Les fourmis sont capables de produire des antibiotiques
Des chercheurs écologues ont découvert que les fourmis sont capables de soigner leurs blessés, notamment avec des antibiotiques. Les explications de Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine Epsiloon.
franceinfo : Une équipe internationale vient de publier cette étude sur les fourmis. Qu'ont observé les chercheurs ?
Ils ont observé les fourmis Matabele, une espèce répandue au sud du Sahara et ils ont découvert un système sophistiqué pour traiter leurs blessés. Il faut dire que chez cette fourmi, les blessés sont fréquents : elles se nourrissent uniquement de termites qu’il faut aller chasser, mais qui se défendent – 20% des fourmis engagées dans les raids ont une ou deux pattes manquantes en revenant au nid et beaucoup ont des plaies.
Les fourmis ouvrières passent alors à l’action et les soignent. D’abord, les chercheurs ont été surpris de s’apercevoir qu’elles sont capables de distinguer les plaies qui sont infectées de celles qui sont saines. Les ouvrières s’occupent en priorité des plaies infectées. Elles commencent par les nettoyer avec de la salive. Puis elles appliquent une substance qu’elles produisent avec une glande située à l’arrière de leur thorax : une substance antibiotique.
Les chercheurs l’ont analysée ?
Oui, et ils ont été assez sidérés par la richesse de ce produit. Ils ont compté 112 composants, dont la moitié a un effet antimicrobien ou cicatrisant. Chez les mammifères, on sait que la salive est antiseptique, de nombreux animaux se lèchent les plaies pour les nettoyer. Mais là, c’est une substance beaucoup plus riche. D’ailleurs, le traitement est très efficace : il réduit le taux de mortalité des blessés de 90%.
Voilà qui ressemble assez aux procédures médicales que nous utilisons. Est-ce surprenant ?
Oui, c’est le constat des chercheurs. À l’exception des humains, on n’avait jamais vu un système de traitement aussi sophistiqué : un tri des patients, des soins en plusieurs étapes, un médicament ! Au fil de l’évolution, ces fourmis ont conçu tout un dispensaire. On devrait appeler ces ouvrières des infirmières. Pour l’instant, c’est un cas unique. Peut-être que du fait de leur alimentation – cette confrontation permanente avec les termites – ces fourmis ont subi une pression de sélection particulièrement forte qui les a amenées jusque-là.
Mais les chercheurs prévoient déjà d’étudier d’autres espèces, tout en continuant d’analyser l’antibiotique des fourmis Matabele. Car il vient à bout, en particulier, d’une bactérie qui touche aussi l’homme, la bactérie pyocyanique. On pourrait donc en tirer de nouveaux traitements, pour nous cette fois-ci.
Pour aller plus loin : l'étude parue dans Nature (en anglais).
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