La concentration en CO2 actuelle est un record depuis 14 millions d’années
Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine scientifique Epsiloon évoque aujourd'hui le taux de CO2 dans l’atmosphère qui ne cesse de monter. C’est tout l’objet de la COP28, qui se déroule en ce moment à Dubaï, pour tenter de trouver un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
franceinfo : Une équipe de chercheurs enfonce le clou aujourd’hui, avec une étude publiée hier dans Science, du taux de CO2, à très, très long terme ?
Mathilde Fontez : Oui, leur conclusion est assez terrible : notre taux de dioxyde de carbone actuel, est de 419 parties par million de CO2 dans l’atmosphère aujourd’hui, 419 ppm. Ce taux est le plus haut depuis 14 millions d’années. Jusque-là, l’organisation mondiale de la météo, le GIEC, tablait plutôt sur un record depuis 2 à 5 millions d’années. On était loin du compte. Ça fait 14 millions d’années que le CO2 n’avait pas été aussi élevé.
Comment les chercheurs sont-ils remontés si loin ?
Ils ont collecté toutes les archives géologiques disponibles. Tous les éléments qui gardent la trace du taux de CO2 passé. Les carottes prélevées dans les glaciers : la glace emprisonne des bulles d’air, qui conserve le taux de CO2 de l’époque. Mais aussi les isotopes de minéraux ; les isotopes du carbone dans les sols anciens ; la morphologie des feuilles fossilisées.
Ce consortium international de 90 spécialistes, de 17 pays, a collecté, analysé, discuté toutes ces données pendant 7 ans. Et grâce à cela, ils ont pu remonter jusqu’à 66 millions d’années – 66 millions d’années, c’est l’époque de l’extinction des dinosaures.
Et on peut suivre toutes les variations du taux de CO2 ?
Oui, on peut raccrocher ce taux aux climats, aux températures, à la vie sur la planète. Les chercheurs confirment par exemple, que la période la plus chaude, c’était il y a environ 50 millions d’années : le CO2 dans l’atmosphère était alors à 1600 ppm. Puis, il y a 34 millions d’années, la température a baissé – la calotte glaciaire a commencé à se former : c’est cette baisse du CO2 à long terme, qui a présidé à l’évolution des plantes et des animaux modernes.
Et on voit clairement la cassure, à partir de la révolution industrielle, qui débute en 1760 en Angleterre, l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, due à l’homme. Alors on le savait, que le taux de CO2 actuel est un record. Mais ce recul de 14 millions d’années montre la profondeur de la crise.
Tout cela pourrait aider à améliorer les modèles pour le climat futur. Le consortium a livré toutes ses données, en accès libre, à la disposition de la communauté scientifique. Il espère maintenant remonter jusqu’à 540 millions d’années, jusqu’à l’aube de la vie complexe.
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