Présidentielle américaine : avec plus de 200 recours déposés dans différents Etats, la bataille électorale se joue déjà dans les tribunaux

Républicains et démocrates ont déjà déposé des dizaines de recours sur les règles électorales pour le scrutin présidentiel. Objectif : obtenir des arguments en cas de résultats très serrés.
Article rédigé par franceinfo - Cécile de Kervasdoué, Laurent Macchietti
Radio France
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Temps de lecture : 6min
Un panneau indique aux électeurs la direction des bureaux de vote de vote, le 1er novembre 2024 à Atlanta, en Géorgie. (MEGAN VARNER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA via AFP)

L’élection présidentielle américaine va-t-elle se jouer dans les cours de justice ? Avant même la date officielle du scrutin prévu mardi 5 novembre, les tribunaux états-uniens sont submergés par des recours demandant la remise en cause des lois électorales dans différents Etats. Plus de 200 dossiers électoraux sont ainsi en cours dans tout le pays, un record.

La Géorgie, au sud-est des Etats Unis, est un des swing states, ces Etats clés où l’élection est très serrée. À Atlanta, depuis des mois, les actions en justice contre les procédures électorales se sont multipliées et sont plus nombreuses qu’ailleurs dans le pays.

La Géorgie, c'est l'Etat qui a fait basculer l'élection de 2020. Dans ce bastion républicain, le démocrate Joe Biden avait devancé Donald Trump de seulement 11 779 voix. Le candidat républicain avait crié à la fraude et lancé, déjà, des recours judiciaires mais sans succès, au grand dam de ses partisans.

Crainte d'une élection "truquée"

"On sait maintenant, après quatre ans, que tout a été truqué dans les machines", soutient Patrick qui habite en Georgie depuis 34 ans et défend encore le mythe de l'élection volée. Citoyen américain, il a commencé par voter Obama, avant d’être un fervent partisan de Trump. "Tous les gens à qui tu parles dans la rue te disent que Trump va gagner. Mais ils ont peur qu'à la dernière minute la même chose se reproduise, que les machines pourraient être truquées la nuit. Ils ont peur que la nuit de l'élection, quelque chose arrive encore." Patrick a décidé de ne pas voter, cette année.

"Je voulais de nouveau voter pour Trump mais j'ai vu la dernière fois que ça n'avait pas d'importance, donc je ne voterai pas cette fois-ci".

Patrick, partisan de Donald Trump

à franceinfo

Le parti républicain au pouvoir en Géorgie a donc progressivement voulu rendre les procédures électorales plus sûres à ses yeux et donc plus restrictives aussi. En septembre dernier il a voté de nouvelles mesures, dont la possibilité de recompter à la main les bulletins et celle pour les responsables électoraux de ne pas certifier les résultats de l’élection s’ils pensent qu’il y a fraude.

Jannelle King, membre républicaine de ce collège électoral, était à l’origine de ces propositions."Les responsables électoraux dans les bureaux de vote qui m’ont dit qu’il n’était pas rare qu’ils retrouvent des bulletins perdus après la fermeture du scrutin. Alors je me suis dit que cette règle était une manière de répondre à ce dysfonctionnement électoral. D’autant qu’il y a des circonscriptions où ça se pratique déjà. La seule nouveauté dans ces mesures était d’imposer de nouveaux observateurs dans les bureaux de vote, le reste n’avait rien de nouveau et visait justement à créer des règles électorales communes." Mais le 15 octobre dernier, la justice de Georgie saisie par le parti démocrate a retoqué ces nouvelles règles électorales.

La stratégie du recours

Ce type de litige entre républicains et démocrates se retrouve dans d’autres Etats. Aux Etats-Unis, le droit de vote n’est pas dans la Constitution, ce sont donc les Etats, selon leur couleur politique, qui décident des règles pour les électeurs, et cela provoque souvent un jeu de ping-pong judiciaire. C’est le cas par exemple en Pennsylvanie où les républicains ont lancé des recours pour interdire le vote par correspondance aux militaires qui revenaient de l’étranger. Dans le Nevada, ils ont voulu interdire quelques bulletins postaux retardataires. La plupart du temps, ces recours sont rejetés par la justice mais ils s’inscrivent dans une stratégie du parti de Donald Trump, explique l’avocat Henry Chalmers, membre de l'organisation America Oversight. Il a lancé un recours contre le collège électoral de Géorgie pour manque de transparence.

L'avocat Henry Chalmers chez lui en Géorgie (Etats-Unis), novembre 2024 (CECILE DE KERVASDOUE / RADIO FRANCE)

"Les républicains de Donald Trump vont lancer des recours s’ils perdent. Leur objectif est de gagner du temps parce que si le score est si serré qu’il y a débat sur le nombre de bulletins et pas de décision tranchée alors selon notre Constitution, la Chambre des représentants pourrait choisir le gagnant. Or, la Chambre des représentants est acquise aux républicains."

"Je pense que la stratégie du camp Trump est de créer tellement de querelles judiciaires que la Chambre des représentants récupère l’élection."

Henry Chalmers, avocat

à franceinfo

Miser sur la Cour suprême

Mais avant cela il y a la carte de la Cour suprême. C’est ce qui s’était passé il y a 20 ans lors de l’élection entre Al Gore et George Bush. Le résultat était tellement serré que la Cour suprême avait dû les départager. Donald Trump durant son précédent mandat a nommé quatre juges conservateurs mais rien ne dit qu’ils statueront en sa faveur, espère Anthony Michael Kreiss, spécialiste de droit constitutionnel et de l’histoire politique des Etats-Unis à l’université d’État de Georgie. 

"Quand nous étions à notre plus bas niveau de démocratie aux Etats-Unis, il n’y avait pas de recherche de preuve et la justice se faisait au pistolet, donc je pense que notre système judiciaire est une bonne chose pour la démocratie, estime Anthony Michael Kreiss. Mais il y a un paramètre essentiel, c’est que le tribunal respecte l’état de droit et que les juges soient intègres. Parce que l'une des raisons pour lesquelles Donald Trump n’a pas réussi à renverser l’élection en 2020, c’est que les juges et les avocats se sont unis pour dire 'non'".

Le candidat républicain est toujours poursuivi dans cette affaire, mais la Constitution américaine ne lui interdit pas pour autant de se présenter.

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