"Thales recrute beaucoup et depuis pas mal d'années", déclare le PDG du groupe

Le salon mondial de la défense et de la sécurité, Eurosatory ouvre ses portes aujourd'hui jusqu'au 21 juin. Patrice Caine, président, directeur général du groupe Thales est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
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Temps de lecture : 7min
Thalès est visé par deux enquêtes pour corruption d’agents publics étrangers, association de malfaiteurs et blanchiment. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

Le salon de l'armement Eurosatory se tient à Villepinte (Seine-Saint-Denis), jusqu'au 21 juin. L'un des thèmes de cette année est l'intelligence artificielle. Thales, grande entreprise de ce secteur, l'utilise dans certaines de ses technologies. Patrice Caine, son PDG, est l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : Vous êtes le patron d'une grande entreprise d'un secteur stratégique. Quel regard portez-vous sur la période que nous vivons, ces législatives anticipées, ce contexte politique forcément très particulier ?

Patrice Caine : Certes, c'est un contexte assez particulier et peut-être une chose simple à dire, c'est qu'il sera important d'aller voter. Après, en tant qu'entreprise, on est au service de notre pays, on ne fait pas de politique. Par contre, on peut rappeler un certain nombre d'évidences quant au développement de nos entreprises. Je pense à la baisse des impôts de production et le financement de l'innovation. C'est tout ça qu'il faut regarder dans les programmes des uns et des autres, pour en tout cas en tant qu'entreprise, essayer d'orienter les meilleurs choix possibles.

L'AFEP, association qui réunit près des 101 plus grandes entreprises françaises, dont Thales met en garde aujourd'hui contre "un risque majeur de décrochage durable de l'économie française et européenne selon l'issue de ce scrutin", et appelle les partis, à la responsabilité budgétaire. Partagez-vous cet appel ?

Effectivement, il nous faut un cadre stable. C'est ce qui permet aussi d'investir dans la durée, surtout pour des entreprises de haute technologie comme nous. On est sur des cycles très longs pour pouvoir prévoir effectivement nos investissements et nos embauches aussi. Moi, j'ai pour devoir de me dire qu'on se doit d'offrir des jobs intéressants à nos jeunes et pour ça, il faut qu'on puisse se développer dans des conditions favorables.

Thales recrute ?

Thales recrute beaucoup et depuis maintenant pas mal d'années. On aura recruté 50 000 jeunes ces cinq dernières années au niveau mondial. Mais vous pouvez prendre à peu près 40 % pour la France, ce qui reste des chiffres très importants. Voilà, on va encore embaucher plus de 3 500 personnes en France cette année, 7 000 au niveau mondial, encore 3 500 l'année prochaine aussi.

Il y a deux ans, Emmanuel Macron appelait au passage à l'économie de guerre en France après l'invasion de l'Ukraine. Est-ce qu'aujourd'hui vous arrivez à fournir aux cadences réclamées ? Est-ce qu'il y a une montée en puissance chez Thales ?

Absolument. On a rempli notre partie du contrat en quelque sorte. D'abord, en investissant beaucoup, on a presque doublé nos montants d'investissement passant de plus de 300 millions d'euros en 2020 à plus de 700 millions d'euros cette année. Donc, ce sont des chiffres qui sont très importants. Et pareil en embauchant parce que finalement, notre matière première, nous, ce sont les cerveaux. Après, pour le rendre peut-être de manière plus concrète, on a quasi triplé les cadences de production de nos radars en France. On est passé d'une dizaine, il y a encore quelques années, à presque 30 en fin d'année, début d'année prochaine. Si je regarde aussi un autre exemple, comme la production de munitions de 120 mm, on est passé il y a quelques années de 20 000 à plus de 80 000 d'ici deux ou trois ans.

Ce sera sur votre site de la Ferté-Saint-Aubin dans le Loiret ?

Absolument. Donc, on voit cet effet volume très important dans nos cadences et qui accompagne finalement une demande soutenue compte tenu d'une géopolitique extrêmement dégradée.

Et vous annoncez aussi la livraison d'un nouveau système de défense aérienne à l'Ukraine ?

Tout à fait. En fait, à l'Ukraine, on leur a livré avec l'armée un système de moyenne portée et un système de courte portée. Ce à quoi vous faites référence, ce sont les systèmes les plus modernes qui sont constitués d'un radar de 100 qui est un best-seller dans les gammes de radars.

Pouvez-vous communiquer sur son montant ?

On laisse nos clients communiquer. Dans la défense, nos clients sont presque tous des clients publics et c'est à eux que revient le privilège de communiquer ou pas, selon leurs envies.

Il y a deux technologies qui sont aujourd'hui essentielles à maîtriser, l'intelligence artificielle et le quantique. Vous dites : "Avec le quantique, le monde va totalement changer d'échelle". Que voulez-vous dire ?

Les performances que vont nous apporter les senseurs quantiques seront augmentées d'un facteur 100 ou 1 000. Dans l'industrie, quand vous vous améliorez d'une génération à l'autre, on parle de 10 à 30 % d'amélioration. Là, c'est 100 fois mieux, 1 000 fois mieux. C'est ça que j'appelle changer d'échelle et de fait, on a du mal à imaginer ce que pourront être des applications qui seront 1 000 fois plus performantes.

Et pour vos métiers à vous, comment cela se concrétise ?

On utilise plusieurs bizarreries de la physique quantique qui, à notre échelle, produit des effets spectaculaires. Par exemple, le fait de pouvoir mesurer des variations du champ électromagnétique de manière 1 000 fois plus précise, pour un IRM en médecine, ça veut dire détecter potentiellement des maladies qu'on ne détecte pas aujourd'hui avec la meilleure IRM possible. Ça veut dire aussi, par exemple, faire des antennes dans les métiers de télécommunications qui ne soient plus corrélées à la longueur d'onde. Concrètement, pour des très grandes longueurs d'onde, vous aurez des antennes qui seront très petites et aujourd'hui, elles sont très grandes.

Qu'apporte l'intelligence artificielle dans vos systèmes ?

L'IA, on en met énormément dans nos capteurs, dont nos senseurs pour les rendre plus performants et plus intelligents en quelque sorte. D'ailleurs, j'aime bien parler d'intelligence assistée plutôt que d'intelligence artificielle parce que je trouve que ça correspond mieux à ce qu'on fait finalement. On aide nos capteurs de senseurs à être encore plus pertinents pour l'humain qui derrière doit prendre la décision. On en met aussi dans tout ce qui est système d'aide à la décision comme les systèmes de contrôle de trafic aérien. On va les rendre plus intelligents, plus riches avec plus de fonctionnalités finalement, pour que le contrôleur aérien ait encore plus de choix à sa disposition.

Cela pose aussi tout de même les questions de vulnérabilité aux cyberattaques. Est-ce un enjeu auquel vous faites particulièrement attention ?

En fait, plus notre monde est numérique et plus il offre de vulnérabilité à des cyberattaques. L'IA étant une technologie numérique, elle est, malheureusement, une source d'attaque supplémentaire d'un point de vue cyber.

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