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"Je ne suis pas préparé psychologiquement à affronter tout ça" : le blues des étudiants isolés par la crise du Covid-19 et les cours à distance

La réduction de la jauge à 50% dans les universités augmente le sentiment de solitude de nombreux jeunes déjà fragilisés par le confinement. Les structures d'aide d'urgence sont débordées.

Article rédigé par franceinfo, Lauriane Delanoë
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un amphi sur le campus de Pessac (Université de Bordeaux), le 9 septembre 2020. (VALENTINO BELLONI / HANS LUCAS)

"Le moral il est très, très bas. Petit, petit moral", confie Jack, étudiant camerounais. Installé en France depuis trois ans, il vient d'arriver à Paris pour son master : "Là j'étais avec ma maman au téléphone, j'appelle beaucoup plus mes proches qui sont au Cameroun pour qu'ils m'aident dans cette période un peu difficile". Il fait partie de ces nombreux étudiants que la crise du Covid-19 a fragilisé psychologiquement.

Jack vit dans un studio de 14 mètres carrés. Il ne trouve pas de petit boulot et il s'inquiète maintenant de la multiplication des cours en ligne, après la réduction de la jauge des universités à 50%"Ayant déjà vécu une situation similaire pendant le confinement, j'avoue que ça me démoralise beaucoup. Il y a la solitude qui se rajoute. Je suis nouveau sur Paris, je ne connais pas beaucoup de monde."

Il y avait un week-end d'intégration. J'étais vraiment prêt à y aller, à me faire des nouveaux amis. Mais il a été annulé et du coup, c'est assez compliqué.

Jack, étudiant camerounais installé à Paris

à franceinfo

"Je ne suis pas préparé psychologiquement à affronter tout ça, ajoute Jack. J'ai demandé à voir un psychologue, c'est trois semaines, un mois d'attente".

La crise du coronavirus : un déclencheur

Les psychologues et psychiatres qui reçoivent des jeunes en ce moment relèvent deux "profils". D'une part, les étudiants comme Jack, qui vivent mal les conséquences de la crise sanitaire. Et d'autre part ceux pour qui cette crise est un déclencheur. C'est le cas de Fanny, 21 ans, future archéologue :"Ça fait quelques années que ça ne va pas trop à certains moments et avec le confinement, mes moments d'angoisse et d'anxiété sont un peu montés en flèche. Quand j'ai eu cette période où vraiment je n'arrivais pas à travailler, j'ai contacté une psychologue et je pense que je vais entamer un suivi sur la durée, raconte Fanny. Là, ça va, justement parce que mes cours me plaisent et que l'année commençait, commence bien. Et là, le fait que peut-être les facs vont fermer et que je ne pourrai pas étudier comme je veux, c'est un peu stressant."

J'étais très enthousiaste à l'idée de commencer mon premier mémoire de recherche et là, ça casse un peu l'élan.

Fanny, étudiante en archéologie

à franceinfo

La détresse des étudiants augmentent et les structures de soutien psychologiques arrivent à saturation. Les dispositifs d'urgence mis en place au printemps n'ont pas tous été reconduits. Dans les bureaux d'aide psychologiques universitaires - qui fonctionnent à l'année - il faut attendre en moyenne trois à cinq mois pour avoir un rendez-vous. Quant aux associations, comme Nightline France, elles sont débordées.

Cette structure compte une soixantaine de bénévoles. Chaque soir de 21h à 2h30, ils sont cinq à répondre au téléphone et discuter avec les étudiants qui ont le blues. Ils ne peuvent pas prendre tous les appels, les discussions pouvant durer jusqu'à deux heures. "Certaines personnes sont dans un état de détresse grave qui peut s'exprimer par des pleurs, des pensées suicidaires, explique Florian Tirana, le président de Nightline France. Il y a une recrudescence de situations de détresse psychologique très difficile à prendre en charge, surtout dans la mesure où les services de soutien psychologique étaient déjà à saturation avant le confinement". 

Des conséquences sur la vie professionnelle

Il faut plus de moyens pour les initiatives telles que celle de Nightline, estime Dominique Monchablon, psychiatre et cheffe de service au Relais Étudiants-Lycéens de Paris. "Ces dispositifs de soins dédiés aux étudiants sont toujours à flux tendu en temps ordinaire. Or, 75% des pathologies psychiatriques émergent dans ce temps étudiant, explique Dominique Monchablon. Et donc, je souligne la difficulté dans ces périodes de crise sanitaire qui va réactiver chez chaque étudiant et chez chaque citoyen d'ailleurs, des vulnérabilités préalables, des traumatismes individuels, des pertes, des décès. Et bien entendu, à ce moment-là, nos structures de soins vont être en difficulté pour répondre." 

Cette psychiatre de la Fondation Santé des Étudiants de France craint aussi des conséquences à long terme, avec le développement de dépression et burn out quand ces étudiants entreront dans la vie active.

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