Quand l'Europe était recouverte de prairies et de pâturages boisés
On imagine souvent qu'avant les premiers hommes, l'Europe était recouverte d'une forêt inextricable, sombre et humide. C'est une fausse conception, selon les scientifiques, comme l'explique Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine Epsiloon.
franceinfo : On pense, à tort, que l'homme est arrivé dans une Europe forestière et difficile d'accès ?
Hervé Poirier : Il y a en effet cette idée bien installée dans notre imaginaire collectif selon laquelle le vieux continent, jadis, était naturellement recouvert de forêts denses, sombres, fermées. Et c’est l’homme moderne, arrivé il y a environ 50 000 ans dans nos régions, qui aurait peu à peu clairsemé ce paysage, par le feu, par son impact sur la faune, en particulier les plus gros animaux, puis, plus tard, par l’agriculture. La réalité est tout autre !
Comment le sait-on ?
Une impressionnante étude, menée par une trentaine de chercheurs européens, donne à voir à quoi ressemblaient les paysages durant la dernière période interglaciaire, il y a 129 000 à 116 000 ans – bien avant notre arrivée donc. Cette étude se fonde sur l’analyse de 96 enregistrements de pollens de l’époque répartis sur le continent, passés à la moulinette d’un modèle permettant de reconstituer le couvert végétal. Conclusion : alors que le climat était alors comparable à celui d'aujourd'hui, les forêts denses ne couvraient que 20% du continent dans la première partie de cette période en culminant à 50% vers la fin (sachant qu'on en est aujourd’hui à 46%).
Alors, à quoi ressemblaient nos paysages ?
L'Europe était surtout couverte de prairies, de broussailles, de pâturages boisés, de forêts clairsemées : bref, une végétation ouverte. Plutôt qu'uniformément dense, les écosystèmes étaient très hétérogènes, très changeants, erratiques même. À l’exception des grandes montagnes, les chercheurs ont été incapables de corréler les paysages locaux avec les températures, les précipitations, l’altitude, ou la position au sein du continent. Ce qui implique selon eux que le facteur clé de ces écosystèmes, c’étaient déjà les animaux, en particulier les grands herbivores capables de modifier la végétation à l'échelle d’un paysage.
Il n’y a donc pas que l'homme qui a transformé la nature ?
Non, même si cela ne nous exonère pas de la responsabilité et de la violence des transformations que nous faisons subir à nos territoires et à la nature qui y habite. Une grande partie de la biodiversité européenne contemporaine est, en fait, adaptée à la végétation ouverte et à des forêts claires, voilà un signe de plus que l’Europe, avant Sapiens, n’était pas une forêt dense. Les grands projets de reforestation et de restauration écologiques ne doivent donc pas se fonder sur un imaginaire fantasmatique. C’est tout l’intérêt de cette étude : nous aider à « réimaginer » ce qu’était vraiment la nature avant l’être humain.
Pour aller plus loin : cet article de l'association Science Advances (en anglais).
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