"Cette guerre en Ukraine a fortement bouleversé les marchés" : les conséquences du conflit sur les prix de l'alimentation
Depuis un an et le début de la guerre en Ukraine, les prix n'en finissent plus de monter et ce n'est sans doute pas fini, disent les spécialistes du secteur. Et si les prix de notre alimentation dépendent autant de ce qui se passe en Ukraine, cela est principalement dû au coût de l'énergie. "L'énergie a explosé et du coup, avec des impacts à tous les échelons de la chaîne", explique Jérôme Foucault président de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale). Cette association rassemble les entreprises de taille intermédiaire de l'agroalimentaire qui fabrique par exemple des surgelés ou des conserves.
"Pour faire une tomate, il faut irriguer et il faut donc de l'énergie, poursuit Jérôme Foucault. C'est valable pour l'ensemble des matières premières agricoles, et de la même manière, sur les matières premières de l'emballage. Il faut de l'énergie pour faire de l'acier, du verre ou du plastique."
"Nous avons subi des surcoûts de l'ordre de 20 à 25 % sur l'ensemble de nos matières premières agricoles ou d'emballages en fonction des filières."
Jérôme Foucault, président de l'Adepaleà franceinfo
L'Ukraine est aussi un très gros producteur agricole, essentiellement du blé, du maïs, du tournesol. Avant la guerre, le pays produisait plus de 100 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux (famille de végétaux dont on peut extraire de l'huile). La production du pays a été divisée par deux aujourd'hui. Avec comme conséquence directe : les cours des matières premières ont flambé. "Cette guerre a fortement bouleversé les marchés, analyse Marine Raffray, agroéconomiste auprès des Chambres d'agriculture. Les matières premières agricoles, notamment végétales, ont fortement augmenté. Cela a pu être d'une année exceptionnelle pour les agriculteurs qui font des céréales ou des oléagineux. Il y a quand même un gros bémol pour les filières animales qui, malgré la hausse des prix sur le lait ou la viande, notamment bovine, ont eu aussi à faire avec des coûts de production en hausse : ils doivent acheter de l'alimentation pour le bétail à l'extérieur."
Des céréaliers français qui sourient, des éleveurs qui font la grimace. Mais au global, le monde agricole s'en est plutôt bien sorti. En 2022, les agriculteurs ont produit autant, ils ont vendu plus cher. Une augmentation de 17,4%, selon les comptes de l'agriculture, la statistique très officielle du ministère de l'Agriculture qui sort chaque fin d'année. Cela signifie donc que les agriculteurs vivent un peu mieux de leur métier. Une bonne nouvelle.
Des augmentations de prix en 2023 ?
La mauvaise nouvelle concerne cependant les consommateurs. Selon l'Insee, les prix de l'alimentation ont pris 13% en moyenne sur un an et ça ne devrait pas se tasser cette année 2023. Aujourd'hui, chacun fait attention à ce qu'il achète, note Jérôme Foucault, le président de l'Adepale : "Le consommateur le ressent déjà. Il y a d'ores et déjà des baisses de consommation sur les produits chers, et notamment les produits frais, que ce soit les produits carnés ou le poisson. Il y a aussi des reports des consommateurs sur les produits de marques distributeurs ou de premier prix."
"Il est à craindre qu'il y ait à nouveau des hausses à partir de la fin du printemps, début avril, et à l'issue des négociations commerciales qui ont lieu actuellement avec la grande distribution sur les marques nationales."
Jérôme Foucault, président de l'Adepaleà franceinfo
Les fameuses négociations commerciales fixent les prix pour l'année à venir. Comme chaque année, les industriels de l'agroalimentaire cherchent à vendre plus chers leurs produits aux supermarchés ne serait-ce que pour compenser un peu leurs charges qui explosent, et éviter les faillites. Ces négociations doivent se terminer à la fin du mois et elles s'annoncent difficiles. En attendant, chacun s'adapte comme il peut. "Il y a parfois des arrêts pendant quelque temps, quelques semaines ou quelques heures, explique Jérôme Foucault. J'ai l'exemple d'un chef d'entreprise d'une TPE qui a prévu de travailler la nuit avec l'accord de ses salariés. Ils vont travailler la nuit plutôt que le jour parce que l'énergie est moins chère." Une situation parmi tant d'autres qui risque de durer, tout comme la guerre en Ukraine.
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