Chez les chasseurs-cueilleurs, les femmes chassaient aussi
Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine scientifique Epsiloon, revient sur un débat qui agite la communauté des spécialistes de la préhistoire.
franceinfo : Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, est-ce que les femmes chassaient aussi ? Une nouvelle étude apporte des éléments...
Mathilde Fontez : Oui, le débat a été assez vif, en particulier autour de la sortie du livre et du film Lady Sapiens, il y a deux ans. Comment se répartissaient les taches entre hommes et femmes, à la préhistoire. Les femmes étaient-elles consacrées à la cueillette et à l’éducation des enfants, pendant que les hommes allaient chasser. Ou bien les femmes étaient-elles ultra-puissantes, des chasseuses dominant leur société.
On a l’impression de passer d’un stéréotype à un autre. Et cette nouvelle étude apporte un regard un peu décalé. Les chercheurs de l’université de Seattle qui l’ont menée ne se sont pas basés sur les vestiges archéologiques vieux de milliers d’années. Ils ont plutôt cherché la réponse dans les populations de chasseurs-cueilleurs contemporaines, en remontant sur 100 ans. Ils ont épluché les rapports ethnographiques, les descriptions de 63 de ces sociétés, sur les 5 continents. Traquant tous les endroits où la chasse était mentionnée…
Et ils trouvent que les femmes chassaient dans ces sociétés ?
Eh oui, elles sont loin d’être exclues de cette activité. Dans 50 des 63 sociétés étudiées, elles chassent. Dans les sociétés où la chasse est l’activité principale pour subsister, elles participent à 100%. Dans 87% des cas, la chasse est une activité bien ancrée chez les femmes : ce n’est pas seulement le hasard de tomber sur un animal et d’en profiter. C’est une chasse intentionnelle, une chasse active. Même si elles utilisent des techniques parfois différentes de celles des hommes.
Par exemple, chez les Tiwi d’Australie, les femmes chassent de petits animaux et les hommes de gros gibiers. Chez les Aka, au Congo, elles pratiquent la chasse au filet – la participation des femmes à cette chasse est même obligatoire dans cette société – alors que celle des hommes ne l’est pas. Et chez les Agta des Philippines, elles utilisent des techniques de chasse variées, quand les hommes n’utilisent que des arcs et des flèches.
Bref, l’étude va bel et bien contre le préjugé de la division du travail entre chasseurs et cueilleuses. Elle montre toute une diversité de pratiques, d’organisations sociales. Mais sans remettre en cause, souvent, une répartition sexuelle…
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