Destockeurs, discounteurs, outlets... Le commerce anti-inflation ne connaît pas la crise
Camaïeu, Burton of London, Pimkie, André, San Marina : ces derniers mois, toutes ces marques de prêt-à-porter ont dû baisser le rideau. À l'inverse, les destockeurs, discounteurs et autres outlets sont en expansion avec un tiers de magasins supplémentaires depuis 2019. Exemple à Douains, près de Vernon (Eure), avec l'ouverture d'un village de marques. Fanfare, grande roue, animations : rien n'est trop beau pour fêter l'ouverture de ces 20 000 m2 de boutiques haut de gamme. Même Miss France 2021 est là. Monclerc, Lacoste, Adidas, Karl Lagerfeld, Vanessa Bruno, Tod’s ou Stella McCartney, du luxe à prix réduit : moins 30% pour des collections passées, c'est le principe de l'outlet.
>> ENQUÊTE : Camaïeu, Gap, Go sport : les coulisses de la chute de l'empire Ohayon
Dans ce lieu, l'objectif est de vendre et de distraire les clients pendant trois ou quatres heures. Bernard compte passer "toute la matinée, voire le début d'après-midi". Le propriétaire, le britannique McArthurGlen, a investi plus de 200 millions d'euros dans le site normand. "On n'est pas que dans le centre commercial, explique le patron France, Christophe Deshayes. On a la restauration, l'aire de jeux, on insiste sur tout ce qui est verdure. Un mur végétal pour donner la sensation de nature. Ça a un effet psychologique sur les clients." Le groupe porte une grande attention aux toilettes. "C'est une obsession chez nous d'avoir des toilettes qui sont confortables et qui sentent bon, poursuit Christophe Deshaye. Un tas de petits détails qui font que les clients se sentent bien."
Le français Stokomani revendique également un accueil soigné des clients. Le destockeur vient de dévoiler son nouveau concept de magasin : bien rangé, des couleurs, de la lumière, il n'est pas question d'avoir à fouiller dans des cartons poussiéreux. Et ça marche. La chaîne revendique 30 000 à 50 000 nouveaux clients chaque semaine. Avec, toujours, des prix écrasés jusqu'à moins 70% grâce à des pépites de marchandises, comme ces lots rachetés à Camaïeu au moment de sa fermeture, mais qu'il a fallu partager avec Noz, grand concurrent. "On a acheté trois millions de pièces de stock Camaïeu de la nouvelle collection du printemps-été 2023, explique Damien Defforey, président de Stokomani. Mais ces enseignes qui ferment restent pour nous quand même assez marginales. On a des fournisseurs qui vont bien et pour eux c'est un service quand ils ont des surstocks. On a besoin des fournisseurs les fournisseurs ont besoin de nous. Pour ne pas avoir des magasins qui sont figés six mois dans l'année, comme c'est souvent le cas dans les magasins de textiles, nous on dit : vous pouvez venir toutes les semaines, il y aura en permanence des nouveautés et des bonnes affaires."
La bataille pour les meilleurs emplacements
On l'appelle le commerce anti-inflation : plus de 10% de croissance par an pour le secteur bazar et produits du quotidien, 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 4 000 points de vente en France. L'allemand Tedi vient d'arriver, le néerlandais Action est devenue l'enseigne préférée des Français. Mais les experts prédisent une saturation du marché. C'est pourquoi il ne faut pas rater les meilleurs emplacements de boutiques.
Exemple avec le danois Normal qui compte 90 magasins en France et probablement 120 à la fin de l'année, selon son directeur France Sébastien Chirouze : "On a des chargés d'expansion qui partent à la découverte de la France, des centres commerciaux, des centres-villes. Ils rencontrent les propriétaires, explique-t-il. Et quand vous avez cinq personnes qui ne font que rechercher des biens et les négocient, vous pouvez ensuite ouvrir pas mal de magasins". "Ce n'est pas si facile, ajoute-t-il, on a quand même des concurrents qui recherchent les mêmes endroits avec la même taille de magasin et donc les loyers ne sont pas écrasés. Il n'y a pas de low-cost dans les loyers."
"On est en recherche des dizaines et des dizaines de magasins sur toute la France. "
Sébastien Chirouze, directeur France Normalà franceinfo
La concurrence est rude pour les magasins classiques, "à l'ancienne" selon Rémi Le Druillenec, expert de la distribution, confondateur de l'agence Héroïne et auteur de Le magasin est-il mort ? "Le modèle tel qu'il a été pratiqué pendant des années est en train de s'éteindre parce qu'aujourd'hui, le prix bas, on le trouve depuis la maison 24 heures sur 24 heures. Il va donc falloir de bonnes raisons pour se déplacer, décrypte-t-il. Ces commerces de centre-ville vont soit chercher le bas prix, sans pour autant être à armes égales face au digital, soit adopter une stratégie de montée en gamme avec une vraie relation commerçant-client".
Rémi Le Druillenec se dit "convaincu" que les prix vont suivre dans les prochains mois. "Il va y avoir une guerre encore plus féroce, poussée par l'inflation, et de l'autre côté, une montée en gamme des prix, auprès d'une marque qui nous fait rêver." Mais avec encore, pour l'heure, une inflation qui contraint les ménages à réduire leurs dépenses de consommation.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.