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Coupe du monde 2022 au Qatar : derrière les stades et le métro flambant neufs, des ouvriers exploités... et quelques avancées sociales

Huit mois avant le coup d'envoi et alors que le tirage au sort sera dévoilé, ce vendredi à Doha, franceinfo a pu visiter une partie des infrastructures de la Coupe du monde de football. Mais aussi rencontrer des ouvriers, plus ou moins bien traités, et des ONG qui ont obtenu certaines victoires.

Article rédigé par Emma Sarango
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Doha (Qatar), huit mois avant le lancement de la Coupe du monde de football 2022. (EMMA SARANGO / RADIO FRANCE)

Du neuf, du beau, du propre : voilà à quoi va ressembler la Coupe du monde de football au Qatar dont le coup d'envoi sera donné le 21 novembre. À commencer évidemment par les stades, tous plus majestueux les uns que les autres. Il y en a huit dont six ont été construits spécialement pour la compétition. Avant que ne débute le tirage au sort pour les phases de poule, vendredi 1er avril, nous avons pu visiter celui d’Al Janoub.

Des stades magnifiques, un métro rutilant

Il se situe près de l’ancien village de pêcheur d’Al Wakrah, à 23 km de Doha. Les tribunes peuvent accueillir 40 000 spectateurs. Et lorsque l'on y entre on a tout simplement envie de s’allonger sur la pelouse et de se laisser bercer par le récit du guide William Morales : "le stade est inspiré du traditionnel bateau de pêche du Qatar. Si vous retournez la coque, c'est ce que vous voyez du ciel, les vagues sont représentées sur la façade et le toit rétractable représente les voiles du bateau". C’est poétique, c’est magnifique. Le stade est climatisé évidemment et sera desservi par des bus électriques.


Le stade Al Janoub et ses 40 000 places, à 23 km de Doha  (EMMA SARANGO)

Un Mondial c’est aussi toutes les infrastructures autour : des hôtels sur l’eau, par exemple, mais aussi et surtout le métro. Les rames du métro de Doha sont un havre de paix. Il n'y a quasiment personne, le sol est en imitation parquet reluisant, les barres scintillent. Sur le quai, pas un déchet mais un agent d’entretien qui veille. Tout brille, tout luit. Et c’est exactement ce que les organisateurs voulaient que l’on voit.

Le métro flambant neuf et quasiment vide de Doha, au Qatar (EMMA SARANGO / RADIO FRANCE)

Le sort des ouvriers : une réalité difficile à mesurer

À chaque coin de rue, il y a un chantier et donc des ouvriers, portant une cagoule pour se protéger du soleil. Avant l’attribution en 2010, ils étaient 1,2 million. Douze ans plus tard, ils sont deux fois plus nombreux. Nous avons rencontré, à l’écart d’un chantier, Moussa, un Algérien d’une quarantaine d’années arrivé il y a cinq ans à Doha : "Les gens de mon pays partent en Europe, en France. Mais moi j'ai choisi un pays arabe, avec la même religion."

"Je suis bien ici, je gagne de l'argent et tous les mois je peux en envoyer à ma famille, j'ai trois enfants".

Moussa, ouvrier du bâtiment à Doha

à franceinfo

Ce que décrit Moussa est peut-être vrai, le sort des ouvriers dépend beaucoup de leur employeur. Mais d'autres ont moins de chance, comme ils nous l'ont confié. Mouhamad, un chauffeur de taxi venu du Bangladesh, raconte qu’il vivait avec cinq camarades dans une chambre et qu’il ne gagnait pas assez pour entretenir sa famille restée au pays.

Un salaire minimum de 500 dollars

Le coup de projecteur qu'a apporté le mondial de football sur la situation de ces travailleurs a toutefois permis de faire avancer en partie leur cause. À Doha, tout le monde le reconnaît y compris les ONG, le Qatar est plutôt en avance aujourd’hui dans le Golfe, en termes de droit du travail. La "Kafala" – la mise sous tutelle des travailleurs par leur employeur – a été abolie en septembre 2020. Désormais, les ouvriers peuvent quitter le payer ou changer de travail sans la permission de leur patron. Un salaire minimum a été mise en place. Il est aujourd’hui à 500 dollars américains par mois.

Un ouvrier sur le chantier de West Bay, le quartier diplomatique de Doha  (EMMA SARANGO / RADIO FRANCE)

Ces réformes ont été menées avec l’aide de l’Organisation international du travail (OIT). Cette agence de l’ONU a ouvert un bureau à Doha il y a quatre ans, sous la direction de Max Tunon. Il est à la fois fier des progrès accomplis et conscients aussi de toutes les lacunes : "L'an dernier on a mis en place un système de plaintes en ligne et c'est vrai qu'il y a parfois des blocages des employeurs qui menacent d'expulsion ou de résiliation de leur permis de résidence. Des salaires non payés aussi. Et avec ces informations on travaille avec le gouvernement, pour faire en sorte que plus de travailleurs bénéficient des réformes."

Quatorze heures sous 40 degrés, sans clim

Les pires situations conduisent parfois à des décès. Mais le décompte est complexe. La fameuse enquête du Guardian (article en anglais), il y a un an, recensait 6 500 morts depuis 2010. L’organisation internationale du travail, elle, a fait ses calculs. Sur une année – 2020 en l'occurrence – elle compte 50 morts. Le problème, c’est que que ce système n’est pas fiable, selon Lola Schulman, chargée de plaidoyer chez Amnesty International France : "Je pense à un conducteur de camion qui travaillait douze heures par jour. Il n'y avait pas de clim' dans son camion et il a été retrouvé mort dans sa chambre le lendemain après avoir travaillé quatorze heures dans son camion sans clim' alors qu'il faisait 40, 45 degrés. Et il y a écrit sur le certificat de décès 'problèmes respiratoires ou cause non connue'." 

Un chantier de West Bay, quartier diplomatique de Doha, au Qatar (EMMA SARANGO / RADIO FRANCE)

Et la cause du décès est loin d’être un détail, car sans preuve écrite de la responsabilité de l'employeur, la famille du chauffeur n'a pas pu prétendre à une indemnisation. Elle est également privée du pécule que lui envoyait le défunt depuis le Qatar et va devoir s’endetter pour rapatrier le corps. C’est essentiellement sur ce point qu’Amnesty International demande des éclaircissements à la FIFA mais aussi à la FFF, la fédération française de football qui, pour l’instant, n’a pas donné suite à leur sollicitation.

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