"Il faudra consommer un peu moins de chocolat, mais un peu mieux", souhaite Alexandre Bellangé, président du grossiste Belco
Depuis longtemps épinglé par les associations environnementales, le transport de marchandises par cargos alimentés au fioul lourd constitue une part importante des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Les grands importateurs de cacao et de café, qui recourent largement à ce type de cargos, sont particulièrement concernés.
La société Belco, spécialisée dans l'importation de ce type de marchandises, avec à sa tête Alexandre Bellangé, veut toutefois faire figure d'exception en proposant des modes d'acheminement alternatifs. Le président du groupe veut désormais faire place à un nouveau type de voilier cargo, un mode de transport bien moins polluant.
franceinfo : Un porte-conteneurs classique peut transporter jusqu'à 200 000 tonnes de marchandises. Et votre voilier cargo ? À quoi ressemble-t-il ?
Alexandre Bellangé : On parle de voilier cargo à propulsion principale vélique. C'est un vrai beau voilier qui fait un peu moins de 100 mètres de long, avec de très belles formes et qui peut contenir jusqu'à 1000 tonnes de marchandises. Effectivement, si on compare à un porte-conteneurs classique, nous sommes ridiculement petits, mais avec ce cargo voilier on multiplie quand même par 50 la capacité de chargement par rapport au cargo voiliers actuels.
Est-ce que vous arrivez tout de même à réguler la température ou l'hygrométrie ? Dans quel état arrivent vos fèves ?
L'environnement de stockage est bien meilleur que dans un conteneur. Nous transportons les marchandises en vrac sur des palettes et nous renouvelons l'air assez régulièrement, afin de garantir une excellente qualité. En cale, la température est naturellement régulée par la température de l'eau, et l'air marin est sec, ce qui crée un environnement très sain. Évidemment cela engendre des surcoûts, ce qui fait que les marchandises coûtent plus cher que celles des autres concurrents sur le marché, avec un prix trois à quatre fois plus élevé à l'achat. Mais à côté de ce bilan financier, il y a aussi un coût environnemental. Au niveau environnemental, ça coûte surtout 90 % moins cher au niveau des émissions de gaz à effet de serre et 90 % moins cher au niveau de la pollution atmosphérique. Pour un consommateur, au global, c'est 0,05 € d'euro sur une tablette de chocolat et 0,25 € à peu près sur un paquet de café de 250 grammes.
Pour vous, professionnels, est-ce une utopie, un rêve, ou une véritable solution ? À condition, peut-être, d'alourdir la taxe carbone ?
Ce n'est absolument pas une utopie. D'ailleurs, nous avons choisi pour notre part, d'en faire le mode de transport principal de nos cacaos et de nos cafés. Ce n'est pas une opération de communication, ce n'est pas du greenwashing, c'est une vraie décision : Belco transporte, et transportera majoritairement ses cacaos et cafés avec des modes de transports véliques radicales, au niveau de la propulsion.
"Je suis absolument persuadé qu'on peut développer ce mode de transport pour continuer à rendre désirable la consommation de nos produits dans le futur. Peut-être qu'il faudra juste consommer un peu moins, mais un peu mieux."
Alexandre Bellangéfranceinfo
Vous êtes présent dans les pays producteurs, et vous avez la particularité de demander aux planteurs de remettre toutes ces cultures dans les forêts, ce qui pourrait sembler surprenant. Est-ce que c'est là que ça poussait à l'origine ? Est-ce qu'il faut vraiment que ces plantes retournent sous les arbres ?
Ce qui est très important, c'est de construire des milieux forestiers, des milieux agroforestiers, autour des caféiers, pour pouvoir conserver une température sous la canopée qui va permettre de continuer à produire ses fruits dans de bonnes conditions et avec de bons temps de maturation. Surtout, cela permet de nourrir les sols, ce qui donne des plantes plus solides et des sols bien plus qualitatifs pour le futur.
Vous militez pour moins de chocolat, vous le dites, mais surtout pour un chocolat de meilleure qualité. Étant donné les prix pratiqués par vos clients les chocolatiers - que ce soit 4€ la tablette de 85 grammes pour Manufacture Paysac, 7,50€ les 75 grammes chez le chocolatier rochelais Criollo ou même 12 € chez Encuentro à Paris - on peut se demander : ce n'est pas pour tout le monde ?
Non, moi je pense que c'est pour tout le monde. Le sujet, c'est quelle quantité on choisit de consommer. Ce sont des produits de très haute qualité, des produits de plaisirs, de convivialité et de partage qu'on peut encore s'offrir. Consommons juste un peu moins, on pourra alors consommer beaucoup mieux.
En discussion sur le budget 2025, les parlementaires ont évoqué la possibilité d'une taxe sur le sucre. Est-ce que ce petit luxe risque encore d'augmenter avec cette taxation ?
Cela dépend de la quantité de sucre bien sûr, mais du point de vue de la santé, il est clair que le sucre n'est pas quelque chose de bon. Il faut simplement faire la part belle aux produits de qualité qui limitent autant que faire se peut sa quantité. Il me semble que dans les filières qu'on défend, notamment la filière "Bean-to-bar", où nous limitons au maximum les quantités de sucre, nous devrions pouvoir éviter cette taxe sur le sucre.
Vous promettez moins de sucre, un cacao de qualité supérieure, la protection aussi des producteurs, mais vous ne passez pas par les labels, par exemple, du commerce équitable. Est-ce qu'il n'y a aucun risque d'abus ? Il faut vous croire finalement ?
Il peut nous arriver de passer par des labels. Mais bien au-delà des labels, le sujet, c'est d'avoir des filières qui sont les plus courtes possible, des traçabilités qui sont les plus fines possibles et une transparence totale des transactions. Ce sont des informations qu'on rend disponibles pour nos clients et qu'ils peuvent tout à fait décider, à leur tour, de rendre disponibles au client final. L'idée, c'est d'offrir l'information la plus juste et la plus directe possible pour alimenter un réseau de confiance.
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