COP15 : qui est Pierre Dubreuil, le haut fonctionnaire qui veut populariser le mot "biodiversité" autant que le "climat" ?
Pierre Dubreuil dirige l'Office français de la biodiversité (OFB), un organisme tout récent datant de 2020 qui regroupe l'Agence de la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Lui-même intrus parce que chasseur, loin du stéréotype écolo anti-chasse. Il gère un énorme organisme. L'OFB a un budget de 500 millions d'euros, 3 000 agents (dont une grande partie d'inspecteurs de l'environnement qui verbalisent les infractions) avec également des missions d'expertise, de comptage, ou encore de gestion des parcs nationaux. Il passe ses journées à parler de curage des rivières, de préservation des nappes phréatiques, de "renaturation" d'espaces bétonnés, ce qui là encore n'est pas commun pour un haut fonctionnaire à ce niveau. Autant de sujets au cœur de la COP15 sur la biodiversité où il sera la semaine prochaine à Montréal et où il lancera notamment un G10 mondial des agences de la nature.
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Pierre Dubreuil n'est pas chasseur par hasard. À 53 ans, le patron de l'OFB est né dans la Sarthe, dans la nature. Père vétérinaire, mère enseignante. Études de droits avant de passer les concours de la fonction publiques. Il prend son premier poste en préfecture, dans l'Eure. En 1995, il est directeur de cabinet d'un député, Michel Pericard, un "vieux baron du RPR avec un côté écolo" (c'est ainsi qu'il en parle). Politiquement, il est ce qu'on appelle un gaulliste-social, séguiniste. Il a fait la campagne présidentielle de Jean-Pierre Chevènement en 2002, candidat aux législatives dans la foulée. Il a eu plusieurs mandats - à Paris dans le 5e, à la région Île-de-France de 2012 à 2015. Et c'est un proche assez logiquement d'Arnaud Montebourg.
Un côté pompier
Mais depuis une dizaine d'années c'est avant tout un patron du secteur public qu'on vient chercher quand il y a le feu, socialement ou financièrement. Il a redressé l'Institut de recherches archéologiques (Inrap), qui était en train de crouler avec plus de 2 000 archéologues, un budget de 165 millions d'euros. Quand il est reparti, la cour des comptes l'a encensé et les syndicats lui ont offert une truelle d'archéologue. Il a fait la même chose dans l'enseignement supérieur en dirigeant "Paris Sciences et Lettres" qui regroupe Normale sup, le Collège de France, Dauphine, l'ESPCI etc. Et rebelote au Museum d'histoire naturelle où il a baigné au passage dans les questions de biodiversité.
Ce côté pompier, assez central, lui vaut d'ailleurs un surnom assez drôle que lui a trouvé son ami l'ancien ministre de l'Économie. "Montebourg m'a dit un jour : 'T'es un peu le Red Adair de la fonction publique', s'amuse Pierre Dubreuil. C'était ce pompier new-yorkais qu'on envoyait sur tous les incendies les plus difficiles à éteindre. Au moment où le président veut créer cette grande agence de la nature en France, à laquelle beaucoup pensent depuis le grenelle de l'Environnement, en gros depuis que Nicolas Hulot a rencontré Nicolas Sarkozy, on me demande de faire ça parce qu'il faut rapprocher des mondes qui ne se parlent pas : chasseurs, agriculteurs, pécheurs, écolos. Et en même temps de fusionner des établissements publics avec des cultures très différentes."
Un mot "qui fait peur"
Le haut fonctionnaire, pompier de service, et manager a donc une mission : vulgariser cette notion de biodiversité, placer les questions de biodiversité en haut de l'agenda politique au même titre que le climat ! On en est loin, cela suppose de vulgariser ce qu'il y a derrière ce mot "qui fait peur" selon lui : "C’est un mot, selon des études d’opinion, que huit Français sur dix ne comprennent pas mais qu’ils considèrent comme très important. Donc, il y a un paradoxe. Pour les politiques, ça devient un mot un peu magique. En fait quand on parle de biodiversité c’est un sésame. Mais il faut que la volonté soit plus forte parce que la biodiversité, ce que tout le monde ne comprend pas forcément, c’est ce qu’on mange, c’est ce qu’on boit, ce qu’on respire, ce qu’on porte."
"Je ne suis pas défenseur de la nature pour la nature, ce qui m’intéresse c’est de sauver l’homme avec la biodiversité. En gros, c’est de changer notre rapport à la nature."
Pierre Dubreuil, directeur général de l'Office français de la biodiversitéà franceinfo
Pour convaincre, son crédo absolu est d'éviter l'idéologie. Pierre Dubreuil ne dit pas qu'il faut absolument arrêter tout bétonnage. Mais il demande aux décideurs de s'interroger à chaque projet : quel impact cela aura sur la biodiversité ? Et là où le mal est fait, comment pourrait-on renaturer ?
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