La Chine, l'un des principaux pays pollueurs de la planète, est paradoxalement championne des énergies renouvelables
La Chine est devenue championne toutes catégories des énergies renouvelables, mais reste, avec les États-Unis, le principal pays pollueur de la planète. Les Chinois continuent de développer les centrales à charbon, principales responsables des émissions de gaz à effet de serre. Ce paradoxe chinois sur les énergies, franceinfo a pu le constater en se rendant d'abord tout au nord du pays, à l'extrémité de la province du Gansu, limitrophe avec le Xinjiang. Là-bas, très peu d’habitants vivent. On est au milieu du désert de Gobi. Ces étendues de sable ont depuis quelques années complètement changé de visage.
Des champs d'éoliennes et des parcs solaires sont apparus partout, avec les technologies les plus avancées. Sur la route près de la ville de Dunhuang, se dresse une grande tour de 260 mètres. Tout en haut, une lumière jaune très puissante, éblouit. Il s'agit d'une tour solaire thermique qui permet de produire de l'électricité avec le soleil, de jour comme de nuit. "La tour brillante que vous voyez là-bas, c'est la tour centrale de collecte de la chaleur, explique l'une des guides du site Yang Jia qui nous fait visiter.
"Tout autour, il y a 12 000 miroirs qui ont été disposés de manière circulaire. Leur rôle est de suivre le soleil en permanence et de renvoyer la chaleur vers les absorbeurs situés au sommet de la tour. L'énergie est stockée et cela permet de produire de l'électricité 24h sur 24h sans s'arrêter."
Yang Jia, guideà franceinfo
À une centaine de kilomètres de là, le petit comté de Guazhou et ses 130 000 habitants s'est spécialisé lui dans les éoliennes. Ici le vent du désert de Gobi permet aux éoliennes de tourner à plein régime. Avec ses très nombreux parcs, le comté a désormais une renommée nationale. "Guazhou est le premier comté éolien de Chine, se félicite le directeur de l’un des nombreux projets éoliens Zhang Weimin. Notre parc a une capacité de 200 mégawatts, ce qui permet d'alimenter 600 000 personnes par an". "Notre électricité est vendue au réseau national. Elle est moins chère que celle produite dans une centrale à charbon", affirme-t-il.
Près de 60% de la production énergétique de la région
Dans le nord de la province du Gansu, il n'y a pas d'activité industrielle. Les besoins en énergie sont très limités. L'électricité produite grâce au vent et au soleil est immédiatement injectée dans le réseau national. L'objectif est de se servir de cette énergie pour alimenter le cœur industriel de la Chine, sur la côte est du pays et dans le sud.
Le réseau de lignes électriques est en pleine phase de développement. "Les énergies nouvelles représentent 60% de la production énergétique totale de notre province, assure Liping Dang, l'une des responsables du géant électrique Shazhou Energy. "Et avec ça nous alimentons plusieurs autres régions, précise-t-elle. Selon la responsable, une ligne électrique spécifique a été construite pour alimenter la province de Hunan et trois autres lignes directes sont en cours de construction, vers la province du Zhejiang et celle du Shandong. "Et nous avons un autre projet pour alimenter la province du Sichuan", ajoute-t-elle.
Grâce à tous ces projets, la Chine a dépassé ses prévisions sur les énergies renouvelables. Sur l’éolien notamment, les Chinois disposent à eux seuls de près de la moitié de la capacité mondiale.
La Chine dépend pourtant toujours du charbon
Dans le sud de la Chine, à plus de 3 000 km de là, l'archipel de Zhoushan est composé de petites îles, de moyenne montagne, tout près du littoral. Le paysage est magnifique de nature, mais au pied de ces montagnes, se trouve un énorme parc industriel. "Je suis arrivée ici en 2006, raconte une commerçante, Il y avait une centrale au charbon, mais elle était petite. C'est celle qui est là-bas à gauche. Elle a maintenant été agrandie", affirme la commerçante qui précise que Les travaux ont duré deux ans.
Quatre unités produisent de l'électricité depuis 2011, confirme un ouvrier qui travaille dans la centrale. "Et là, nous venons de procéder à une extension avec deux unités supplémentaires qui produisent depuis le mois dernier", ajoute-t-il.
À 15 km, sur une autre petite île, des ouvriers sont en train de préparer une autre centrale toujours au charbon. "En face, c'est l’île de Yushan, il y a beaucoup de projets industriels là-bas, explique un des ouvriers, maintenant, c'est la construction d'une nouvelle centrale électrique qui vient de commencer". "Les travaux ont démarré juste avant l'été, dit-il, Vous voyez ces gros camions, ils viennent plusieurs fois par jour pour livrer le matériel de construction nécessaire pour installer les fondations de la future centrale électrique."
Peur de manquer d'électricité
Ces nouvelles centrales viennent contredire les engagements de la Chine sur le charbon. Selon le Centre de recherche sur l'énergie et l'air pur (CREA, organisme indépendant), Pékin a certes réduit ses permis de production d'électricité à partir du charbon, avec 83% de moins entre les premiers semestres 2023 et 2024. Mais sur les six premiers mois de cette année, les Chinois ont aussi commencé un nombre très important de projets, représentant près de 90% des nouvelles centrales à charbon mises en service dans le monde.
L'archipel de Zoushan en est une illustration. Et pour le CREA, ce sont ici les dirigeants de la province qu'il faut montrer du doigt. "Le Zhejiang est une province économique majeure en Chine, insiste Qi Qin chercheuse au sein du CREA, Pour assurer son développement industriel, la région a besoin d’une grande quantité d'électricité". "C'est vrai que les usines existantes ne sont pas suffisantes, admet la chercheuse. Mais la Chine dispose d'un réseau électrique national qui peut fournir l'électricité nécessaire".
"Normalement, la province n'a plus besoin de construire de nouvelles centrales électriques au charbon, mais elle continue de le faire en poursuivant un objectif aveugle de développement économique."
Qi Qin, chercheuse au CREAà franceinfo
Pour expliquer ces réticences à abandonner le charbon, il y a aussi la peur de se retrouver en manque d'électricité, comme en 2021, après une difficile période de sécheresse, quand plusieurs villes chinoises avaient été plongées dans le noir. Difficile équilibre pour les autorités chinoises entre la sécurité énergétique et les engagements en faveur du climat. Pékin s'est normalement engagé à atteindre son pic d’émission de carbone d'ici 2030.
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