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Changement climatique : la menace du "tsunami des montagnes" à l'origine de l'effondrement d'un glacier en Inde

En Inde, les secours cherchent toujours des survivants dix jours après l’effondrement brutal d’un glacier de l’Himalaya, qui fait une soixantaine de morts et 150 disparus. Les scientifiques ont aujourd’hui compris ce qui avait provoqué ce tsunami de montagnes

Article rédigé par Anne-Laure Barral
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des dégats causés par le glacier Nanda Devi sur une centrale hydroélectrique dans le district de Chamoli (Inde), le 9 février 2021. (RAJAT GUPTA / EPA / MAXPPP)

C'est un peu comme une enquête policière que les scientifiques ont cherché à mener après la catastrophe du 7 février, dans le nord de l'Inde. La rupture d'un glacier de l'Himalaya avait provoqué une crue éclair en tombant dans une rivière. Ils avaient plusieurs hypothèses : rupture soudaine d’un lac formé au pied du glacier, rupture d'un barrage hydroélectrique après un séisme ou glissement de terrain. Aujourd’hui, ils ont pu refaire le scénario de ce film catastrophe.

Premier indice une image satellite montre une cicatrice sur le mont Nanda Devi (déesse joyeuse). À 5 000 mètres d’altitude, une paroi rocheuse mêlant glace et permafrost, ce sol censé resté gelé, s’est décrochée. 

La paroi est tombée sur le fond de vallée rempli de sédiments gorgés d’eau. L’eau a fait déborder l’un des affluents du Gange, emportant au passage un barrage hydroélectrique.

Les glaciologues appellent ce phénomène qui mêle roche et glace une lave torrentielle. Quand la glace fond, chauffée par l’énergie de sa chute emmenant avec elle d’énorme quantité de débris. C’est pour ça que des témoins sur place ont parlé d’une eau noire chargée de poussière, comme la lave d’un volcan.

Les fortes chutes de neige juste avant ont pu peser aussi sur le glissement de terrain. Mais ce n’est pas parce que cette catastrophe s’est produite en hiver que les scientifiques n’y voient pas la trace du réchauffement. Les glaciers réagissent à retardement aux températures qu’ils subissent. Il faut 30 ans à la chaleur pour atteindre 100 mètres de profondeur au cœur du glacier. Cela peut produire des lacs interglaciaires ou sous-glaciaires. Le glacier fond, un lac se forme, parfois juste retenu par une morène qui peut céder au bout d'un moment sous la pression de l'eau.

Une étude publiée dans Nature l'an dernier estime que le nombre de lacs de ce type ont augmenté de 50% entre 1990 et 2018, faisant courir des risques supplémentaires de tsunamis des montagnes, en particulier dans les zones sismiques. Mais surtout, ce que voient les scientifiques, c’est la déstabilisation du permafrost qui ne reste plus gelé en permanence. Quand cette fonte se produit dans une plaine sibérienne, on marche dessus, mais quand ce "ciment" des montagnes craque, il s’avère très dangereux pour ceux qui vivent en dessous.  

Une menace dans les Alpes

Certes, les Alpes sont moins hautes que l'Himalaya, les glaciers sont moins gros, mais ce phénomène de lave torrentielle s’est déjà produit en août 2017, en Suisse, dans le vallon du Bondo, dans les Grisons à la frontière avec l’Italie. Une paroi du Piz Cengalo s’est décrochée à 3 000 m d’altitude sur le glacier. Elle a formé une coulée de lave torrentielle qui a emporté huit randonneurs et fait de nombreux dégâts dans des villages à plus de neuf kilomètres en contrebas.

Les glaciologues, les sismologues surveillent les montagnes : leurs mouvements, la température de leurs glaciers. Une étude spécifique est en cours sur le glacier du Taconnaz dans le massif du Mont-Blanc. Mais prévoir exactement où et quand cela va se décrocher est impossible. Selon un article scientifique de chercheurs français écrit en 2015, la moitié des 1 800 ouvrages de haute montagne, routes, refuges, retenues d’eau, remontées mécaniques, installés dans les départements alpins français sont menacés par la déstabilisation du permafrost.  

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