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Guerre en Ukraine : "L'alerte a été déclenchée un matin et en deux jours tout était prêt", reportage avec les soldats français déployés en Roumanie

Depuis le 24 février, début de l'offensive russe en Ukraine, la France déploie des moyens pour s’intégrer dans les plans de l’OTAN, et notamment sur la base de Constanta, en Roumanie.

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Dehimi, édité par Xavier Allain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Depuis le 24 février, début de l'offensive russe en Ukraine, la France déploie des moyens pour s’intégrer dans les plans de l’OTAN. (MATHILDE DEHIMI / FRANCEINFO)

Ils sont 500. Et ils ont tout à construire. Depuis le 24 février, début du conflit, la France déploie des moyens pour s’intégrer dans les plans de l’OTAN. 500 hommes ont ainsi été envoyé en renforts en Roumanie, depuis le 28 février, sur la base de Constanta, à environ 200 km de la frontière ukrainienne.

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Sur cette base aérienne ouverte à tous les vents, une tempête de neige pour souhaiter la bienvenue et de la boue un peu partout donnent une idée des conditions d’arrivée des tous premiers soldats français, le dernier week-end de février 2022. Depuis, les groupements de soutien des bases d’Annecy-Chambéry et de Grenoble sont à pied d’œuvre.

Sur cette base aérienne ouverte à tous les vents, une tempête de neige et de la boue un peu partout ont accueilli les soldats français. (MATHILDE DEHIMI / FRANCEINFO)

Un gilet pare-balles de 17 kilos

"Mon travail est d'organiser la vie au sein du camp, notamment tout ce qui est logement, tout ce qui est lié à l'entretien des zones, besoins, réparations, sanitaires... La finalité, ça va être, vu la montée en puissance, d'avoir suffisamment de tout pour tout le monde.", indique l’adjudant-chef Quatre Coup, major du camp. Car il faut aussi faire de la place pour les 300 soldats belges qui vont dormir avec les Français. Sanitaires, eaux potable, réseau électrique, tout est à bâtir : une dizaine de containers sont posés sur une dalle de béton pour éviter qu’ils ne s’enfoncent dans la boue. A l’intérieur, le matériel de base et les équipements.

"Voilà le gilet pare-balles avec plaque ventrale, plaque dorsale et les deux plaques latérales. Juste le gilet, ça pèse 17 kilos. Pour un combattant en ordre de marche, avec son gilet pare-balles, sa musette, son armement, peut avoir jusqu'à plus de 30 kilos sur lui." explique le major Fabrice en charge de la distribution. "Vous avez aussi les chaussures, la veste et le pantalon. Ce sera sur ordre pour le déconditionnement", détaille-t-il à une militaire. Avant de préciser : "C'est du matériel pour tout ce qui est nucléaire, bactériologique. Donc c'est sous-vide, avec une date de péremption. C'est une tenue militaire camouflée, type bariolage théâtre européen, comme nos treillis. Et ce sont des tenues qu'on va mettre par dessus nos tenues."

Le major Fabrice est chargé de la distribution des différents matériels sur place, comme les gilets pare-balles, qui pèsent 17 kilos chacun. (MATHILDE DEHIMI / FRANCEINFO)

"En deux jours, on avait tout préparé"

De leur côté, les soldats combattants sont également arrivés sur place, avec notamment 250 chasseurs alpins. Et certains nous racontent qu’ils étaient à l’entraînement depuis plusieurs jours dans le nord de la France quand ils ont reçu l’ordre de se déployer. "Un message au matin : alerte déclenchée, départ pour une préparation en urgence des engins. En deux jours, on avait tout préparé", confie l’adjudant Guillaume du 4e régiment de Gap. "Du coup, moi, je n'ai fait que des missions en Afrique, c'est ma première mission Otan. Dans le sac, on ne prend pas la même chose : on n'oublie pas le grand froid cette fois. En fait, on se prépare comme si on partait en entraînement en Europe, comme on fait d'habitude.", glisse-t-il. 

A ses côtés, son chef, qui a déposé tout l’armement sur son lit : fusil d’assaut, pistolet et munitions. Il dirige 25 hommes dans des blindés. Les militaires ne sont pas du genre à se livrer mais c’est vrai que cette mission est différente des autres, reconnaît l’adjudant-chef Emmanuel : "En 15 ans de service, c'est la première fois que je suis déclenché de la sorte. C'est très intéressant : ça change des théâtres habituels qu'on pouvait connaître. Là, on est dans un contexte international qui est d'autant plus riche, donc c'est très important. On a l'impression d'être un peu plus près de chez soi que d'habitude. Ça peut paraître loin et proche à la fois. On prend l'avion, on fait pas mal d'heures de vol, mais finalement, qu'on atterrit on sent que c'est la population européenne, donc ça peut être très vite chez nous. On se sent concernés. Après, tout le monde souhaite que ça n'aille pas plus loin. On est prêts."

L'un des 500 soldats français arrivés en renfort sur la base de l'Otan, à Constantza en Roumanie. (MATHILDE DEHIMI / FRANCEINFO)

"Les échanges de coups de feu ne sont pas très loin"

Reste une question : que vont faire précisément les soldats français ? Le message de la ministre des armées Florence Parly, qui est venue salué les troupes dimanche 6 mars, est clair : montrer la cohésion et solidarité des troupes de l’OTAN qui vont protéger les frontières de la Lituanie à la Roumanie. Mais la bataille d’Odessa n’est pas loin, les Russes peuvent arriver très vite juste en face. 

"Je pense qu'on est sur une mission qui va durer, estime le colonel Vincent Minguet qui dirige la force de réaction rapide de l’OTAN en Roumanie. On est ici au bord de la mer Noire, en Roumanie. Le conflit et les échanges de coups de feu ne sont pas très loin. A 200-300 km, il y a l'armée ukrainienne qui combat l'armée russe. C'est peut-être ça qui change par rapport au Kosovo : là, ce sont deux États reconnus qui s'affrontent. On défend l'Europe à la fois au sein de l'Union européenne, en même temps au sein de l'Otan en défendant toutes ses frontières.

Pour l’instant, il n’y a pas de calendrier précis : l'Otan pourrait prolonger cette mission en Roumanie. Cela fera l’objet de discussions le 16 mars prochain à Bruxelles, entre ministres de la Défense concernés.

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