Google nous rend prétentieux
Notre tendance à aller sur Google, avant même de réfléchir, dès qu'on a besoin d'une réponse ou d'une information, n'est pas sans impact sur notre mémoire.
Avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, nous parlons aujourd'hui de notre tendance presque incontrôlée, à demander des réponses à Google dès qu’on cherche une information, à "googler" tout avant même de réfléchir.
franceinfo : Cette tendance nous amènerait à être plus prétentieux, à penser qu’on sait tout, Mathilde ?
Mathilde Fontez : Oui. On a tendance à le faire dès qu’on a notre téléphone à portée de main. Et on a souvent notre téléphone à portée de main : quand on cherche le titre d’un film, le nom d’un acteur, une date, on "google" avant même de réfléchir. Et ça, ça n’est pas sans impact.
C’est ce que montre une étude assez sidérante. Elle a été menée par un chercheur en sciences cognitives, de l’université d’Austin, aux États-Unis. En fait, à force de "googler", notre perception de nos pensées devient confuse. On pense que c’est en nous qu’on a trouvé les informations, et pas sur Internet.
On a l’impression qu’on le savait !
C’est exactement ça. Le chercheur a fait une dizaine d’expériences différentes, avec des gens qui avaient accès, ou non, à Google pour répondre à des questionnaires ; d’autres avec un Google ralenti ; d’autres avec Wikipédia.
Et ce qu’il observe c’est que la rapidité de Google, le fait aussi que le moteur de recherche ne donne pas forcément de contexte pour l’information – il donne la réponse, tout simplement – tout ça, ça ressemble beaucoup au chemin qu’on fait naturellement avec notre mémoire pour chercher une info. Le moteur de recherche a d’ailleurs été conçu dans son design pour ça, pour ressembler à notre esprit. Bref, "googler", ça court-circuite notre processus de recherche dans notre mémoire, et ça le remplace.
Conséquence : on a tendance à confondre Google et notre mémoire. Et conséquence de cette conséquence : on devient très très confiants dans notre savoir. Dans les expériences, ceux qui avaient utilisé Google surévaluaient leur capacité à répondre aux questions d’après. Ils surévaluaient leur savoir, et leur mémoire. Ils surévaluaient même leur intelligence, leur capacité à raisonner.
Et ça ne le fait pas pour Wikipédia ?
Non, parce que là, le contexte autour de l’info rappelle à notre cerveau qu’on a fait une recherche sur Internet. Ça ressemble plus à prendre un livre, ou demander à quelqu’un.
Et ça ne le fait pas non plus quand Google met 25 secondes de délai pour nous donner la réponse. Là, on a le temps de se rendre compte qu’on ne sait pas, qu’on a cherché, et qu’on a trouvé la réponse sur Internet. C’est assez vertigineux, Google est devenu une vraie prothèse cérébrale. Ou l’oublie !
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