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"Askip, c’est Bill Gates qui est à l’origine de ça" : les jeunes inondés de fake news

Les jeunes sont confrontés à de nombreuses fausses informations. Pour les aider à les identifier, des associations interviennent sur le terrain.

Article rédigé par franceinfo, Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Illustration fake news. (PAOLO AGUILAR / EFE / MAXPPP)

Les jeunes - qui s'informent principalement sur les réseaux - sont inondés de fausses informations. Un exemple concret pour commencer. Nous avons rencontré Alia et Ashley. Deux jeunes filles de 18 et 19 ans qui sont tombées il y a quelques jours sur une vidéo à propos du Covid-19"Elle disait que dans le vaccin il y a une puce électronique qui servait à contrôler les gens", explique l'une d'elle. En tout cas je compte pas faire le vaccin donc je me dis que c'est certainement vrai." "Askip [à ce qui parait], c'est Bill Gates qui est à l'origine de ça, sourit l'autre. C'est tellement abusé que j'en rigole mais je me dis : c'est vrai où c'est faux ?'" Dans l'esprit de ces deux jeunes filles, c'est assez confus et il est tout à fait possible que Bill Gates ait mis une puce dans le vaccin pour nous contrôler.

Autre exemple, toujours avec les deux jeunes filles : "Il y a une vidéo qui nous dit comme quoi il fallait rester avec un citron vert, que ça nous protégeait du Covid. Du coup on l'a fait longtemps pendant tout le confinement. Je me réveillais et dormais avec le citron. Je ne sais pas si c'était faux si ça se trouve c'est vrai." On le voit, elle ne sait pas si cette histoire est vraie ou fausse, mais elle y croit. C'est la différence entre croire et savoir. Donc je l'ai incité à vérifier et elle a recherché sur internet : "Le citron vert protège-t-il du Covid ?" Ashley croit toujours aux vertus du citron vert et puis surtout, elle n'a pas réussi à retrouver l'origine de cette fausse information.

"Ils ne savent pas faire la différence entre un fait et une opinion"

Apprendre aux jeunes à identifier les sources des informations, c'est facile à dire, beaucoup plus dur à réaliser. L'association "Fake Off" est composée de 60 journalistes qui se rendent dans les collèges et les lycées. Ils constatent que dans l'esprit des jeunes, c'est très flou. "Ils ne savent pas faire la différence entre un fait et une opinion ou entre un Youtubeur et un média qui vérifie ces informations. C'est de là que vient tout le problème", explique Sylvain Louvet, lauréat du prix Albert Londres en 2020. Il est le cofondateur de cette association qu'il a créé après les attentats de 2015.

Alors parfois, les fausses informations peuvent faire sourire, comme le citron vert, mais il arrive que ces rumeurs aient d'autres conséquences. "À Sevran, il y a eu une rumeur notamment de kidnapping d'enfants dans des camionnettes blanches par la communauté rom, raconte Sylvain Louvet. Il y a eu des expéditions punitives pour aller chercher des membres de la communauté rom et s'en prendre à eux. Dans ces cas-là, on les prend par petits groupes et on les a fait enquêter. On les fait appeler le Sicop, le service de presse de la police, pour leur demander s'il y a des enlèvements qui leur avaient été signalés. On les fait aller à la rencontre de membres de la communauté rom pour voir d'où venaient ces rumeurs. Pour nous, ce n'est que comme ça que l'on peut arriver à combattre ces fausses informations." Un peu comme un exercice de mathématiques, le but est que les élèves apprennent par eux-mêmes à résoudre l'équation, à déterminer si ce qu'ils ont entendu est vrai ou faux.

"Les élèves veulent savoir comment ça fonctionne"

Le phénomène des fausses informations chez les jeunes est impossible à quantifier mais plusieurs enquêtes démontrent que l'âge est l'un des facteurs d'adhésion à ces fausses informations, tout comme le niveau social et scolaire. Le problème est que ces études parlent "des jeunes" en général, ce qui ne veut pas dire grand chose. Il ne faut donc pas exagérer la situation, explique Sébastien Rochat qui travaille au Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi), un organisme chargé de former les professeurs à ces questions : "Trop souvent, on résume l'éducation aux médias aux fake news parce que c'est le sujet qui fait vendre. Mais il n'y a pas que ça et ce n'est pas un phénomène qui touche tout le monde. La petite musique ambiante qui consiste à dire les élèves sont soumis à des fausses infos et qu'ils ne savent plus faire la différence entre des fausses ou des vraies infos, c'est faux ! Effectivement, il y a des problèmes et des sujets, et surtout il y a plus des questions que de problèmes c'est-à-dire qu'ils veulent savoir comment ça fonctionne."

Ils ne sont pas bêtes les élèves, ils comprennent mais évidemment il faut faire ce travail là avec eux et il faut davantage d'éducation aux médias à l'école.

Sébastien Rochat

à franceinfo

Sur l'éducation aux médias, tout le monde est d'accord, même le ministre de l'Éducation nationale qui souhaite la renforcer. Actuellement, 30 000 enseignants sont formés chaque année sur un peu plus de 850 000, ce qui n'est clairement pas suffisant. Normalement à la rentrée prochaine, de nouvelles mesures seront mises en place, comme par exemple impliquer davantage les professeurs documentalistes. C'est ce que dit le ministère, mais il s'agira d'aller sur le terrain pour vérifier cette information.

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