Les propos d'Emmanuel Macron sur Pétain ont "pollué une semaine mémorielle exceptionnelle", selon l'historien Nicolas Offenstadt
Spécialiste de la Grande guerre, Nicolas Offenstadt a réagi samedi sur franceinfo à la polémique sur la figure du maréchal Pétain.
La polémique autour des propos d'Emmanuel Macron sur le maréchal Pétain a quelque peu "pollué une semaine mémorielle qui était quand même assez exceptionnelle", a regretté l'historien Nicolas Offenstadt, spécialiste de la Grande guerre, invité de franceinfo samedi 10 novembre. Les historiens du Conseil scientifique de la mission du Centenaire, qui ont eu "une longue discussion" la veille avec le président de la République lui ont clairement dit qu'ils avaient été "affectés" par cette polémique, a-t-il également confié.
Interrogé le 7 novembre sur l'éventuelle présence de Pétain parmi les chefs militaires qui seraient honorés dans la cour des Invalides, Emmanuel Macron avait répondu que cela lui paraissait "légitime", car en dépit de ses "choix funestes" en 1940, l’homme de Verdun avait été un "grand soldat".
Pour Nicolas Offenstadt, Emmanuel Macron a confondu, avec cette sortie, ce qui relève de l'Histoire, un "travail savant sur le passé où vous expliquez ce qu'a été un personnage sur une période", et ce qui relève de la mémoire, "ce qu'une société décide de mettre en avant dans l'espace public".
"Une sortie rapide, pas très maîtrisée"
"L'Histoire, vous racontez tout. Quand vous êtes historien, vous n'avez évidemment rien à cacher, vous essayez de faire comprendre le mieux possible - avec le maximum de documents - comment les choses se sont passées, explique Nicolas Offenstadt. Donc avec Philippe Pétain, il faut expliquer ce qu'il a été en 1916, le défenseur de Verdun, ce qu'il a été en 1917 comme commandant en chef des armées, ce qu'il a fait dans l'entre-deux-guerres puis pourquoi il est arrivé chef de l'Etat français, la politique dramatique qu'il a menée pour de nombreux juifs et bien d'autres persécutés. Ça c'est de l'Histoire !", a encore détaillé Nicolas Offenstadt.
"La mémoire, c'est ce qu'une société décide de mettre en avant dans l'espace public. Et donc c'est un choix politique et moral. Vous utilisez le passé pour mettre en avant des valeurs. Là, c'est beaucoup plus problématique de valoriser la figure de Philippe Pétain. Mettre en avant la figure de Philippe Pétain dans l'espace public, c'est de la mémoire, et là vous êtes sur des valeurs, et c'est évidemment, à mon sens, extrêmement compliqué", a exposé l'historien.
Pour Nicolas Offenstadt, les propos d'Emmanuel Macron "n'étaient pas très utiles, par rapport à tout ce qui a été fait". "C'était une sortie rapide, pas très maîtrisée, et les mots qu'il a employés, c'est normal qu'on se soit inquiétés. Cette phrase était malheureuse, mais il ne faut pas que ça gâche ce qu'est le Centenaire", a insisté l'historien. D'autant que selon lui, "c'est la première fois qu'un président de la République prend autant de temps pour honorer la mémoire de la Grande Guerre sur tous les sites sur laquelle elle a eu lieu". Un "gâchis", donc. Le terme est assumé par l'historien.
"Il faut oublier ce débat-là"
Il rapporte ainsi que les membres du Conseil scientifique de la mission du Centenaire ne se sont d'ailleurs pas privés de le dire clairement au Président de la République, avec qui ils ont eu vendredi 9 novembre "une longue discussion".
"On ne lui a pas caché une partie de nos interrogations. On lui a aussi dit collectivement combien il était important que le Centenaire soit international, pour ne pas revenir à des querelles franco-françaises, ou raconter l'Histoire comme on la racontait il y a 50 ans en se concentrant sur les grands hommes, quels qu'ils soient", a résumé Nicolas Offenstadt.
"Le Centenaire, ce n'est pas Emmanuel Macron, ni François Hollande, son prédécesseur, ni même Nicolas Sarkozy, c'est des milliers de projets dans toute la France, de gens qui ont organisé du théâtre, des expositions, des cérémonies, des collectes de documents... C'est ça le Centenaire, et je crois qu'il faut oublier assez vite ce débat-là", a conclu l'historien.
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