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Focus sur les NBT, ces nouveaux OGM qui inquiètent les défenseurs de l'environnement

Ces nouvelles techniques de manipulations génétiques, plus "naturelles" que pour les OGM traditionnels, cherchent à adapter les cultures au changement climatique et aux maladies. La Confédération paysanne craint qu'elles encouragent l'usage de pesticides. 

Article rédigé par franceinfo, Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A l'INRAE de Clermont-Ferrand, Pierre Barret mène des recherches sur les NBT, ces nouvelles techniques de manipulations génétiques controversées. (GUILLAUME GAVEN / RADIO FRANCE)

Faut-il avoir peur des NBT ? Ces nouvelles techniques de sélection végétale (New Breeding Technologies en anglais), que l'on présente parfois comme les nouveaux OGM, sont issues de nouvelles biotechnologies. Plusieurs associations de défense de l'environnement, comme la Confédération paysanne, Greenpeace et Les Amis de la Terre, déposent mercredi 30 juin une pétition à Matignon, qui a recueilli plus de 120 000 signatures. 

Mutations génétiques sur les mêmes espèces

Pour comprendre ce que sont les NBT, direction un laboratoire de recherche de l'INRAE, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, à Clermont-Ferrand, où les chercheurs travaillent depuis longtemps sur le génôme du blé. 

Les expérimentations y sont menées sous serre, en milieu fermé. Pas question de les conduire en plein champ. Les NBT sont actuellement considérées comme des OGM (seule une espèce, un maïs OGM, est autorisé à la culture en Europe, aucune en France depuis 2008), même s'il y a une différence de taille. "En OGM ancien, on ajoutait un fragment d'ADN qui provenait la plupart du temps d'une autre espèce", explique Pierre Barret, qui supervise les recherches sur le blé. "On faisait quelque chose qui ne pouvait pas être fait de façon naturelle, par un croisement. Et cet ADN étranger qui représente une très petite portion du génôme posait un problème de franchissement de cette barrière des espèces." 

Pour les NBT, on va créer une mutation à partir d'une mutation déjà existante naturellement.

Pierre Barret, chercheur à l'INRAE de Clermont-Ferrand

à franceinfo"

La différence avec les OGM est que, pour les NBT, "on va prendre un blé résistant à une maladie, repérer une mutation responsable de cette résistance. Et on va copier cette mutation, comme par exemple si vous changiez une lettre dans un livre, dans un autre blé qui, lui, est sensible à la maladie. Il va donc acquérir cette résistance sans aucune perturbation."

Avec les NBT, on n'implante pas un gène de maïs sur un épi de blé. On reste sur des gênes de la même espèce. Cette manipulation génétique, dite des "ciseaux moléculaires", est assez récente. Elle a valu le prix Nobel de chimie à une chercheure française, Emmanuelle Charpentier, en 2020. 

Résistance au froid et aux maladies

Le but de cette manipulation génétique est d'adapter les plantes au changement climatique. "Vous allez avoir un gêne qui va être très efficient pour la résistance au froid, qu'on va récupérer sur un blé sauvage", poursuit Pierre Barret. "On va copier cette forme qu'a le gêne dans un blé européen, qui lui est très intéressant d'un point de vue agricole. Et donc on va transférer le caractère ou une partie du caractère de tolérance au froid." Et puis, transférer aussi une qualité "qui nous intéresse beaucoup, la tolérance aux maladies, dans l'objectif à terme de limiter au maximum ou de supprimer les traitements phytosanitaires." Supprimer donc les insecticides, pesticides, fongicides...

Les NBT représentent une grande avancée scientifique, mais la Confédération paysanne, notamment, craint une standardisation de l'agriculture. "Nous, paysans, devons adapter nos cultures au changement climatique. Il n'y a pas 50 solutions", analyse Guy Kastler, spécialiste des semences au sein du syndicat. "La première, c'est d'avoir des plantes adaptées à chaque condition de culture, à chaque terroir."

Comment voulez-vous que des plantes sélectionnées dans un laboratoire [...] soient adaptées à mon terroir ?

Guy Kastler, membre de la Confédération paysanne

à franceinfo

"Des plantes sélectionnées dans un laboratoire, multipliées au Chili ou en Roumanie", ne peuvent pas être "adaptées à mon terroir, qui est près de la Méditerranée. Ce n'est pas possible ! La seule solution, c'est de mettre des engrais et des pesticides, c'est-à-dire d'homogénéiser les terroirs. Nous, on fait l'inverse", poursuit l'agriculteur.

Comme les variants, les parasites s'adaptent

Ce discours est évidemment battu en brèche par les fabricants de semences, qui disent ne pas avoir d'autre choix que de sortir de nouvelles variétés. "Aujourd'hui, la durée de vie d'une variété dans les champs des agriculteurs est d'environ cinq ans", justifie le président de l'Union française des semenciers, Claude Tabel.

Les parasites s'adaptent aux variétés mises sur le marché. Il faut perpétuellement sortir de nouveaux modes de défense.

Claude Tabel, représentant des semenciers

à franceinfo

"Regardez ce qu'il vient de nous arriver avec la pandémie", compare Claude Tabel. "Vous voyez bien que des variants arrivent dès que l'on met en place des stratégies, des vaccins. Pour les plantes, c'est la même chose. Dans le domaine du vivant, les mutations font que les parasites s'adaptent. Nous, il faut que l'on puisse proposer aux agriculteurs des plantes qui se sont adaptées. Si demain vous n'avez plus de recherches, vous n'aurez plus cette capacité d'adaptation."

Une recherche synonyme de profits, puisque ces manipulations génétiques sont toutes brevetées. Le chiffre d'affaires des semenciers français dépasse ainsi les trois milliards d'euros. C'est "une filière d'excellence", selon le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie. La France est le premier producteur de semences en Europe, et premier exportateur mondial. Voilà notamment pourquoi Paris milite auprès de l'Europe, pour que ces NBT ne soient plus considérées comme des OGM. Le débat est rouvert depuis le printemps 2021. 

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