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Irrigation raisonnée, diversification... Face à la sécheresse, les vignerons des Pyrénées-Orientales tentent de trouver des solutions

Le département des Pyrénées-Orientales est particulièrement touché par la sécheresse cette année, et cela fait de gros dégâts dans les vignes. La filière s'attend à une baisse de récolte de 30% par rapport à l'an dernier. Les vignerons cherchent donc des solutions pour faire face à cette problématique.
Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Jean-Christophe Bourquin, installé dans la vallée de l'Agly, constate des dégâts liés à la sécheresse, y compris sur des terres fortes où la vigne est censée pousser même s'il manque de l'eau. (LAURIANE DELANOE / RADIOFRANCE)

Dans les Pyrénées-Orientales, des vignes desséchées sont visibles au bord des routes. Des ceps semblent morts tandis que les autres portent des grappes de raisin trop petit et peu juteux. Tout cela est lié à la sécheresse exceptionnelle qui touche le département cette année. Les vignerons des Pyrénées-Orientales sont en pleines vendanges et ils s'attendent à une récolte en baisse d'environ 30% par rapport à 2022. La récolte était alors de 550 000 hectolitres. La filière est en crise et face au changement climatique, elle cherche maintenant des solutions pour ne pas disparaître.

>> Sécheresse : la chaleur, nouvel ennemi du raisin

Les vignes des Pyrénées-Orientales sont mal en point. C'est un crève-coeur pour le président de la cave coopérative Château de Pena, dans la vallée de l'Agly. Jean-Christophe Bourquin, installé depuis 1999, ne peut que constater les effets de la sécheresse sur l'une de ses meilleures parcelles : "Il n'y a même pas de raisin qui est sorti alors est-ce-que ça va redémarrer l'année prochaine ?" 

"Il y a presque de quoi pleurer. On est sur des terres fortes où, en principe, quand il manque de l'eau, la vigne pousse quand même."

Jean-Christophe Bourquin, président de la cave coopérative Château de Pena

à franceinfo

L'année dernière, précise Jean-Christophe Bourquin, j'ai fait une moyenne de cinq à six tonnes [de raisin] par hectare sachant qu'il y a trois hectares sur la parcelle. C'est une cuvée spéciale haut de gamme, où la bouteille vaut 30 euros. Cette année, si je cueille trois tonnes sur l'ensemble, ce sera bien. On fait du rouge. Avec ça, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse comme rouge ?", déplore le vigneron. 

Pour sauver ces vignobles, Jean-Christophe Bourquin met en avant une solution : l'irrigation raisonnée. Sur les parcelles irriguées, les vignes sont bien vertes et bien feuillues. "Là, il y a du raisin, décrit-il. Quand on voit de loin les grappes de grenache comme là, c'est qu'il y en a. Ça n'a été irrigué qu'une semaine, début juillet, et on voit que la végétation a grandi et surtout, que les grappes ont grossi. Et on s'aperçoit finalement qu'avec un petit apport d'eau, ça permet d'avoir une récolte quasi normale"

Sur les parcelles à irrigation raisonnée de Jean-Christophe Bourquin, les vignes n'ont été arrosées qu'une semaine début juillet. (LAURIANE DELANOE / RADIOFRANCE)

Seuls 5 à 10% des vignes des Pyrénées-Orientales sont irriguées. Il en faudrait plus selon les viticulteurs mais les dossiers prennent du temps entre les autorisations et les travaux. Il a fallu cinq ans, par exemple, sur cette parcelle de Jean-Christophe Bourquin. Pour irriguer, il faut d'abord de l'eau. Or, la neige et les pluies deviennent incertaines.

L’irrigation ne peut donc pas être la solution miracle, c'est pourquoi les viticulteurs explorent d’autres pistes, comme la plantation de nouveaux cépages plus résistants à la sécheresse ou des changements de modes de culture. Guy Jobert, le président des Vignerons Indépendants des Pyrénées-Orientales, est installé avec son frère au Château Planères, à Saint-Jean-Lasseille au sud de Perpignan et il lance en ce moment un réseau de volontaires pour des expérimentations. Une partie de ses vignes n’est pas repartie après la canicule de l’été 2022, et la sécheresse de cette année menace d’autres ceps. Sur ses 80 hectares, il estime que "15 souffrent, dont 5 hectares dans un état très préoccupant". 

Diversifier les productions pour limiter les pertes

Avec ces volontaires, Guy Jobert va faire pousser de l'herbe et d'autres plantes au pied de certaines vignes. "L'objectif, c'est de reconstruire une vie du sol malgré ces conditions très contraignantes par rapport à l'eau, indique-t-il. Si on ne fait pas revivre le sol, on devient un désert. Il y a une réflexion également au sujet du paillage. Est-ce que ça marche ou pas, les tests vont démarrer très bientôt et il faut qu'un maximum de vignerons puissent les tester sur des petites surfaces, parce que si ça ne marche pas, il ne faut pas continuer mais si ça marche, il faut le faire savoir"

D'autres viticulteurs se diversifient pour limiter les pertes. C'est le cas de Brigitte Bile, installée depuis 21 ans avec son mari au domaine Depeyre, avec 20 hectares des vignes en coteaux à Cases-de-Pène. Elle estime sa perte à 60% de sa récolte globale, avec notamment 80% de perte pour ses vignes de Syrah. "Mon mari s'est lancé dans l'apiculture depuis quatre ans et là, il a commencé à planter des figuiers aussi, pour faire plusieurs rentrées d'argent dans l'année. Les vignes, ça devient très compliqué. On se pose beaucoup de questions, sur ce qu'il faut faire ou planter. On va plutôt voir maintenant pour trouver des parcelles sur la plaine et investir ailleurs". Il y a en effet des parcelles disponibles car certains vignerons cèdent leurs terres.  

Touché par la sécheresse en 2022, Guy Jobert surveille ses premières vendanges. (LAURIANE DELANOE / RADIOFRANCE)

Des vignerons quittent le métier. Après cette saison, le secteur redoute des départs en masse car les mauvaises années s'enchaînent depuis 2019. Les récoltes sont grévées par des canicules, par le gel ou par le mildiou. Les viticulteurs ont en plus des difficultés à vendre leurs bouteilles avec la baisse de la consommation de vin. Brigitte Bile, la viticultrice du Domaine Depeyre à Cases-de-Pène, pointe également les hausses des coûts des matières premières : "le prix du verre, pour les bouteilles, a plus que doublé. Et les délais d’approvisionnement sont longs". 

"La filière viticole est en crise, il y a davantage de signaux d’alerte."

Stéphane Africano, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales

à franceinfo

Les plus fragilisés ne pourront pas réinjecter des fonds dans leurs exploitations cette année pour combler les pertes. David Dry, le président du syndicat des vignerons dans les Pyrénées-Orientales, appelle à l'aide : "Si l'agriculture dépérit, c'est un désastre pour l'économie. C'est tout un département qui va souffrir du fait de perdre son agriculture. C'est un problème qui touche de nombreux secteurs d'activité parce que le tourisme est lié à l'agro et le tourisme nourrit aussi les artisans, les hôteliers.  C'est donc un problème public qui doit être pris à bras le corps par tout le monde".

David Dry demande jusqu'à l'annulation des dettes pour les viticulteurs qui ont contracté un prêt garanti par l'État. C'est impossible, répond le ministère de l'Agriculture à franceinfo. Pour l'instant, il instaure un report du paiement des cotisations sociales et certaines banques mettent en pause le remboursement des crédits pour les vignerons en difficulté.

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