Présidentielle américaine 2024 : comment Donald Trump s'est préparé à contester le résultat de l’élection
Le scénario de 2020 va-t-il se répéter ? Il y a quatre ans, Donald Trump avait refusé de reconnaître la victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle et avait tenté de garder le pouvoir en dénonçant sans aucune preuve des fraudes électorales. Cette stratégie avait plongé les Etats-Unis dans le chaos, culminant avec l'assaut meurtrier du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021.
Cette année, l'élection du 5 novembre s'annonce au moins aussi risquée. Depuis des mois, le candidat républicain s'est préparé à contester toute défaite. Avec ses soutiens, il mène une bataille judiciaire dans plusieurs Etats pour modifier les lois électorales en sa faveur. Dans ses meetings, il continue de semer le doute sur la fiabilité du scrutin, accusant le camp de Kamala Harris de triche. Franceinfo vous explique comment le milliardaire et ses équipes s'organisent pour remporter la bataille, coûte que coûte.
Une centaine de procédures judiciaires dans 26 Etats
Dans la foulée de la présidentielle de 2020, l'équipe de Donald Trump avait déposé plus de 50 plaintes pour contester les résultats de l'élection, rappelait en février 2021 Reuters. Bien que toutes ses requêtes aient été rejetées, le candidat républicain poursuit cette stratégie judiciaire. "Des procès sont attendus dans les Etats où les résultats seront particulièrement serrés, ou qui sont susceptibles d'influencer le collège électoral", analyse auprès de franceinfo Robert Preuhs, professeur de sciences politiques à la Metropolitan State University de Denver (Colorado). Les sept Etats-clés (la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Géorgie, la Caroline du Nord, l'Arizona et le Nevada), où les candidats sont au coude-à-coude, seront particulièrement scrutés.
Les trumpistes ont eu le temps de préparer leur mobilisation. "Les efforts visant à renverser le résultat sont plus stratégiques, plus organisés, plus coordonnés qu'en 2020", observe auprès du Guardian Sean Morales-Doyle, directeur du programme sur le droit de vote au Brennan Center for Justice, un institut de recherche progressiste de l'Université de New York. Selon le Wall Street Journal, de 2020 jusqu'au mois d'août 2024, les républicains ont dépensé 28 millions de dollars (environ 26 millions d'euros) pour mener cette offensive judiciaire.
Fin septembre, Reuters a rapporté que le Grand Old Party (GOP) avait déjà déposé au moins 120 recours dans 26 Etats pour contester les règles électorales. Dans le Michigan, les républicains tentent par exemple d'imposer des vérifications plus strictes pour les bulletins de vote par correspondance, "un mode de vote prisé des électeurs démocrates", rappelle le professeur Robert Preuhs. Dans le Nevada ou en Géorgie, ils cherchent à faire rayer des listes certains électeurs, envisageant parfois d'utiliser des méthodes racistes, comme la recherche de "noms ethniques", relate le New York Times. Le Parti républicain se défend de toute entrave électorale et revendique une opération pour "sécuriser l'élection, en promouvant la transparence et l'équité pour chaque vote légal", a déclaré auprès de Reuters Claire Zunk, porte-parole du comité national des républicains, l'organe du parti chargé des campagnes.
Un plan contre "le vol de l'élection" financé par de riches donateurs
En avril, le comité national des républicains a lancé un programme d'"intégrité électorale", décrit comme "le plus vaste et le plus monumental de l'histoire du pays", cite CNN. Celui-ci vise à recruter des milliers d'avocats et des bénévoles afin d'empêcher que les démocrates "steal the vote" ("volent l'élection"), à l'image du slogan scandé par Donald Trump et ses partisans depuis 2020. D'après le Wall Street Journal, ce programme est soutenu par un réseau de milliardaires proches du parti. Ces investisseurs auraient donné plus de 140 millions de dollars (environ 130 millions d'euros) à une cinquantaine d'organisations.
Parmi eux, on trouve la famille Uihlein, fondatrice de la société d'expédition Uline, un des plus grands distributeurs de fournitures d'expédition et d'emballages industriels en Amérique du Nord. Selon le Wall Street Journal, les Uihlein, habituels donateurs du camp conservateur, ont versé 34 millions de dollars (31 millions d'euros) pour "l'intégrité électorale" depuis 2020. Figurent également David Green, fondateur de la chaîne de grands magasins Hobby Lobby, et Patrick Byrne, l'ancien PDG de commerce en ligne Overstock.com. Ce dernier est particulièrement impliqué dans la quête de victoire de Donald Trump. En 2021, Patrick Byrne a fondé avec l'ancien conseiller à la sécurité nationale du milliardaire, Michael Flynn, une organisation à but non lucratif, The America Project, visant à relayer des allégations de fraudes électorales, explique CNN.
Un blocage des résultats dans les bureaux de vote par ses partisans
Entre le vote et la nomination du président, les résultats doivent être validés à quatre niveaux : dans le bureau de vote, dans le comté, au niveau de l'Etat, puis du fédéral. De nombreux militants trumpistes se préparent à bloquer une éventuelle victoire de Kamala Harris. C'est le cas de ceux qui font partie du Election Integrity Network ("réseau de l'intégrité électorale" en français), lancé après l'élection de 2020 par l'organisation Conservative Partnership, dont l'un des principaux membres est Mark Meadows, l'ancien chef de cabinet de Donald Trump à la Maison Blanche, détaille le New York Times.
Le quotidien américain a eu accès à des enregistrements de centaines de réunions en ligne de ces activistes. "Nous recrutons un nombre massif de travailleurs électoraux, d'observateurs, partout dans le pays. C'est ce dont nous avons besoin. Des gens investis dans les élections", déclare Ned Jones, un responsable du réseau, lors d'une de ces rencontres.
Le réseau est dirigé par Cleta Mitchell, avocate historique des républicains. Elle a notamment participé en 2021 à un appel téléphonique au cours duquel Donald Trump a pressé le secrétaire d'Etat de Géorgie d'annuler les résultats de la présidentielle de 2020 dans son Etat. Selon le New York Times, Cleta Mitchell a assuré aux militants que leur démarche vise à "sauver le pays de la gauche radicale".
Désormais, certains d'entre eux siègent dans des commissions électorales où ils auront à valider les résultats. Des milliers d'autres vont être présents dans des bureaux de vote stratégiques, où ils pourront contester "ce qu'ils interprètent comme des signes de fraudes ou d'irrégularités", souligne le New York Times. Si les résultats sont serrés, "ce n'est pas exclu qu'il y ait des tentatives de violence comme en 2020", estime auprès de franceinfo Steven Ekovich, professeur de sciences politiques à l'American University of Paris. Le 25 octobre sur son réseau Truth Social, Donald Trump a d'ailleurs menacé, s'il était élu, de poursuivre "à des niveaux jamais vus auparavant" les travailleurs électoraux qui auraient "des comportements sans scrupule". Face à ces craintes, de nombreux Etats ont renforcé les mesures de sécurité dans les bureaux de vote.
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