Retraites chapeau : une loi, pour quoi faire ?
Même si il y a renoncé sous
la pression, nous pouvons décerner un coup de sombrero au patron de PSA pour
son geste d'apaisement à 21 millions d'euros. Si Philippe Varin avait conservé sa
retraite chapeau en or massif, le pays serait entré en jacquerie. Mais il n'est
pas évident que l'Assemblée nationale soit en mesure de rejouer la nuit du 4 août 1789, quand les privilèges ont fini par être abolis. Tout
simplement parce que le sujet divise la majorité jusqu'au sommet de l'exécutif.
François Hollande, qui ne veut pas désespérer l'entreprise, est hostile à une
loi. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault y est favorable, Arnaud Montebourg
le ministre du Redressement productif et du made in France la réclame, tout
comme la gauche du Parti Socialiste.
Entre sa première interview à la
mi-journée sur France Info, et le ouf de soulagement poussé par le chef de
l'Etat à 19h depuis Madrid, Philippe Varin a dû manger son chapeau
dans le bureau de Pierre Gattaz, qui a joué au pompier de service, de peur que
l'incendie ne se propage à tous les étages du patronat. Le président du Medef a
aussitôt publié un communiqué, cosigné par Pierre Pringuet, président de l'AFEP,
l'Association française des entreprises privées, pour se féliciter de
l'autorégulation instaurée par le code du patronat. En fait, si l'affaire
n'avait pas été jetée par la CGT Peugeot sur la place publique, Philippe Varin
serait discrètement parti avec la somme dans la poche, pas vu pas pris.
Le montant de 21 millions d'euros a fait débat ?
C'est pourtant le bon :
non pas versé d'un bloc, mais à raison d'un peu moins d'un million par an, ce
qui donne les trois cent mille euros revendiqués par le patron de PSA, nets de
charges et d'impôts. Mais là n'est pas l'essentiel : Philippe Varin
méritait-il de tels émoluments, après quatre années seulement passées à la tête
d'un groupe Peugeot-Citroën en pleine crise, 8 mille suppressions de postes,
une usine fermée, et un soutien financier de l'Etat ? Nous sommes loin
d'une rémunération au mérite, alors que les Français se serrent de plus en plus
la ceinture et que le chômage explose. La révélation, choquante, avait de quoi
transformer le pays tout entier en vaste réserve de bonnets rouges.
Droite et gauche n'ont jamais su légiférer sur la
question.
Parce que ce n'est pas
possible. Qui a dénoncé Le capitalisme sans scrupule des parachutes en or, des
retraites chapeaux, des patrons voyous, des mots dignes d'Arlette Laguiller ?
Nicolas Sarkozy, qui a tout juste été en mesure, une fois élu, d'imposer un
décret temporaire pour interdire aux patrons d'entreprises bénéficiant d'une
aide de l'Etat de recevoir une retraite chapeau. Une loi est possible, mais où
placer le curseur quand l'Etat n'est ni actionnaire, ni soutien ? Le salaire
de Philippe Varin a été décidé en conseil d'administration et publié. Quid d'ailleurs
de celui de son successeur Carlos Tavares ? Arnaud Montebourg peut bien s'agiter
dans tous les sens, mais il est impossible de légiférer sur le domaine privé, sans
faire fuir les investisseurs étrangers. Le drame est que le nouveau code de conduite
du Medef semble inefficace. La seule arme serait donc la transparence et la
menace d'un scandale public. Le pouvoir politique et le patronat sont obligés
de revoir leur copie et établir un code décence digne de ce nom, dans un monde
où il faut certes encourager l'entreprise, mais avec une éthique susceptible de
ne pas aggraver cette bonne vieille fracture sociale qui divise toujours le pays.
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