"Leboncoin a fait sa mue de site de transaction en face-à-face à une véritable plateforme e-commerce", assure Antoine Jouteau, PDG d'Adevinta

Antoine Jouteau, le PDG d'Adevinta, la maison mère du site internet Leboncoin est l'invité éco de franceinfo mardi 15 octobre.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Antoine Jouteau PDG d'Adevinta, le 15 octobre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

On trouve de tout sur ce site internet, à vendre et à acheter… Leboncoin existe depuis 2006 en France. C'est le deuxième site le plus consulté en France, après Amazon. À l'origine, il s'agit d'un site collaboratif d'achat et de vente entre particuliers. Depuis, il s'est ouvert aux professionnels et enrichi de plus en plus de services : il est désormais leader en terme d'immobilier et premier site de vente de véhicules d'occasion avec plus de 800 000 références.

Antoine Jouteau, PDG d'Adevinta, la maison mère du site internet Leboncoin est l'invité éco de franceinfo mardi 15 octobre.

franceinfo : Pourquoi cette diversification ?

Antoine Jouteau : Je pense que Leboncoin s'adresse à tous les Français pour leur consommation du quotidien. Vous avez cité l'automobile, l'immobilier, mais on parle aussi d'achats de mode, de consommation, d'équipement de la maison. Je pense que Leboncoin répond à des occasions quotidiennes d'achats, qui d'ailleurs se substituent pour certaines d'entre elles à du neuf. Donc l'objectif est de gagner du pouvoir d'achat, mais aussi de mieux consommer. C'est vraiment ancré dans les réflexes des Français d'avoir une consommation raisonnée.

Pourquoi les professionnels vont-ils sur Leboncoin ? Est-ce parce que les Français ont le réflexe Leboncoin et que, du coup, il faut y être ?

Oui, parce que Leboncoin touche 14, 15, 16 millions de Français qui viennent regarder leur futur bien ou vendre le leur. Les professionnels, bien sûr, viennent dans le carrefour d'audience, là où vous avez plus de monde, là où se trouvent leurs clients, là où se trouvent aussi leurs concurrents. C'est un réflexe pour eux de générer plus de business.

Concernant l'immobilier, j'ai parlé à un grand réseau d'agents qui conseille aux professionnels de ne pas aller sur Leboncoin, parce qu'ils ne veulent pas payer deux fois puisqu'ils payent le service.

Tous les réseaux immobiliers sont clients sur Leboncoin. Parce qu'il faut y être. Parce qu'on développe des outils justement pour leur permettre de toucher ces particuliers qui sont leurs clients, de leur permettre d'accélérer leur business. Aujourd'hui, c'est une plateforme incontournable qui développe ces outils-là.

C'est aussi important pour vous d'attirer les vendeurs professionnels. Ils représentent 90% du chiffre d'affaires, alors que les particuliers diffusent 80% du contenu.

Oui, c'est un modèle vertueux. On est un site de mise en relation de particuliers, c'est notre ADN, et les professionnels viennent compléter l'offre. Le business model qui a été inventé, c'est de laisser les particuliers gratuits et de permettre aux professionnels d'être présents en payant pour cela, mais en ayant au quotidien des services supplémentaires de visibilité, de diffusion de leurs annonces. Donc c'est un cercle vertueux entre les deux populations qui sont à la fois des particuliers, mais aussi leurs clients.

Mais vous, votre business model, et donc le fait que vous génériez de l'argent, s'appuie sur le fait qu'il y ait des professionnels sur le site.

Bien sûr, c'est une partie de notre business model. On a aussi des paiements entre particuliers, on a de la publicité. Mais en effet, nos professionnels, qui sont nos clients, achètent des services de diffusion d'annonces, de visibilité. C'est ça qui permet à la plateforme Leboncoin de vivre au quotidien.

Aujourd'hui, générez-vous des bénéfices sur Leboncoin ?

Bien sûr ! C'est un site profitable, qui d'ailleurs aussi paye ses impôts en France. La plateforme a fait 550 millions d'euros de chiffre d'affaires, a aussi fait beaucoup de résultats d'exploitation, est extrêmement rentable, mais elle est aussi une plateforme qui innove au quotidien, qui investit dans ses produits de transaction, qui a investi pour des produits de mise en relation. C'est une plateforme en mouvement.

Donc vous gagnez de l'argent.

Bien sûr.

Ce n'est pas si évident, il y a beaucoup de plateformes qui marchent très bien et qui ne génèrent pas de bénéfices.

Exactement. C'est la beauté du modèle qui a été créé il y a une vingtaine d'années : avoir assemblé un service gratuit pour tous les Français avec une monétisation derrière, qui est somme toute discrète mais qui permet à la plateforme de se régénérer, de se réinventer, d'innover dans les technologies tous les jours.

Aujourd'hui, on peut aussi chercher un emploi sur Leboncoin. Et après, qu'allez-vous vendre ? Où s'arrête la diversification pour Leboncoin ?

Tout ce qui peut intéresser les Français, tout ce qui existe sur Terre doit être à vendre sur Leboncoin.

Des vacances, par exemple ?

Les vacances, on en a. On a aussi des services entre particuliers, vous pouvez trouver votre plombier.

Il y a d'autres services que vous ne proposez pas aujourd'hui et que vous voulez proposer demain ?

Je pense qu'on est plutôt dans la création de services sur les produits qu'on a déjà, c'est-à-dire qu'on est en train de devenir un site e-commerce, on est derrière l'acteur américain que vous avez cité. Aujourd'hui, c'est le plus grand site français de e-commerce d'occasion, le plus grand supermarché. Vous pouvez payer, vous pouvez faire livrer vos objets d'occasion, que ce soient les objets de la mode, de l'univers de la maison. Ça s'adresse à toutes les bourses. Donc Leboncoin a fait sa mue de site de transaction en face-à-face à une véritable plateforme e-commerce.

Que représente la France en termes de marché ?

Sur le marché de l'occasion, la France a été un précurseur.

Est-ce parce que les Français aiment l'occasion ?

Les Français aiment les vide-greniers. Ils aiment les brocantes. Ils ont aussi beaucoup de bon sens de consommation quotidienne. Ils font attention à ce qu'ils achètent.

Plus que dans d'autres pays ?

De manière équivalente, l'Allemagne le fait aussi. Il y a un grand succès en Allemagne qui s'appelle Kleinanzeigen, qui est Leboncoin allemand, qui a les mêmes réflexes aussi, où les Allemands se convertissent aussi à une consommation raisonnée. Il y a aussi une question de pouvoir d'achat. Les Français ont changé leur mode de consommation dans les dernières années, ont basculé une partie de leur budget vers d'autres sources de dépenses et donc en préservent une partie. Aujourd'hui, les deux tiers des achats effectués sur Leboncoin sont des achats tournés vers une substitution du neuf, tournés vers des biens que les Français, peut-être, ne pourraient pas se payer.

Adevinta, la maison mère de Leboncoin, dont vous êtes le patron, a été vendue l'an dernier à un consortium d'investisseurs pour un total de 12 milliards d'euros. Au-delà de l'argent frais, quelles perspectives vous apporte ce rachat ?

Déjà c'est un achat impressionnant. Je pense qu'on peut être fiers. Ça veut dire que notre groupe est attractif. Qu'il possède des actifs particulièrement valables.

Et vous êtes restés à la tête d'Adevinta.

Exactement. Et aujourd'hui, je pense que tout l'enjeu des nouveaux actionnaires, c'est d'accélérer la croissance. Ça passe par des actifs qui vont se concentrer un peu plus sur leurs marchés nationaux.

Parce que vous êtes présents dans plein de pays.

On est présent dans six pays en Europe.

Aux Pays-Bas, en Espagne, en Belgique… Au Canada également.

Aujourd'hui, clairement, l'enjeu de nos actionnaires est de dire qu'en étant dans des marchés très puissants, on doit être encore plus présents, innover pour nos clients particuliers, innover pour nos clients professionnels.

Pour la France, on a vu que vous étiez extrêmement présent. Mais que cela va-t-il vous apporter d'autre ?

Je pense que c'est l'ambition, une ambition plus importante. On va de redevenir un groupe privé, on sera plus coté. On va pouvoir investir un peu plus dans nos marchés majeurs comme l'immobilier et l'automobile, qui vont nous permettre de développer plus de campagnes marketing, de développer plus de fonctionnalités. Ça va être la priorité des deux prochaines années d'être plus précis dans la valeur qu'on apporte à nos clients.

Donc, en fait, ça vous donne plutôt une bouffée d'oxygène, une perspective de long terme et la capacité d'investir dans ce que vous savez faire.

Exactement. Et plus de concentration sur ce qu'on a envie de délivrer. Nous sommes des groupes de croissance, de grande valorisation. C'est notre ambition de continuer à être le plus grand groupe digital français. En tout cas, c'est ce que Leboncoin souhaite.

Donc ça ne change rien pour le client.

J'espère qu'on va changer les choses dans le quotidien de nos clients particuliers et qu'on sera encore meilleurs. Et pour nos clients professionnels, un meilleur fournisseur de services à valeur ajoutée pour leur business.

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