Reportage Présidentielle américaine : dans le Michigan, Donald Trump multiplie les attaques contre Kamala Harris lors d'un meeting à l'ambiance survoltée

Article rédigé par Marie-Violette Bernard - envoyée spéciale à Détroit (Michigan)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Donald Trump en meeting à Détroit dans l'Etat du Michigan (Etats-Unis), le 18 octobre 2024. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Le candidat républicain était à Détroit, vendredi soir, pour tenter de mobiliser les électeurs de cet Etat clé. Franceinfo y était.

Une nuée de points rouges. Même en visitant Détroit (Michigan) pour la première fois, il n'est pas difficile de trouver le centre des congrès où se déroule le meeting de Donald Trump, vendredi 18 octobre. Il suffit de suivre les dizaines de casquettes écarlates "Make America Great Again" (du nom du slogan "Rendre sa grandeur à l'Amérique", souvent condensé dans l'acronyme "Maga") qui se bousculent à l'entrée du grand bâtiment vitré. Leurs propriétaires sont tous venus écouter le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, qui cherche à mobiliser les électeurs, à dix-huit jours du scrutin.

Il est 16 heures, et Donald Trump n'est attendu que dans trois heures. Pourtant, ils sont déjà des centaines à se presser entre les barrières qui mènent jusqu'aux portiques de sécurité. Dans les allées, où la chaleur augmente avec le nombre de personnes qui attendent, on rivalise d'inventivité pour montrer son soutien au milliardaire.

Il y a les plus classiques, en pull rouge et bleu ou avec le drapeau américain en main. Les chasseurs, en treillis brodé "Trump 2024", et les sportifs, en maillot de foot floqué "second amendement" (qui garantit le port d'armes). Il y a aussi une panoplie de t-shirts à slogans : "ultra-Maga", "rabbins avec Trump", "je vote pour un criminel" – clin d'œil à sa condamnation dans l'affaire Stormy Daniels ou encore "Nous, le peuple, sommes furax" – en référence à la première phrase de la Constitution américaine.

"C'est la première fois que je vais le voir"

Pour faire passer le temps plus vite, les partisans de Donald Trump font connaissance avec leurs voisins. Rien de tel pour lancer la conversation que de critiquer ou nourrir des rumeurs sur les démocrates. A droite, une femme reproche à l'administration de Joe Biden d'avoir "traîné à secourir" les sinistrés après le passage de l'ouragan Milton en Caroline du Nord. Plus loin, un homme accuse la chaîne NBC d'avoir édité une interview de Kamala Harris pour la présenter sous un jour plus favorable. Pas de quoi captiver deux enfants emmenés par leurs parents, assis par terre avec ennui.

Enfin, le long serpentin de trumpistes s'ébranle. Au détour d'un mur couvert de pancartes promettant de "rendre sa grandeur à Détroit", une immense salle abrite plusieurs centaines de chaises disposées en cercles autour d'une estrade. Pendant que certains se précipitent pour avoir la meilleure place, d'autres commencent déjà à faire la queue devant le petit stand d'en-cas et boissons, qui emplit l'air d'une odeur de pop-corn au caramel.

Voir Donald Trump se mérite. Jamie, 49 ans, a fait 2h30 de route à travers le Michigan pour assister à ce meeting. "C'est la première fois que je vais le voir, je n'y crois toujours pas", confie cette mère de trois enfants, aux bras tatoués et longs cheveux châtains. Justin, lunettes de soleil futuristes sur le nez malgré la pénombre de la salle, arrive de Chicago, dans l'Etat de l'Illinois. "Je soutiens Trump à 70% pour son programme, et à 30% pour sa personnalité", explique cet Afro-Américain de 30 ans. On croise même deux Canadiens de 19 ans. "Notre père travaille à Détroit", justifient les jumeaux, Jack et Jonah.

"On est conservateurs, alors on était curieux de voir Donald Trump. Même si nous ne votons pas ici, c'est un orateur captivant."

Jack, un Canadien

à franceinfo

Les minutes passent, et les premiers intervenants chauffent la salle. Des entrepreneurs, des élus locaux, puis Stephen Miller, conseiller de l'ex-président, montent sur scène. L'assistance trépigne. A chaque fois que le haut-parleur grésille, le public se redresse sur sa chaise, espérant qu'on annonce l'arrivée du milliardaire. Enfin, Donald Trump fait son entrée, entouré d'agents du Secret Service. Du milieu de la salle, où Jamie est assise, on aperçoit d'abord seulement la mèche blonde du républicain, qui prend le temps de savourer l'ovation avant de s'approcher du micro.

Bientôt 20 heures : Donald Trump prend enfin la parole. "Est-ce que vous êtes dans une meilleure situation qu'il y a quatre ans ?", lance-t-il à la foule, qui répond par un "non" assourdissant. Le milliardaire enchaîne avec un discours calibré pour son public. Ancien fleuron de l'industrie automobile, Détroit a décliné au fil des décennies et des délocalisations, rappelle le New York Times. Ces dernières années, la plus grande ville du Michigan a retrouvé du dynamisme. Mais le programme des démocrates, et notamment leur ambition de faire baisser les émissions de CO2 et de développer les véhicules électriques, "va tuer Détroit", accuse Donald Trump. Lui compte développer la production d'énergies fossiles et "produire en Amérique".

Réduit au silence pendant vingt minutes

Après seulement dix minutes, la diatribe du républicain prend une tournure inattendue. Alors qu'il s'apprête à dévoiler son "mot préféré du dictionnaire" – "pas amour, ni respect" mais "droits de douane" -, son micro tombe en panne. L'air passablement agacé, Donald Trump arpente l'estrade de gauche à droite. Puis retente de parler, sans succès. "Le technicien doit être démocrate", plaisante un homme assis derrière Jamie.

Le micro de Donald Trump est tombé en panne durant près de 20 minutes. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Après vingt minutes de pause forcée et d'encouragements du public, la voix de Donald Trump retentit. "C'est le pire micro de l'histoire, je ne vais pas payer la facture", lâche le milliardaire, dans un mélange d'irritation et d'humour. Pas de temps à perdre. Le républicain reprend ses attaques virulentes contre Kamala Harris, selon lui "d'une incompétence crasse", les migrants, qu'il veut "expulser massivement", et les personnes transgenres. Il promet aussi de pousser "le monde entier à parler de Détroit, du Michigan et de l'Amérique". Donald Trump ne s'interrompt que pour laisser le temps au public de l'ovationner, ou de huer la démocrate.

Le discours est ponctué de clips de campagne, diffusés sur deux écrans géants de chaque côté de la salle. Le format est presque toujours le même : une musique anxiogène, un commentaire sur les effets supposés dévastateurs de l'immigration ou de la politique des démocrates, et un montage de très courts extraits d'interviews de Kamala Harris, hors de leur contexte. Le public les regarde religieusement, avant de siffler copieusement l'adversaire de Donald Trump

Promettant une dernière fois de leur offrir un futur "plein d'opportunités et d'espoir", l'ex-président appelle ses partisans à aller "voter dès que possible", pour qu'il obtienne un "raz-de-marée" le 5 novembre prochain. "Battez-vous, votez, gagnez !", insiste-t-il. En réponse, le public lève le poing et scande "fight, fight !", reprenant le mot et le geste qu'il avait effectué quelques instants après avoir survécu à une tentative d'assassinat en juillet.

Alors que les premières notes de YMCA résonnent, signalant la fin du meeting, Donald Trump esquisse quelques pas de danse. Puis, il descend de l'estrade, salue des militants sur son chemin, et s'éclipse sous les applaudissements.

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