Science : grâce à l'intelligence artificielle, des chercheurs découvrent comment un spermatozoïde et un ovule se connectent
Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine Epsiloon, nous parle aujourd'hui d'une découverte réalisée avec l’aide de l’intelligence artificielle, le programme Alphafold dont les inventeurs ont été récompensés par le Prix Nobel de chimie il y a un mois.
franceinfo : On a percé le mystère de la fécondation ?
Mathilde Fontez : Oui, le mystère de la vie : comment un spermatozoïde et un ovule se connectent, pour fusionner et former un embryon : les détails intimes de la rencontre. On ne les connaissait pas jusque-là, on ne savait pas ce qui déclenche la connexion, à la surface du spermatozoïde ou de l’ovule. Ou plus précisément, on n’avait pas l’histoire complète.
Les scientifiques avaient découvert deux protéines qui semblaient impliquées, dans les cellules du spermatozoïde. Mais maintenant, on peut suivre tout le processus. Il y a en fait trois protéines qui s’assemblent, au contact de l’ovule. Elles forment un pont entre les deux gamètes qui leur permet de fusionner.
Cela a été découvert chez l’humain ?
Chez le poisson zèbre d’abord : un bon animal pour les expérimentations parce que c’est un vertébré assez proche de nous génétiquement, et qu’il libère ses gamètes en grande quantité dans l’eau. On peut donc plus facilement réaliser des tests. C’est toute la difficulté de ces études sur la reproduction jusque-là : on ne peut pas disposer à volonté de spermatozoïdes pour la recherche, encore moins d’ovules.
D’où l’apport de l’intelligence artificielle qui a été employée ici : le logiciel Alphafold a été utilisé pour prédire toutes les configurations possibles des protéines des gamètes, et il a trouvé la pièce du puzzle qui manquait : la protéine Tmem81 – retenez bien ce nom. C’est elle qui fait le lien entre le spermatozoïde et l’ovule.
Ensuite, le résultat a été vérifié sur de vrais gamètes, chez le poisson, la souris, puis chez l’humain. Chez la souris, les chercheurs ont par exemple retiré Tmem81 par manipulation génétique, et ils ont observé que les animaux devenaient stériles. Et quand ils ont redéclenché la production de la protéine, ils sont redevenus fertiles…
Ça donne des pistes pour lutter contre la stérilité ?
Oui, c’est l’une des perspectives ouvertes par cette découverte : identifier les anomalies dans ces protéines pourrait être l’une des causes de stérilité. D’une manière générale, ce que cette étude montre aussi, c’est que les recherches sur la fertilité vont être boostées par l’intelligence artificielle – on peut désormais tester la reproduction in silico, par ordinateur, sans avoir besoin d’ovules ou de spermatozoïdes.
Mais ce qui fascine le plus les chercheurs pour le moment, c’est bien la découverte en elle-même : le fait d’avoir résolu cette question fondamentale de la fécondation, et de voir que le mécanisme est exactement identique pour le poisson, pour la souris et pour l’homme, à la protéine près. La recette est la même pour tout le monde.
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