Ce sont les microbes qui ont façonné le haricot vert

En parallèle de la domestication des plantes, il y a eu aussi une sélection de leur microbiote. Sauf que cette dernière s’est faite à notre insu. Une étude approfondie sur le haricot vert vient de démontrer que les caractères sélectionnés dépendaient en fait beaucoup de la population de bactéries, de virus et de champignons que chaque plante abrite en elle.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
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Des chercheurs ont analysé les populations de bactéries que ces plantes abritent, dans les racines, les tiges, les graines. (Illustration) (ISABELLE ROZENBAUM / PHOTOALTO / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon nous explique aujourd'hui qu'en domestiquant les plantes, les premiers agriculteurs, à leur insu, ont en fait sélectionné les microbes qui vivent avec. De quoi repenser une agriculture trop habituée aux pesticides.

franceinfo : Chaque plante abrite en elle des bactéries, virus et champignons ? 

Hervé Poirier : C’est le cas pour le haricot. Plus précisément pour le haricot vert, domestiqué il y a 9000 ans dans les Andes, et pour le haricot blanc, cultivé 1000 ans plus tard. Des chercheurs ont récupéré dans les Andes et en Amérique centrale des graines cultivées de ces deux espèces, ainsi que de cousines sauvages. Ils les ont fait pousser sous serre.

Puis, grâce aux outils de séquençage génétique, ils ont analysé les populations de bactéries que ces plants abritent, dans les racines, les tiges, les graines. Ils ont alors montré que les haricots verts et blancs, attirent, et favorisent une population bactérienne très similaire, mais très différente de leurs cousines sauvages. Et que ces bactéries ont joué un rôle discret, mais essentiel, dans le développement de l’agriculture.

Parce que ces bactéries ont une vraie influence sur la qualité des haricots ?

Oui. Les chercheurs l’ont montré pour le calcium. Il est connu que les plantes domestiquées ont moins de calcium que les sauvages : cela les rend moins dures sous la dent, plus facile à cuisiner. Or, les populations de bactéries recrutées spécifiquement par les haricots verts jouent un rôle clé dans cette teneur en calcium.

En sélectionnant des plants pour cette qualité culinaire et gustative, les premiers agriculteurs andins ont donc, sans le savoir, indirectement sélectionné des populations de bactéries spécifiques. Si les haricots verts sont si bons, c’est grâce à elles ! Il en va très probablement de même pour les autres caractères clés (grosseur, précocité, rendement, résistance…). Ainsi que pour les autres plantes domestiquées (maïs, riz, blé…). A leur insu, les agriculteurs, ont donc toujours été des microbiologistes.

Ce qui interroge l’usage des pesticides dans l’agriculture…

Oui. L’agriculture, et la biologie en général, ont eu longtemps tendance à ne s’intéresser qu’aux caractéristiques intrinsèques des espèces, indépendamment de leur interaction avec l’environnement. Ces travaux s’inscrivent plus généralement dans la prise de conscience de l’importance des microbiotes au sein des plantes et des animaux.

Non, le vivant n’est pas une collection d’individus séparés. Il est avant tout tissé par des réseaux d’alliances, de partenariats, de symbioses. C’est un mouvement de fond. La science du vivant devient science des relations. La biologie devient écologie.

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