Gouvernement de Michel Barnier : "Les syndicats seront reçus avant son discours de politique générale", se réjouit la CFTC

Alors que le Premier ministre s'apprête à recevoir les syndicats vendredi, avant le discours de politique générale prévu le 1er octobre. Cyril Chabanier, président de la CFTC, espère de Michel Barnier la culture du dialogue et du compromis propre à un ancien acteur européen.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
Cyril Chabanier, président de la CFTC. (RADIOFRANCE)

Cyril Chabanier, président de la CFTC est l'invité éco de franceinfo, lundi 23 septembre.

franceinfo: Michel Barnier, le Premier ministre, a toujours un mot pour les partenaires sociaux. C'était le cas lorsqu'il a pris ses fonctions justement à Matignon, ainsi que dimanche 22 septembre, sur TF1. Est-ce que c'est juste pour la forme à votre avis, ou est-ce que vous espérez un vrai changement de méthode ?

Cyril Chabanier : On espère toujours un changement de méthode. Donc j'espère que ce n'est pas que de la forme et de la communication, même si on a très souvent entendu, depuis ces dernières années, des changements de méthode qui n'ont pas toujours été suivis d'effets.

Emmanuel Macron parle de corps intermédiaires, pas de partenaires sociaux. On voit que Michel Barnier, de son côté, vous associe toujours dans ses prises de parole.

C'est vrai, il parle beaucoup des organisations syndicales et patronales, du dialogue constructif. C'est quand même quelqu'un qui est habitué à l'Europe, à être dans ce dialogue, dans le compromis. On n'arrive pas à faire passer des textes à l'Europe s'il n'y a pas du dialogue, du compromis. Donc je pense qu'il va fonctionner comme ça. Après, vous savez, on reste toujours prudent.

Vous ne l'avez pas vu pour l'instant, ni lui, ni ses équipes ?

Nous avons rencontré son directeur de cabinet, qui nous a reçus parce que la composition du gouvernement prenait un petit peu de temps, donc c'était bien qu'on puisse discuter. Et l'info qu'on a est qu'on sera reçu avant son discours de politique générale. Et je crois que c'est très important de pouvoir influer sur son discours de politique générale et pas simplement d'être dans la réaction une fois qu'il l'aura prononcé, le 1er octobre.

Alors, il y a plusieurs sujets importants sur la table. Les retraites tout d'abord. Michel Barnier a dit que tout en respectant le cadre financier, il comptait sur vous, les partenaires sociaux, pour améliorer cette loi, pour "réformer la réforme" des retraites. Comment la CFTC espère-t-elle concrètement apporter sa pierre à la discussion ?

Alors, déjà, je tiens à dire quand même qu'on préférerait que cette réforme soit abrogée. On est toujours résolument opposé à cette réforme. Tous les syndicats sont d'accord pour le dire. Après, si nous sommes invités pour renégocier, pour améliorer la loi, nous, à la CFTC, nous avons pris la décision de se rendre cette invitation, si elle tombe bientôt. Je crois qu'il y a des sujets qui sont importants, qui ne sont pas réglés. On a un gros sujet sur la pénibilité et on a des propositions concrètes. Donc, ça serait quelque chose de bien et qui permettrait déjà de corriger un peu ce fameux âge légal à 64 ans, en faisant partir un peu plus tôt les gens qui ont les métiers les plus pénibles. Encore faut-il les définir. Mais je pense que c'est que c'est possible et assez facile, au moins pour les métiers physiques.

On comprend quand même dans le discours de Michel Barnier qu'il ne compte pas revenir sur la retraite à 64 ans.

On l'a clairement compris. Juridiquement, ils nous disent que c'est compliqué, qu'on ne saurait pas gérer le stock des personnes qui sont déjà passées à cette réforme. Donc, on sait bien que ça, même si on va le demander, ça va être extrêmement compliqué. Après, se rendre pour parler de pénibilité, pour parler d'égalité femmes-hommes, pour essayer de rediscuter un sujet qui nous tient à cœur, à la CFTC, de l'âge de l'annulation de la décote, ces fameuses 120 000 personnes qui doivent travailler jusqu'à 67 ans pour partir à taux plein. Un véritable sujet aussi.

Vous sentez une ouverture sur ces sujets ?

Oui, Michel Barnier a évoqué le sujet de la pénibilité, il a évoqué le sujet des petites pensions, un peu moins sur l'égalité femmes-hommes. Ce sont des sujets qui peuvent paraître un petit peu anodins ou connexes par rapport à l'âge légal des 64 ans, qui est notre grand combat. Mais si on arrive à avancer sur ces sujets-là, moi, je suis certain que ce ne seront pas des petites victoires. Donc, on va faire le maximum. Vous savez, moi j'ai une tradition, tout ce qu'on peut gratter, on essaie de le gratter.

La secrétaire générale de la CGT sur franceinfo, Sophie Binet, a appelé à faire grève et à manifester le 1ᵉʳ octobre, pour demander justement l'abrogation de la réforme des retraites. Est-ce que c'est votre cas également ?

Non, on n'appelle pas à manifester le 1er octobre. D'abord parce que ça a une connotation qui est très politique. Manifester le jour où le premier ministre fait son discours de politique générale. Bon...

Je précise que la date avait été choisie avant.

Oui, mais quand on a discuté entre nous pour choisir le 1er octobre, on savait déjà qu'il y avait de fortes chances que ce soit le jour du discours de politique générale. Nous, notre tradition est quand même de râler une fois qu'on a entendu le Premier ministre s'exprimer. Donc d'abord, on va le rencontrer, on espère avant le 1er octobre, on va écouter son discours de politique générale et ensuite on va réagir. Et si on voit que ça ne va pas dans le bon sens, on n'exclut pas de pouvoir faire des mobilisations.

Mais jusqu'à présent, vous étiez en intersyndicale concernant la lutte contre la réforme des retraites. Là, la CGT appelle à manifester, pas vous. Est-ce que ça ne risque pas de brouiller le message vis-à-vis du nouveau gouvernement ?

Non, je ne pense pas. L'intersyndicale est un bel outil, mais on ne peut pas fonctionner tout le temps en intersyndicale, sinon y aurait plus qu'une organisation syndicale dans le pays. Donc on continue ensemble à dire qu'on est pour l'abrogation. On verra déjà si certains acceptent d'aller discuter ou pas avec le Premier ministre, s'il n'y a pas de suspension, mais ouverture des négociations sur les thèmes qu'on a évoqués. On ne sera peut-être pas tous d'accord sur ça, mais on respectera nos différences.

Et après, certains ont une tradition de mettre plus de pression sur le gouvernement, et nous la CFTC celle de d'abord écouter ce que va dire le Premier ministre. On ne peut pas râler sans savoir les ouvertures qu'il va proposer.

Autre sujet d'actualité: l'assurance-chômage. En juillet, le gouvernement Attal avait mis sur pause la réforme qui prévoit le durcissement de l'accès à l'assurance-chômage et la réduction de la durée d'indemnité. Qu'est-ce que vous attendez de la nouvelle ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet ?

D'abord, on attend qu'elle redonne la main aux partenaires sociaux, puisqu'on a vu pendant des mois cette volonté du gouvernement de reprendre la main sur l'assurance-chômage, donc déposséder les partenaires sociaux de ce sujet.

Donc vous ne voulez pas que la nouvelle réforme soit effective, puisque c'est le cas à partir du 1er décembre ?

Les partenaires sociaux ont signé une convention en novembre 2023, dans laquelle il restait des choses à régler, qu'on devait régler notamment dans la discussion du pacte de vie au travail, avec l'emploi des seniors dont on a beaucoup parlé. On n'a pas réussi, donc on aimerait repartir de cette convention. Le patronat est prêt à rediscuter sur l'emploi des seniors sur lesquels on n'a pas abouti juste avant l'été, et enfin pouvoir trouver des solutions.

Quand elle a été députée, elle a été plutôt ouverte à la discussion sur ce sujet. Elle était d'ailleurs critique envers la réforme de l'assurance-chômage.

Elle était critique envers la réforme, elle voulait laisser plus de place aux partenaires sociaux. Donc là, l'occasion de le faire. Je n'ai pas de doute sur la personnalité ni sur la méthode de la ministre. C'est quelqu'un qu'on connaît, on travaille souvent avec elle. Moi j'ai eu l'occasion de beaucoup travailler sur le sujet de la prévoyance.

Donc c'est une bonne nomination ?

C'est plutôt une bonne nomination. Il y a un geste fort qui est fait au niveau des partenaires sociaux. Après, toute la question, ce sont les marges de manœuvre qu'on va laisser à la ministre parce qu'on a connu des ministres du Travail qui avaient la volonté de faire avancer des choses, mais à chaque fois qu'on trouvait un semblant d'accord, il y avait un "non" de Matignon ou de l'Élysée.

Vous pensez à Elisabeth Borne ?

Vous l'avez citée pour moi, très bien. Donc là on veut que la ministre ait des marges de manœuvre. La méthode est très importante évidemment, mais si on passe des heures de discussion, qu'on trouve des compromis et qu'au bout du bout on a une fin de non-recevoir à Matignon ou à l'Élysée, voire les deux, ça ne servira pas à grand-chose. Donc laissons faire les partenaires sociaux et je crois que la ministre est prête à avancer avec nous.

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