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Forum de Davos : qui est Arthur Sadoun, le patron de Publicis qui s’attaque au tabou du cancer en entreprise ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Arthur Sadoun prononce un discours lors du salon VivaTech à Paris, France, le 24 mai 2018. (ETIENNE LAURENT / EPA)

Si on parle d’intrus c’est qu'au Forum économique mondial de Davos qui rassemble grands patrons, banquiers, politiques, intellectuels du monde entier, pour parler bénéfices, fiscalité, éventuellement de la guerre en Ukraine comme mercredi 18 janvier avec Volodymyr Zelensk, on n’attend pas forcément à ce que l’un d’eux lance le sujet du cancer en entreprise. Précisons que Publicis est un des gros partenaires du Forum. Arthur Sadoun, qui était en plénière, à huis clos, devant 200 grands patrons a donc évoqué mardi son initiative "Working with Cancer", "Travailler avec le cancer", une plateforme d’entreprises qui s’engagent à éliminer la stigmatisation du cancer sur le lieu de travail ou maintenir le salaire après la maladie notamment.

Des milliers de témoignages reçus


Si le groupe Publicis et Arthur Sadoun s’engagent dans ce combat c’est que lui-même a révélé au printemps avoir été opéré d’un cancer de la gorge lié au papillomavirus, un virus sexuellement transmissible. Et comme il l’a expliqué à nos confrères de M6, ça a déclenché énormément de réactions. "J'ai reçu des milliers de témoignages de gens qui comme moi avaient été diagnostiqués avec un cancer et qui en apprenant la nouvelle, après avoir eu peur pour leur vie, avaient immédiatement eu peur pour leur travail, explique Arthur Sadoun. Peur de perdre leur emploi, peur de ne plus progresser, peur de ne plus être à la hauteur. On a évidemment trouvé ça inacceptable à Publicis et on a décidé de prendre cette grande initiative 'Working with Cancer' que l'on a lancée mardi à Davos."

En fait il s'attaque à deux tabous : le cancer au travail - ils avancent ce chiffre : un malade du cancer sur deux se cache au travail. Deuxième tabou : le papillomavirus, virus sexuellement transmissible pour lequel il existe pourtant un vaccin trop peu inoculé aux adolescentes comme aux adolescents. La présentation à Davos s'est faite à huis clos. Il y aura un lancement médias, réseaux sociaux, affiches le 4 février, pour la journée Mondiale contre le cancer. Mais sa cible étant les entreprises, Arthur Sadoun a voulu parler aux entreprises d’abord. 

Des hésitations avant d'en parler publiquement 

Qu’un grand patron du CAC40 révèle ainsi une maladie publiquement pendant l’exercice de son mandat est extrêmement rare. Christian Streiff l’ancien patron de Peugeot avait évoqué des années après, l’AVC qu’il avait fait dans son bureau. Arthur Sadoun, lui, a manifestement beaucoup hésité, en a parlé avec son prédécesseur Maurice Levy. Chez Publicis, certains étaient contre. Notamment parce qu'il était à quelques mois de la fin de son mandat, depuis il a été renouvelé en septembre. Mais lui qui communique beaucoup par vidéo avec ses 96.000 salariés a finalement utilisé ce même canal. "Aujourd'hui, explique Arthur Sadoun via une vidéo ,  je voudrai partager avec vous quelque chose de beaucoup plus personnel. Il y a deux semaines, j'ai eu une intervention chirurgicale pour me faire retirer une petite tumeur. Hélas, celle-ci s'est avérée cancéreuse. Mais la bonne nouvelle en ce qui me concerne, c'est que cette petite tumeur a été détectée très tôt. J'ai été opéré immédiatement et toutes les cellules cancéreuses ont été retirées.  Pour tout vous dire, j'ai hésité à partager cette information mais je ne voulais pas que vous l'appreniez par quelqu'un d'autre. C'est évidemment un sujet dont il est difficile de parler mais j'ai souhaité être totalement transparent avec chacun d'entre vous."    . 

Depuis cette vidéo, le patron de Barclays en GB en novembre a révélé lui aussi qu'il souffrait d'un cancer et qu’il serait absent plusieurs semaines pour se soigner.  

Arthur Sadoun a un parcours assez fulgurant. Il a 51 ans. Un père patron de l'IFOP, Roland Sadoun. Un grand père président de Thomson, Ernest Cordier. Après un Bac D à l’école alsacienne, et une école de commerce, l’European Business School à Paris. il file au Chili. Il parle espagnol et monte une boite sur un concept assez simple. Il s’est entendu avec plusieurs marques textiles françaises. Il rachète leurs stocks en fin de saison, par exemple à la fin de l’été et les revend à Santiago où l’on sort à peine de l’hiver. Au bout de 5 ans, il revend tout à une filiale d'Omnicom, deuxième groupe mondial de communication. Le temps de passer une maîtrise d’administration des affaires à l’INSEAD. Et il débarque chez TBWA, qu’il dirige, puis préside. Il y passe huit ans avant d’être recruté chez Publicis pour diriger Publicis Conseil, et 10 ans plus tard, d’en devenir le grand patron. Il a alors 45 ans, et devient le troisième patron, seulement, de Publicis en 90 ans après Marcel Bleustein Blanchet le fondateur en 1926 et Maurice Lévy qui en a été le patron pendant 30 ans. 


Pour le reste, c'est quelqu'un "qui nage vite réfléchit vite et est très impatient", dit-on en interne. Pour révéler son cancer, il aura en tout cas enfreint une règle de protection de sa vie privée dont il ne s’était écarté qu'une fois jusque-là. Il avait pris la défense de sa femme, la journaliste Anne-Sophie Lapix lorsque celle-ci avait été nommée pour remplacer David Pujadas en mai 2017 au 20h de France 2. Certains laissaient entendre que c'était grâce aux fonctions de son mari. Il était sorti de ses gonds dans le JDD. "Ça suffit ! avait-dit Arthur Sadoun. La première fois que j’ai vu mon épouse, c’était il y a dix ans. Elle interviewait le Premier ministre au 20 heures de TF1."

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