Couac dans la majorité sur l'allocation aux adultes handicapés
Un vote très tendu à l’Assemblée nationale au sujet de la demande de déconjugalisation de l'AAH braque les projecteurs sur des dissensions dans la majorité, à trois jours du premier tour des régionales.
Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu tant de frictions dans l'hémicycle, entre gros coups de colère, comme celui du communiste André Chassaigne : "C'est la première fois depuis que je siège dans cette assemblée que je vois se comporter d'une telle façon un gouvernement et une majorité. Vous portez une atteinte très grave à la démocratie et j'en ai honte pour vous !", s'est écrié le député. Et la vive émotion de la centriste Jeanine Dubié : "Comprenez bien que rétablir cet article 3... Je suis très émue et très déçue", a-t-elle déclaré, des larmes dans la voix.
Mais que s’est-il passé ? L’Assemblée nationale examinait jeudi 17 juin un texte pour déconjugaliser l'allocation aux adultes handicapés. Ça a l’air complexe, mais c’est très simple. L'allocation aux adultes handicapés - ou AAH - est une aide qui dépend des ressources, non pas de la personne handicapée, mais de son foyer. Quand le conjoint gagne bien sa vie, pas d’AAH. L’opposition relaie une demande des associations : que l’aide devienne individuelle, déconjugalisée donc, au nom de l’autonomie financière des personnes handicapées. Mais la demande a été rejetée par le gouvernement.
Un argument peu "inspiré" pour rejeter la déconjugalisation de l'AAH
Et c'est côté arguments que l’exécutif a mal joué. C’est Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, qui était à l’Assemblée nationale pendant les débats et elle a répondu aux oppositions sur cette proposition de loi, dans le jargon "PPL" : "Cette PPL ne pourra pas s'appliquer avant des années parce qu'aucun système informatique ne pourra la mettre en oeuvre", ne récoltant que des huées sur les bancs.
Dans la majorité, on convient que l’argument était maladroit, "pas hyper inspiré". Qu’il valait mieux insister sur le fait que la réforme aurait fait perdre de l’argent à 40 000 bénéficiaires de l’AAH, sur l’abattement fiscal proposé par le gouvernement, en lieu et place de l’individualisation. Mais en réalité, l’argument informatique, ce n’est pas ce qui a braqué les oppositions.
Un recours au vote bloqué qui passe mal
La goutte d’eau qui fait déborder le vase, c’est le recours au vote bloqué. L’exécutif a en effet utilisé cette arme constitutionnelle pour supprimer tous les amendements rédigés par des députés et imposer aux députés un vote sur le texte gouvernemental, celui où on ne touche pas au mode de calcul de l’allocation. Le vote bloqué, son usage est rare dans l’histoire parlementaire. Il permet surtout d’écourter les débats, pour éviter que des députés de la majorité ne joignent leurs forces à celles de l’opposition.
Parce qu’ils sont un certain nombre, à En Marche, à considérer qu’il n’y a rien d’incongru à ce que l'allocation aux adultes handicapés soit individualisée. Certains l’ont exprimé publiquement, comme le secrétaire d’État à la Famille Adrien Taquet. D’autres se sont fait porter pâle hier, pour ne pas avoir à exprimer une position. Mais tous conviennent aussi d’un point : les oppositions ont été habiles en programmant l’examen de ce texte à trois jours des départementales. L’AAH, c’est une aide distribuée par les départements, et le rejet de son individualisation, c’est aussi un carburant politique pour les candidats.
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