physique, le conseil en boutique est primordial et ça, on le perdra jamais. On considère que la relation avec le client, la relation de conseil, de service, elle est très importante et elle doit se dérouler de manière physique en boutique. Toutefois, il est vrai que de plus en plus, des commerçants détaillants investissent et déploient sur le digital pour pouvoir offrir et élargir leur service à une clientèle plus large, celle qui souhaite d'abord identifier à l'avance ou pouvoir commander plus aisément et voir la disponibilité des vêtements en boutique. On considère que c'est très complémentaire.

La seconde main, toutes les grandes chaînes s'y sont mises. Avez-vous incité vos commerçants à se lancer ?

Oui. La seconde main est plutôt très complémentaire de ce que l'on vend dans nos boutiques, puisqu'on est plutôt sur du moyen haut de gamme dans les petites boutiques multi-marques de mode. Donc, Souvent, les personnes qui achètent en seconde main reviennent en boutique pour acheter un vêtement neuf complémentaire soit dans la même marque ou dans une marque différente. On considère que la seconde main devient un élément de service complémentaire par rapport à la vente du vêtement neuf.

Vous parlez des moyenne haute gamme. Est-ce que finalement vos articles sont au bon prix pour vraiment déclencher l'achat ?

Tout dépend de ce qu'on entend par déclencher l'achat. Si vous voulez un vêtement en moyenne à 8 euros sur l'entrée de gamme, il est clair que les boutiques de mode ne sont pas la cible prioritaire. Là, effectivement, on n'est pas du tout dans une consommation où on va multiplier les collections avec des prix très bas. Ce n'est pas du tout l'objectif des commerçants indépendants. Nous, on est plutôt à conseiller aux consommateurs d'acheter de la qualité. Et la qualité a un coût. Il vaut mieux acheter moins, mais mieux, avec des vêtements qui vont durer et s'inscrire dans l'histoire du consommateur avec une qualité plus importante. Et donc effectivement, avec un tarif un peu plus important, on considère qu'il vaut mieux acheter un vêtement à 50 euros que trois vêtements à 20 euros.

À propos des prix, vous bataillez depuis probablement plus d'une quinzaine d'années pour modifier les dates des soldes, leur durée. Vous êtes d'ailleurs en opposition sur ce sujet avec la fast fashion, mais aussi avec les grands magasins. Finalement vous semblez dire que vous ne voulez plus de soldes du tout. Confirmez-vous ?

On considère que les soldes doivent retrouver leur sens, c'est-à-dire le déstockage de fin de saison. Aujourd'hui, les soldes arrivent en début de saison. Les soldes d'été arrivent au début de l'été. Les soldes d'hiver au début de l'hiver, ça n'a aucun sens. Aujourd'hui, on considère que, pour avoir une consommation responsable, il faut faire des soldes en fin de saison, qui permettent un vrai déstockage, avec une durée peut-être plus courte, avec moins de promotions, mais permettre effectivement une visibilité plus importante en fin de saison.

Quelle est la date des prochains soldes ?

Pour l'instant, les prochains soldes ne sont pas à changer parce que c'est un arrêté ministériel qui fixe, au niveau de l'ensemble du territoire, la date des soldes, et les discussions sont actuellement assez fortes avec le gouvernement, puisque c'est le ministère du Commerce qui doit faire ces modifications. On est nombreux autour de la table pour ou pour avoir des discussions sur cette fameuse date des soldes.

A priori le 8 janvier ?

Pour l'instant, c'est toujours cette date fixée.

Le gouvernement démissionnaire a commencé à échafauder un plan pour la mode au gouvernement qui va être nommé dans les heures qui viennent. Que demandez-vous ?

On leur demande de pouvoir réenclencher ce dispositif qui pour nous était vraiment très intéressant dans le sens où il repositionne la mode comme étant un temps un vrai acteur au cœur de l'activité économique de la France et de favoriser et d'encourager toute la chaîne de valeur depuis les producteurs, l'industrie du textile jusqu'au consommateur final. Pour nous, c'était déterminant de pouvoir réenclencher ce dispositif pour la mode.

Favoriser, est-ce injecter de l'argent ?

Pas toujours. Favoriser, c'est donner un cadre favorable. Ça peut être de faciliter ou de réduire un certain nombre de charges. C'est promouvoir la proximité entre la production et la vente, c'est favoriser le made in France ou le made in Europe. Et c'est aussi taxer plus les importations. Aujourd'hui, les produits à moins de 150 euros ne sont pas taxés en douane et on demande cette taxation.

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