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François Hollande et le chaos centrafricain

François Hollande est allé rendre hommage ce mardi soir aux soldats français tués à Bangui. La Centrafrique est-elle un bourbier ?
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
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C'est en tous les cas une
intervention qui s'annonce plus longue et plus difficile que prévu. Désarmer
les ex-Séléka disséminés dans tout Bangui est une mission périlleuse, qui ouvre
la voie à des massacres en réaction de la minorité musulmane dont la France ne
peut être complice. La mort de nos deux soldats rappelle qu'il s'agit d'un
engagement militaire réel et pas d'une simple opération de gendarmerie. Ce
drame ramène l'opinion française à la dure réalité de la guerre.

"Les
habitants de Bangui ont faim et soif, ils pillent ceux qui les ont
pillés"
, résume un proche de Jean-Yves le Drian, le ministre de la
Défense. François Hollande lui-même a défini hier soir les buts de guerre après
son atterrissage sur l'aéroport M'Poko, sous très haute surveillance : "La
mission est dangereuse mais nécessaire, si l'on veut éviter qu'il se produise
ici un carnage
". Tout est dit en une formule. Sangaris est beaucoup plus
complexe que Serval au Mali : "Cette fois, il n'y a pas d'ennemi
clairement identifié, il faut désarmer tout le monde"
, précise
Pierre-René Lemas, le secrétaire général de l'Elysée. Le chef de l'Etat a d'ailleurs
sans doute parlé un peu vite samedi dernier en martelant au sommet de l'Elysée "qu'on
ne pouvait pas laisser en place"
un président centrafricain "qui
n'a rien pu faire, qui a laissé faire
". Il faudra compter avec Michel
Djotodia qui ne contrôle plus rien. 

La visite à l'aéroport de Bangui hier soir présentait
un risque ?
 

Preuve que la Centrafrique
sombre dans le chaos : plus personne ne s'étonne qu'un président étranger
ait pu atterrir pour visiter ses troupes et repartir sans y avoir été invité. Certains
dans les milieux de la défense ont d'ailleurs regretté que François Hollande  ait fait savoir qu'il s'arrêterait à Bangui sur
le chemin du retour de Johannesburg, ce qui était prévu depuis 48h. Le secret
absolu est pourtant de mise dans ce type de situation, pour d'évidentes
questions de sécurité, comme ce fut le cas lors de la visite surprise de François
Mitterrand dans Sarajevo assiégée en 92. Il était impossible de ne pas le dire,
rétorque un soutien de François Hollande : "Il a engagé 1600 hommes en
République centrafricaine, il y a deux soldats tués, le président doit passer au-dessus
de Bangui, il s'arrête, il l'annonce, il y a une logique, il renforce sa
position de chef des armées. Ce n'est pas plus compliqué que ça". 

Il y a un consensus national autour de Sangaris ?  

La droite soutient le
président mais s'interroge légitimement sur le coût de la guerre et sur sa
durée. Le centriste Hervé Morin est dans le vrai quand il déclare : "C'est
plus compliqué qu'ils ne le pensent. Vu le chaos, nous resterons bien plus que
six mois
". Tout le monde a en mémoire les huit ans de présence de la
Force Licorne en Côte d'Ivoire. L'Union Européenne est également montrée du
doigt, cette fois par le PS, qui souligne, comme au début de Serval, l'absence
d'une armée commune susceptible d'intervenir.

Le "merdier
africain",
comme le disent les militaires concerne directement tous les
partenaires d'une Europe qui n'est pas à la hauteur. Pour le député socialiste
François Loncle, rapporteur sur les questions de sécurité
au Sahel, "c'était quand même autre chose du temps de Delors,
Mitterrand et Kohl
". Non la Centrafrique n'est pas
un bourbier, pas pour le moment. Oui, cette opération est autrement plus
risquée que la campagne au Mali. Mais la France, gendarme de l'Afrique
francophone qui dispose de troupes dans les pays voisins pouvait-elle rester
l'arme au pied face à une Centrafrique livrée à une folie meurtrière ? 

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