Prix de l'énergie : "Avec Trump, les prix du gaz vont baisser aussi en Europe", indique Pierre-André de Chalendar, de l'Institut de l'entreprise

Quelles conséquences en cascade sur l'économie française pourrait avoir l'élection de Donald Trump aux États-Unis ? Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'entreprise, cercle de réflexion patronal, nous donne son analyse.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'entreprise. (RADIO FRANCE)

Depuis la guerre en Ukraine, les Européens paient au prix fort leur nouvelle dépendance au gaz américain. Et après le plan massif de soutien à la réindustrialisation américaine de l'administration Biden, l'Inflation Reduction Act, le nouveau président Trump compte reprendre la fracturation hydraulique et augmenter les droits de douane sur tous les produits importés.

Dans le même temps, le budget français prévoit une hausse des impôts sur les grandes entreprises qui font des bénéfices et une augmentation du coût du travail avec une baisse des allègements de cotisations. Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'entreprise - cercle de réflexion patronal - et ancien patron de Saint-Gobain, vient nous parler de l'état d'esprit des chefs d'entreprise en France aujourd'hui.

franceinfo : À la victoire de Donald Trump, les patrons français - et européens - ne se sont pas pressés pour réagir. Peut-on y voir un signe d'inquiétude ?

Pierre-André de Chalendar : Globalement, on ne peut pas dire que cette élection soit une très bonne nouvelle pour l'économie européenne. Et ce qui est probablement le plus inquiétant, c'est l'incertitude : on connaît déjà Donald Trump, c'est quelqu'un de très imprévisible. Et les entreprises n'aiment pas l'incertitude. Mais les conséquences ne sont pas majeures par rapport aux problèmes qu'on a déjà, qui sont très graves. Ils ont été mis en évidence il n'y a pas longtemps par le rapport Draghi. Il y a déjà eu un décrochage énorme de l'Europe dans les dernières années.

Après les centaines de milliards de dollars infusées par la présidence Biden dans le développement local de l'industrie verte, Trump veut reprendre la fracturation hydraulique, ce qui risque encore de favoriser l'énergie made in USA. Ça, c'est mauvais pour l'industrie française et européenne ?

En fait, ce n'est pas bon pour le climat, mais pour l'industrie européenne, comme on n'a plus de gaz russe, il faut bien en trouver quelque part. Donc le fait qu'il y ait plus de gaz liquéfié qui arrive des États-Unis, donc plutôt moins cher, c'est plutôt une bonne nouvelle pour nos industries. Et pour le climat, le gaz est quand même une énergie de transition. Donc si les Allemands remplacent le charbon par du gaz, c'est déjà mieux. Nous, on a du nucléaire, on n'est pas très concernés en France, mais pour l'Europe, c'est plutôt bon.

Mais risque-t-on d'être encore moins compétitif quand on regarde les prix de l'énergie ?

Non, parce qu'on n’est déjà pas compétitif du tout. Le gaz américain, comme pour le gaz du Qatar, il faut le liquéfier, le transporter et après il faut le regazéifier. Avec ces trois opérations, le gaz est de toute façon beaucoup plus cher en Europe qu'aux États-Unis.

"Ce qui peut se passer avec Trump, c'est que s'il y a plus de gaz aux États-Unis, les prix là-bas vont baisser. Mais les prix en Europe vont baisser aussi."

Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'entreprise

à franceinfo

Autre sujet d'inquiétude, Donald Trump a prévu d'augmenter les droits de douane sur tous les produits importés, pour favoriser la production et donc l'emploi aux États-Unis. Que pensez-vous de ce renforcement du protectionnisme chez le 4e client de la France ?

Ça, ce n'est pas bon. Le protectionnisme généralisé, ce n'est pas bon. Alors il devrait le faire surtout par rapport à la Chine, un peu par rapport à l'Europe. Et le risque par rapport à la Chine, c'est que du coup, les Chinois viennent plus en Europe. Ce n'est pas forcément bon pour les produits français exportés aux États-Unis. Mais dans nos malheurs, cela va toucher beaucoup plus les Allemands que les Français. Les Allemands exportent massivement aux États-Unis, nous, malheureusement, un peu moins. Le vin, ils ne vont pas tellement le remplacer par du vin américain. Ce sera plus cher pour le consommateur américain.

Donc ça, ce n’est finalement pas si mauvais que ça, quand on regarde que les produits chinois qui ne vont pas aller vers les Etats-Unis vont se retrouver en Europe ?

L'Europe va devoir revoir sa politique, vis-à-vis des États-Unis, mais encore plus vis-à-vis de la Chine. Le gros sujet - et on peut essayer de regarder les choses positivement, même avec le constat du rapport Draghi - c'est que face à Trump sur le protectionnisme, si l'Europe réagit très fort, peut-être qu'il reviendra en arrière. Donc le gros problème, c'est de savoir si l'Europe va être unie et s'il va y avoir un sursaut européen.

En France, dans le même temps, le budget prévoit une hausse des impôts sur les grandes entreprises qui font des bénéfices et une augmentation du coût du travail avec une baisse des allégements de cotisations. Est-ce que ça aussi, c'est un mauvais signal ?

Alors d'abord, le budget 2025, il n'est pas voté. Pour l'instant, l'inquiétude, c'est que c'est tellement la cacophonie à l'Assemblée nationale qu'il y a une grande incertitude.

"L'incertitude autour du Budget, ce n’est pas bon et aujourd'hui, l'économie française et l'industrie sont peu arrêtées à cause de ça."

Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'entreprise

Après, on verra quelles sont les mesures effectives. Sur les impôts, ce n'est pas une très bonne chose, mais s'ils sont temporaires, et qu'on a le gage d'avoir des réformes sur des dépenses publiques, qui est le sujet le plus important, je pense qu'on peut le comprendre. Ce qui m'inquiète, c'est : est-ce qu'on va vraiment faire des réformes sérieuses sur les dépenses publiques ? Et ça, c'est ce dont la France a besoin aujourd'hui.

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