Cet article date de plus de trois ans.

L'échec du zoo de Pont-Scorff, racheté par des associations et aujourd'hui en liquidation judiciaire

Le choix de franceinfo s’intéresse à l’échec de Rewild, l’association qui a racheté le Zoo de Pont-Scorff dans le Morbihan avec la promesse de remettre les animaux en liberté. Pourquoi les partisans de la remise en liberté des animaux sauvages ont échoué ?

Article rédigé par franceinfo - Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Zoo de Pont-Scorff, racheté par le collectif Rewild pour en faire un sanctuaire pour les animaux sauvages, est désormais fermé au public. (ETIENNE MONIN / RADIO FRANCE)

Il s'agissait de la plus grosse coalition jamais montée pour le ré-ensauvagement des animaux captifs. Elle a eu un important soutien populaire mais ce projet de Zoo alternatif vient de s’effondrer. Pour comprendre pourquoi, il faut pousser les portes de ce qui devait être le laboratoire du ré-ensauvagement. Nous sommes dans le Zoo de Pont-Scorff avec notamment deux éléphants, deux girafes, des tortues des Seychelles, dans une vaste forêt aux enclos vieillissants.

Ce zoo a été racheté il y a un peu moins d’un an et demi par un groupement d’associations Rewild, qui compte agir pour le bien être des animaux sauvages. Jérôme Pensu gérant à l’époque du zoo est l'un des acteurs clef du projet et de son échec. Il explique l’idée de départ : "Mettre en place une structure d’accueil pour animaux saisis dont l’objet ne sera pas en finalité la captivité. Ce sera soit des élevages sans présentation au public ou le retour à la nature. Cela prive les zoos d'une quantité très importante d'animaux".

Un contre-projet au modèle classique de zoo

Rewild rassemble six associations, parmi lesquels le géant des mer Sea Shepherd. Dans un contexte de préoccupation grandissante du bien-être animal, elle reçoit un soutien important du public. Un appel aux dons lancé par Hugo Clément en décembre 2019 permet de collecter 700 000 euros en moins d’une semaine. Le Zoo est racheté en décembre 2019. Il devient alors le laboratoire des organisations qui veulent proposer un contre-projet au modèle classique de zoo. "Un parc zoologique est une société commerciale, explique Pierre Douay qui est à l’origine du projet. La grande majorité des gens quand ils achètent un billet pour aller dans un zoo, avec la communication qui a été faite par les zoo, ils ont une espèce de certitude de participer à la conservation et à la préservation de la biodiversité. Je dis que ce n’est pas vrai."

Le Zoo de Pont-Scorff, dans le Morbihan. (ETIENNE MONIN / RADIO FRANCE)

Mais très vite la coalition se fracture autour de l’objectif. La communication radicale sur la promesse de libérer les animaux du Zoo divise. Trois structures restent à bord au moment de l’acquisition. Ensuite, l’établissement se heurte aux services de l'État. Après seulement quelques mois de gestion ils relèvent des manquements. La direction départementale de la protection des populations pointe notamment un manque de certification. En septembre 2020, le préfet du Morbihan signe une mise en demeure et suspend l’ouverture au public.

Pendant tout ce temps-là, Jérôme Pensu est aux commandes du Zoo. Il considère qu’il paye son offensive contre la forteresse des zoos : "On s’est attaqué a une forteresse et même on s’est attaqué a un lobby absolument énorme. On a monté une grosse aventure dont on a sous-estimé la taille des vagues. Les marins peuvent vous parler des vagues scélérates, il y a celles que vous pouvez anticiper et il y a celle que vous n’avez pas vu venir."

"Erreur de casting"

Le 31 mars dernier un rapport indépendant d’un vétérinaire Belge vient conforter les services de l'État. Il affirme que les animaux semblent en bon état général mais que la gestion n’est pas satisfaisante. Il relève des anomalies et des irrégularités. Il estime que la sécurité physique et sanitaire n’est pas garantie. Plusieurs animaux ont fugué. Un Jaguarondi est mort percuté à l’extérieur par une voiture. Confronté à ces dysfonctionnements de gestion l’association, Sea Shepherd à tenté de reprendre le contrôle d’un train sur le point de dérailler. Dans cette affaire L’ONG porte la structure à bout de bras. Elle a investi 200 000 euros pour le rachat et 300 000 pour le fonctionnement. Le zoo de Pont-Scorff coûte entre 80 000 et 90 000 euros par mois.

Au sein du Zoo de Pont-Scorff, racheté par le collectif Rewild pour en faire un sanctuaire pour les animaux sauvages, et qui est désormais fermé au public. (ETIENNE MONIN / RADIO FRANCE)

Pour continuer la perfusion, Sea Shepherd demandait a être majoritaire au conseil d’administration de Rewild. Ce qui a déclenché un conflit avec le gérant Jérôme Pensu. L’ONG a stoppé les paiements après janvier. Le modèle financier basé sur le mécénat ne peut pas fonctionner dans ces conditions. "Le projet s’il rencontre des difficultés aujourd’hui c’est principalement pour des raisons humaines, que je qualifierais d’erreur de casting, explique Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd. Au départ on fait une promesse aux gens. C’est celle de réhabiliter et sanctuariser les animaux. À partir du moment où au bout d’un an il n’y a pas un seul animal qui est sorti du site, c’est compliqué de motiver les dons."

Le ré-ensauvagement une utopie ?

Cette histoire est l’échec de la première grande tentative de ré-ensauvagement. Mais ceux qui sont au départ de ce projet veulent faire la part entre la cause défendue et les acteurs qui sont impliqués. Pierre Douay considère que le concept est toujours applicable : "C’est une histoire qui a avorté. Nous n’avons pas pu faire nos preuves. Il y a un goût d’inachevé."

Le zoo de Pont-Scorff a été placé en liquidation judiciaire en mars dernier. Jérôme Pensu dont la gestion a été mise en cause a été démis par le tribunal de commerce même s’il reste sur le site. Les repreneurs doivent se déclarer avant le samedi 1er mai. Sea Shepherd est sur les rangs. La cause de Rewild il y a un an et demi, avait touché le publique. L’association avait mobilisé 26 000 donateurs en moins d’une semaine. La dernière inspection de la direction départementale de la protection des populations sur le site s’est faite sous protection des gendarmes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.