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"Ils cherchaient des jeunes filles et on les a cachées où on a pu" : ces Ukrainiennes vivent dans la crainte des viols et agressions des soldats russes

Des femmes ukrainiennes racontent faire l'objet de violences physiques de la part de soldats russes depuis le début de la guerre. Pour y échapper, certaines n'hésitent pas à se cacher ou à se couper les cheveux pour moins attirer l'attention.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar et Fabien Gosset - édité par Clémentine Vergnaud
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Valentina, une habitante de Borodyanka (Ukraine), en avril 2022. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

À Ivankiv, petite ville à 80 kilomètres au nord-ouest de Kiev, les soldats russes sont arrivés le 24 février et repartis le 1er avril. Pour les femmes de la ville, ces 36 jours d'occupation dans le cadre de la guerre en Ukraine ont été un enfer. "J'avais peur parce que les gens ont commencé à parler du fait qu'on viole les filles", raconte Dasha, une jeune bijoutière. À la table d'un café, elle évoque la terreur dans laquelle toutes ont vécu. "Dans le village de Zaproudka, juste à côté, il y eu des cas", assure-t-elle. 

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Voilà le lourd tribut payé par les femmes dans le cadre de cette guerre : elles sont violées, torturées, agressées. Dasha a elle-même vécu un épisode traumatisant. "Ici, près de mon travail, j’ai vu une voiture de soldats russes. Ils étaient soit drogués, soit ivres, raconte la jeune bijoutière. Ça faisait très peur, parce qu’ils ont baissé la vitre et ils se sont arrêtés. J’ai pensé : où est-ce que je fuis ? Où est-ce que je cours ? Qu’est-ce que je fais ? J’étais effrayée." Heureusement pour elle, aucun d'entre eux ne la touche. 

Cheveux coupés, foulard sur la tête, allure négligée

Pour échapper aux exactions des soldats russes, les Ukrainiennes ont dû adapter leur mode de vie. "Des Russes sont entrés chez une ancienne collègue. Ils lui ont dit de ne pas laisser les filles sortir de la maison et de s'habiller comme des sans-abri pour ne pas attirer l'attention." Conséquence : plusieurs femmes d'Ivankiv "se sont négligées", affirme-t-elle, pour ne pas se faire remarquer, notamment parce que des soldats tchétchènes étaient présents autour du village. "Là-bas, ça faisait très peur ! Les filles ne sortaient plus : les hommes le leur ont interdit pour les protéger.

Tatiana Syvrydemko, la conseillère municipale d'Ivanka (Ukraine), en avril 2022. (FARIDA NOUAR / FRANCEINFO)

Certaines femmes ont décidé d’aller plus loin, en se coupant les cheveux pour devenir le plus invisible possible. "Elles ne voulaient plus être attractives ! Elles ne se maquillaient plus, mettaient des foulards sur la tête comme dans les villages...", détaille Tatiana Syvrydemko, la conseillère municipale de la ville. Elle est encore traumatisée par cet épisode. "C’est resté. Regardez-moi : avant, je ne serais jamais allée au travail habillée comme ça." Elle se dit convaincue que les femmes garderont ces habitudes jusqu'à la fin de la guerre. "Je te l’explique de femme à femme, pour que tu comprennes", glisse-t-elle.

"Même s'ils sont partis, nous avons toujours peur. Ça durera tant qu’il n’y aura pas la paix. Les gens auront besoin de temps pour guérir de ce syndrome post-traumatique."

Tatiana Syvrydemko, conseillère municipale d'Ivanko

à franceinfo

À Borodianka, située à 45 kilomètres au sud d'Ivankiv, les habitants ont aussi tout fait pour protéger les femmes de la ville. "Ils cherchaient des jeunes filles : on l’a su et on les a cachées là où on a pu", raconte Valentina. La vieille femme raconte les subterfuges utilisés : "On en a caché dans les sous-sols. Mon amie voulait cacher sa petite fille de 17 ans dans le foin mais les russes ont tiré dedans alors elle a décidé de la cacher dans une canalisation."

Devant sa maison, la vieille femme se souvient du passage des soldats : "Ils ont cambriolé chaque maison. Ils cherchaient des armes et demandaient : 'Est ce qu’il y a des hommes ? Est-ce qu’il y a des femmes ?' Les barbares !" Elle montre ce qu'il reste d'une autre habitation : ici, six personnes d'une même famille sont mortes écrasées dans les décombres. 

Les femmes âgées elles aussi visées

Les jeunes femmes ne sont pas les seules à avoir vécu dans la peur du viol et de l'agression à Borodyanka, ville qualifiée de martyr. Les femmes plus âgées comme Valentina ont aussi été terrifiées et se sont senties en danger. "Un jour, je suis sortie et j’allais tout droit dans les marais. Un soldat a surgi d’un buisson et m’a dit : 'Grand-mère, où vas-tu ?' Je lui ai dit : 'Je vais nourrir mes chiens.' Il m'a répondu : 'Grand-mère, je vais te tuer !' Je lui ai répondu : 'Non, mon fils. Tu as peut-être toi aussi une grand-mère.' Il m’a laissé partir."

Elle aussi raconte la persistance de cette peur, même après le départ des troupes russes. "Je prends des calmants parce que je ne peux pas dormir la nuit. À chaque voiture qui passe, j’ai l’impression qu’ils reviennent. Quelle peur ! Je donnerais tout dans ce monde pour qu’ils ne reviennent pas."

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Un décompte peu précis pour l'instant

Même si des voix commencent à se faire entendre, il est difficile de savoir précisément combien de femmes ont été violées ou agressées. En effet, de nombreuses Ukrainiennes gardent encore le silence sur ce qui leur est arrivé. 

Lyudmila Denisova, chargée des droits humains au parlement ukrainien, a documenté les cas de 25 femmes maintenues dans une cave et violées à Boutcha.
Le président Volodymyr Zelensky parle lui de "centaines de cas de viols enregistrés, y compris des jeunes filles mineures et des petits enfants". L’ONG La Strada indique avoir reçu neuf appels concernant des viols commis par des soldats russes sur des femmes âgées de 12 ans à une cinquantaine d’années.

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