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"En fait, il est Marseillais" : comment Emmanuel Macron tente de renforcer sa relation avec la deuxième ville de France ?

Attaché à la ville de Marseille, le président de la République tente d'y étendre son influence, en s'appuyant autant sur les élus locaux que les grands patrons. 

Article rédigé par franceinfo - Paul Barcelonne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron lors d'une visite à Marseille, le 2 juin 2022. (VALLAURI NICOLAS / MAXPPP)

Marseille, c'est la destination préférée du président, avec  dixdéplacements officiels depuis 2016. Emmanuel Macron n'y est pourtant pas né, mais il est fan de l'Olympique de Marseille. "Il n'aurait jamais du être né à Amiens", estime Sabrina Agresti-Roubache, députée Renaissance des Bouches-du-Rhône. "En fait, il est Marseillais. Il correspond exactement à ce que Marseille est : rebelle, qui ne ressemble pas aux autres." 

"Marseille, c'est une ville où on peut tout réussir et tout rater aussi. C'est la ville qui concentre tous les maux de la Terre et je sais que ça représente probablement la vision qu'il a pour le pays. La deuxième ville de France ne peut pas rester au milieu du gué."

Sabrina Agresti-Roubache, députée Renaissance des Bouches-du-Rhône

à franceinfo

Mais entre les calanques et le Vieux-Port, Emmanuel Macron est "un nain politiquement" admet un conseiller. Traduction : il n'est pas aux manettes, ni à la ville, ni au département, ni à la région. Seuls trois députés sur les sept circonscriptions marseillaises sont des macronistes pur jus.

D'où probablement cette volonté de "placer des vigies", dixit un élu, chargées entre autres de veiller sur le plan "Marseille en grand". Il y a eu des annonces, il y a un peu plus d'un an, pour rénover la ville : un milliard pour les écoles, des forces de police en plus, des travaux à l'hôpital... Le tout sous la surveillance d'un préfet : Laurent Carrier, homme de l'ombre, proche du président, chargé de mener ce plan avec les élus locaux, comme la présidente de la métropole Aix-Marseille, Martine Vassal. "Comme il aime cette ville, il le prouve avec des personnes qui lui sont proches", estime l'ancienne candidate à la mairie de Marseille. "Elles vont aussi lui faire remonter le pouls de la ville, car il a compris que Marseille était un poids central en France. C'est la porte d'entrée de l'Afrique et la porte de sortie de l'Europe. On a de quoi faire, et ça fait plaisir de voir qu'on est considéré."

>> Plan "Marseille en Grand" : Benoît Payan annonce qu'il va lancer "le chantier de dix écoles cette année"

À Marseille, dès samedi 12 novembre, c'est un ancien collaborateur de Brigitte Macron, Pierre-Olivier Costa, qui prend ses fonctions de président du Mucem, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Dans les tuyaux également, la nomination de Christophe Castaner, l'ancien ministre de l'Intérieur, proche parmi les proches du président de la République – à la tête du conseil de surveillance du grand port de Marseille, un des postes les plus stratégiques.

Le président s'entoure de Marseillais

"Marseille, ville sous tutelle" répondent les détracteurs du chef de l'État. Pourtant, tout a été construit avec Benoît Payan, le maire de la ville, un ex-membre du Parti socialiste. Mais depuis la dernière présidentielle, Emmanuel Macron et lui sont "en froid". Quand le président arrive à l'aéroport, pour ce qui sera son seul meeting d'entre-deux tours, il s'inquiète à haute voix : "Va-t-il venir me soutenir ?" Cornaqué par une majorité municipale hétéroclite, Benoit Payan ne viendra pas. Un témoin estime que "Macron l'a encore en travers".

Emmanuel Macron ne s'empêche pas d'entretenir d'autres réseaux, comme le symbolise parfaitement un dîner à l'Élysée, donné en février 2021, avec que des Marseillais à table, notamment le designer Ora-Ïto, présent pour les travaux de la verrière du palais. Au menu aussi, les contours du plan "Marseille en grand" et un peu de soupe politique : un accord avec Renaud Muselier, le président de la région Sud avec comme objectif d'empêcher que PACA ne tombe aux mains du Rassemblement national.

Autour de cette table, il n'y a pas Jean-Claude Gaudin. Mais l'ancien maire est au courant de tout. Désormais âgé de 83 ans, il distille ses conseils à Emmanuel Macron : "Des conseils ? Non, je ne me permettrais pas, corrige l'ancien élu, mais c'est vrai que nous parlons librement. J'ai connu le président de la République lorsqu'il était ministre."

"J'avais invité Emmanuel Macron un jour à déjeuner, et comme j'ai de l'ancienneté, je lui avait dit : 'Ce qui compte en politique, c'est d'abord d'être élu député'. Il m'avait dit : 'Je ne veux pas être député, je veux être président de la République'. J'avoue que j'ai eu le souffle court et la démonstration rapide."

Jean-Claude Gaudin, ancien maire de Marseille

à franceinfo

"Les gens qui lui sont proches ont toujours témoigné à mon égard beaucoup de sympathie", estime Jean-Claude Gaudin.

La relation la plus stratégique d'Emmanuel Macron à Marseille, il l'entretient avec un puissant homme d'affaires : Rodolphe Saadé patron de l'armateur CMA-CGM, surnommé "le maître économique de la ville". 150 000 employés dans le monde et des milliards de bénéfices, il vient de racheter l'emblématique journal La Provence, à la suite d'un accord avec Xaviel Niel, de Free.

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Fin août 2022, Emmanuel Macron a placé, à leur plus grande surprise, ces deux puissants entrepreneurs l'un à côté de l'autre, dans l'avion présidentiel, direction Alger, lors d'un voyage officiel. Mais ce n'est pas tout : tellement à l'aise avec Emmanuel Macron, Rodolphe Saadé n'a pas hésité à s'émouvoir et s'inquiéter directement auprès du chef de l'État de l'idée d'une taxe sur les superprofits, qui a tant fait parler à la rentrée.

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