Déficit public : "Réduire les déficits publics devrait être un objectif consensuel" pour le président de l'OFCE

La Commission européenne propose une procédure pour déficit excessif contre la France et six autres pays. Ils devront prendre des mesures pour respecter les règles budgétaires de l'Union européenne. Xavier Ragot, président de l'OFCE est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
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Temps de lecture : 7 min
Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et membre du Conseil d'analyse économique (RADIO FRANCE)

La France et six autres pays de l'Union européenne sont visés par une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne. L'Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, Malte et donc la France devront prendre des mesures correctrices pour respecter à l'avenir les règles budgétaires de l'Union européenne, sous peine de sanctions financières. Xavier Ragot, président de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE) et membre du Conseil d'Analyse Économique (CAE).

Franceinfo : La Commission européenne a proposé une procédure pour déficit excessif, la décision formelle va être prise le mois prochain, mais on n'y échappera pas ?

Xavier Ragot : On n'y échappera pas et c'est attendu parce que les nouvelles règles européennes ont été décidées en février dernier et la Commission a attendu que les élections européennes soient passées pour émettre ses avis. C'était attendu pour ne pas interférer avec le scrutin. Le génie français a frappé, donc nous sommes au milieu des élections législatives, mais la Commission devait rendre cet avis. Et cet avis est basé sur un déficit public au-dessus de 3% et comme on sait qu'on a 5% de déficit public, tout le monde savait que ça allait arriver.

On va vivre effectivement des législatives anticipées, mais la suite, quel que soit le prochain gouvernement français, quelle est-elle ? Faudra-t-il négocier avec Bruxelles et que peut-on apporter comme gage de bonne volonté ?

La procédure de déficit excessif, c'est effectivement un engagement des pays et de la France à réduire progressivement, pas brutalement, la dette publique et réduire le déficit public en dessous de 3%. Bruno Le Maire, s'était engagé déjà à réduire le déficit à 3% en 2027. Donc on s'attendait avant les élections à sortir de la procédure de déficit excessif en 2027. Là, la donne a changé.

On n'a pas le détail exact de tous les programmes, mais y a-t-il des formations politiques qui semblent avoir envie de le réduire ce déficit ?

Ce n'est pas l'air du temps des trois principaux programmes que l'on connaît. On sent qu'il y a une volonté de dépense publique pour le pouvoir d'achat. Ça peut être compatible, avec les règles européennes si c'est transitoire et que le gouvernement donne une trajectoire du déficit réaliste pour stabiliser la dette. Soit par des hausses d'impôts, certains programmes le proposent, soit avec des baisses de dépenses, mais c'est aux politiques de les décider. Mais il y a une réalité, c'est qu'il ne faut pas que la dette publique augmente trop, sinon ça fragiliserait les finances publiques françaises. C'est ce que la commission nous rappelle et quelque part, la commission nous rappelle une vérité qu'on devrait savoir nous-mêmes, ce n'est pas bien de s'endetter massivement dans la période actuelle. Il faut investir, il faut stabiliser les comptes et il faut sortir de ce marasme économique après la crise énergétique et la crise sanitaire.

Donc ce qu'elle demande, c'est d'arriver à se projeter, à élaborer un programme de réduction de la dette. Faudrait-il, en France, se projeter sur dix ans par exemple ?

Je pense que c'est ça l'enjeu. Ce n'est pas tant quel sera le déficit l'année prochaine, mais comment on voit la France dans les dix prochaines années pour stabiliser les comptes publics. Encore une fois, ce sur quoi je voudrais insister, c'est qu'on peut le faire par des méthodes qualifiées de gauche, de droite comme on veut, mais quelque part, réduire les déficits publics devrait être un objectif consensuel. Après, il revient aux politiques de dire comment ils veulent orienter la France en termes d'éducation, d'environnement et de service public. Ce qui fait peur à la Commission, c'est quand on fait des choses à très court terme, je ne vais pas citer des pays pour ne pas dramatiser, mais on a des exemples européens. Un pays se réveille avec des choix de court terme, avec une dette publique trop élevée qui fragilise considérablement les comptes publics et le pays est obligé d'augmenter ses impôts en panique. Et ça, souvent, ça aboutit à des crises sociales.

Mais si la France ne fait rien, quel que soit son gouvernement, risque-t-elle vraiment quelque chose ? La France a déjà été en procédure pour déficit excessif jusqu'en 2017. Normalement, au bout du chemin il y a des sanctions financières lourdes et ça nous est jamais arrivé.

Ça nous est jamais arrivé effectivement, parce qu'on est sorti quand même de la procédure de déficit excessif. Les différents gouvernements s'étaient engagés à stabiliser la dette et ils y avaient réussi en 2017. On n'est jamais rentré dans un processus de jeu avec la commission, on s'est toujours engagé, choc après choc et on y a réussi quelquefois. Là, ce qui peut être nouveau, c'est si jamais le gouvernement refuse de s'engager à réduire les déficits. L'étape suivante, c'est que la Commission dit que le gouvernement qui s'est engagé sur des règles en février dernier ne les respecte pas. Donc, elle proposera aux pays européens de voter jusqu'aux sanctions. Et les sanctions, pour vous donner un ordre de grandeur, ça coûterait 3 milliards par an tant qu'on ne respecte pas les règles. Donc ces 3 milliards s'accumulent, s'accumulent, s'accumulent. Aucun pays n'a encore été sous sanctions parce qu'il y a un jeu complexe avec la Commission et elle arrive à orienter le pays dans les décisions pour que les déficits aillent dans le bon sens. Il me semble que le nouveau gouvernement, en réfléchissant dans l'intérêt des comptes publics de la France, devrait se projeter dans un horizon qui satisfait les engagements européens de la France dans son intérêt pas pour faire plaisir à la Commission.

L'addition serait trop salée de fait.

Parce que ça nous coûterait trop cher si jamais on est obligé d'augmenter les impôts juste pour payer les intérêts sur la dette. Ça arrive dans certains pays, mais ce sont des pays qui deviennent paralysés politiquement parce qu'il n'y a plus d'argent pour investir et c'est un pays en crise qui n'a plus de projection dans son futur.

A priori, il y a donc toujours une solution qui est trouvée pour sortir de ce genre de procédure et ne pas arriver jusqu'aux sanctions ?

Tout à fait. Quelles que soient les convictions politiques de chacun, il y a un chemin pour stabiliser la dette et il faudra le mettre en œuvre.

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