Présidentielle américaine 2024 : avortement, immigration, économie... A quoi ressembleraient les Etats-Unis si Kamala Harris était élue à la Maison Blanche ?
Pas une "continuation" de la présidence de Joe Biden, mais beaucoup de points communs tout de même. Kamala Harris a promis, le mercredi 16 octobre sur la chaîne Fox News, de se démarquer de son prédécesseur si elle est élue à la tête des Etats-Unis, le 5 novembre. Le programme de la vice-présidente sortante, proche de la politique menée par l'actuel locataire de la Maison Blanche, se veut surtout très différent de celui de son adversaire républicain, Donald Trump, qui ne cesse de réduire l'écart avec elle dans les sondages.
Immigration, économie, avortement, environnement... A deux semaines du scrutin, franceinfo résume les grandes lignes du projet de la démocrate pour les Etats-Unis.
Sur l'économie : faire baisser le coût de la vie
Face à l'inflation qui a explosé au cours des dernières années, l'objectif principal du programme économique de Kamala Harris, détaillé sur son site, est d'accroître le pouvoir d'achat des Américains. Pour cela, la vice-présidente propose une série de mesures : baisser les impôts de 100 millions d'Américains de la classe moyenne, notamment à travers des réductions pour les familles venant d'avoir un enfant ; interdire la pratique des prix abusifs sur la nourriture dans tout le pays ; négocier avec l'industrie pharmaceutique pour faire baisser les prix des médicaments et étendre la liste des soins pris en charge par l'assurance santé. "Elle poursuit dans la même direction que l'administration Biden, en voulant taxer davantage les plus riches et les grosses entreprises, mais pas les plus pauvres et la classe moyenne", souligne William A. Galston, spécialiste de la politique américaine et chercheur à la Brookings Institution.
Autre volet important : la baisse des prix de l'immobilier, pour les locataires comme les propriétaires. "Elle prévoit une aide de 25 000 dollars pour les Américains qui achètent une maison pour la première fois, ainsi qu'un ambitieux programme pour relancer la construction dans les prochaines années", poursuit William Galson. L'objectif est d'atteindre 3 millions de nouveaux logements lors de son mandat, précise la vice-présidente dans son programme.
Kamala Harris promet également une série de mesures spécifiques pour permettre aux hommes noirs – un électorat dont elle a besoin pour être élue, mais qu'elle peine à mobiliser – d'atteindre la "liberté financière" et "d'acquérir des richesses". Elle souhaite notamment accorder un prêt de 20 000 dollars à un million d'entrepreneurs noirs "n'ayant pas les ressources, le réseau ou l'accès au capital nécessaire pour lancer leur projet".
Sur l'immigration : promulguer une réforme bipartisane
L'immigration, thème de prédilection de Donald Trump dans la campagne, constitue un sujet délicat pour la vice-présidente sortante. Entre octobre 2022 et septembre 2023, les Etats-Unis ont enregistré un nombre record de plus de 2,4 millions d'entrées illégales à la frontière avec le Mexique. Le pic a été atteint en décembre dernier, avec près de 250 000 passages clandestins en un mois. Depuis, l'administration Biden a durci les contrôles et les conditions d'obtention du droit d'asile, entraînant une diminution du nombre de traversées. Mais l'immigration fait partie des principales préoccupations des électeurs avant la présidentielle, selon un sondage de l'institut Gallup réalisé début octobre.
"En début d'année, la vice-présidente a soutenu un projet bipartisan de réforme de l'immigration, négocié au Sénat. Il a été coulé par Donald Trump, qui a ordonné aux élus du Parti républicain de ne pas laisser Joe Biden avoir cette victoire", rappelle William A. Galston. "Le texte aurait permis le déploiement de plus de technologies de détections pour intercepter le fentanyl et d'autres drogues, et ajouté 1 500 agents de sécurité à la frontière", insiste la vice-présidente sur son site.
Si elle est élue, Kamala Harris compte "relancer le projet de loi bipartisan et le promulguer", assure-t-elle dans son programme. La démocrate s'est aussi dit favorable à une régularisation des sans-papiers, sans en préciser les conditions, rapporte CBS News. "Il y a un contraste évident avec l'approche de Donald Trump, qui veut arrêter et expulser massivement les migrants en situation irrégulière", constate William A. Galston.
Sur l'avortement : restaurer l'accès à l'IVG dans tout le pays
Kamala Harris a placé l'avortement et les droits des femmes au cœur de sa campagne. En 2022, la Cour suprême a renversé l'arrêt datant de 1973 qui garantissait dans tout le pays le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Depuis, 21 Etats ont interdit ou fortement restreint le droit à l'avortement, selon un décompte du New York Times. "Le renversement de l'arrêt a été rendu possible par la nomination à la Cour suprême de juges conservateurs par Donald Trump", rappelle John Geer, professeur de sciences politiques à l'université Vanderbilt (Tennessee).
Or 63% d'Américains soutiennent le droit à l'avortement, selon une étude du Pew Research Center parue en mai. Surtout, ils sont très largement "favorables à ce qu'il soit possible en cas d'inceste ou de viol, ce qui n'est pas le cas dans nombre d'Etats" qui ont limité le droit à l'avortement depuis 2022, relève John Geer.
"L'IVG, et les droits des femmes plus largement, aident Kamala Harris à mobiliser les électeurs. (...) Face à Donald Trump, elle bénéficie d'un large avantage auprès des femmes."
John Geer, politologueà franceinfo
Une fois à la Maison Blanche, Kamala Harris promet de s'opposer à toute tentative d'interdire l'avortement au niveau fédéral. "Lorsque le Congrès adoptera une loi pour restaurer les droits reproductifs au niveau national, elle la promulguera", assure son site de campagne. Les élections générales et sénatoriales, qui ont également lieu le 5 novembre et s'annoncent également très serrées, ont donc une importance capitale.
Sur les relations internationales : soutenir l'Ukraine et Israël
Kamala Harris "soutiendra toujours le droit d'Israël à se défendre et s'assurera que [l'Etat hébreu] a la capacité" de le faire, précise son site de campagne. "Le président Biden et elle travaillent à mettre un terme à la guerre à Gaza, de manière à ce qu'Israël soit en sécurité, les otages relâchés, que la souffrance à Gaza s'arrête et que le peuple palestinien puisse exercer son droit à la dignité, la sécurité, la liberté et l'autodétermination", ajoute sa plateforme.
Pour la démocrate, cet objectif passe par un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Tel-Aviv. Selon John Geer, c'est une différence notable entre elle et Donald Trump. "Ils soutiennent tous les deux Israël", mais le républicain "laisserait plus de champ libre" au Premier ministre Benyamin Nétanyahou, assure le politologue.
L'autre différence majeure entre les deux candidats, en matière de relations internationales, est leur position sur la guerre en Ukraine et la place des Etats-Unis dans l'Otan. Alors que Donald Trump a déclaré qu'il pourrait ne pas défendre un pays allié en cas d'attaque de la Russie, Kamala Harris a promis lors de la convention nationale démocrate qu'elle se tiendrait "fermement aux côtés de l'Ukraine et de [ses] alliés de l'Otan".
Alors que le président russe Vladimir Poutine exige que Kiev renonce à une partie de son territoire comme préalable à toute négociation sur une trêve, la démocrate a dénoncé ce qui "n'est pas une proposition de paix" mais "une proposition de capitulation". "C'est dangereux et inacceptable", a-t-elle estimé lors d'une rencontre avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, fin septembre. A l'inverse, Donald Trump "favoriserait la Russie, et serait prêt à donner ce qu'il veut à Vladimir Poutine pour trouver un accord" qui mette fin à la guerre, avance John Geer.
Sur le climat : poursuivre dans la lignée de Joe Biden
Là où Donald Trump entend détricoter les mesures prises par l'administration Biden pour lutter contre la crise climatique, Kamala Harris veut poursuivre les efforts en faveur de l'environnement, assure son site. Elle souhaite "protéger les terres et la santé publiques, accroître la résilience aux catastrophes naturelles, baisser les dépenses énergétiques des ménages (...) et garantir la pureté de l'air et de l'eau pour tous". Son programme ne détaille toutefois pas les moyens que la démocrate compte déployer pour y parvenir, si ce n'est s'appuyer sur la "coopération internationale".
La vice-présidente a toutefois peu mis en avant ses propositions dans la campagne. "L'énergie, et en particulier la production d'énergies fossiles, est un secteur important dans la plupart des Etats-clés", ceux qui pourraient faire basculer l'élection, souligne William A. Galston, qui cite par exemple l'exploitation du gaz par fracturation hydraulique en Pennsylvanie. Kamala Harris cherche donc à maintenir une ligne de crête dans cette campagne, "sans se mettre à dos les écologistes", mais sans froisser les influents producteurs d'énergies fossiles, explique le spécialiste.
"Kamala Harris a fait le choix politique de ne pas parler d'environnement dans la campagne pour l'élection présidentielle."
William Galston, politologueà franceinfo
Si Kamala Harris est élue, le chercheur s'attend à ce que la démocrate "poursuive ce que Joe Biden a eu des difficultés à faire durant son mandat : jongler entre les préoccupations, en faisant des concessions aux deux camps".
Sur les armes : imposer un contrôle plus strict
Si elle a révélé posséder une arme et répète ne pas vouloir revenir sur le deuxième amendement de la Constitution, Kamala Harris veut néanmoins lutter contre la violence par armes à feu aux Etats-Unis. Dans son programme, la démocrate promet "d'interdire les fusils d'assaut et les chargeurs de grande capacité, d'imposer une vérification systématique des antécédents et de soutenir les lois qui empêchent les individus dangereux de se procurer des armes".
Autre pilier de cette politique : augmenter le financement des forces de l'ordre et "s'appuyer sur les programmes de prévention de la violence par armes à feu". Comme pour l'immigration et le droit à l'avortement, la possibilité pour la démocrate de réformer le port d'armes dépendra toutefois du parti qui aura la majorité au Congrès.
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