Reportage "Cette élection est trop importante" : dans l'Arizona, Etat-clé pour la présidentielle américaine, on vote déjà pour départager Donald Trump et Kamala Harris

Article rédigé par Valentine Pasquesoone - Envoyée spéciale dans l'Arizona (Etats-Unis)
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Un panneau "Votez ici" près d'un bureau de vote dans le centre de Phoenix (Etats-Unis), le 9 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)
Des bureaux ont ouvert mercredi dans cet Etat, l'un de ceux où l'écart est le plus faible dans les sondages. Malgré les réticences de Donald Trump, les républicains comme les démocrates appellent à voter le plus tôt possible.

En plein cœur de Phoenix, des panneaux "Votez ici" entourent depuis quelques heures un imposant bâtiment. Sous un soleil de plomb, Justin Lee sort de l'immeuble avec le sentiment du devoir accompli, mercredi 9 octobre. "Je voulais faire ça tôt, car il peut y avoir beaucoup de monde le jour de l'élection. Et ce scrutin est très important", fait valoir l'apprenti pilote de 28 ans, qui vit dans cette métropole d'1,6 million d'habitants, capitale de l'Arizona. Quelque 27 jours avant la présidentielle américaine, le jeune homme vient de voter pour la démocrate Kamala Harris, opposée au républicain Donald Trump.

Douze bureaux de vote ont déjà ouvert à Phoenix et dans sa région, le comté de Maricopa. Depuis mercredi, les électeurs de l'Arizona ont la possibilité de voter par anticipation, aussi bien à l'élection présidentielle qu'aux autres scrutins et référendums locaux organisés le 5 novembre. Ils peuvent venir voter en personne, envoyer leurs bulletins par courrier ou les déposer dans des boîtes prévues à cet effet. Dans ce swing state, l'un des quelques Etats-pivots qui détermineront l'issue d'un scrutin particulièrement serré, le vote anticipé revêt une importance capitale pour les démocrates comme pour les républicains.

"Voter tôt élimine les imprévus"

Justin Lee a l'habitude de s'y prendre en avance. L'"early voting", selon lui, "donne beaucoup de flexibilité aux gens". Dans les zones dans lesquelles le vote est ouvert sur une seule journée, "des personnes peuvent ne pas avoir accès aux bureaux". D'autant que, comme le veut la Constitution américaine, l'élection présidentielle est organisée un mardi : "Certains ne pourront peut-être pas s'absenter du travail", poursuit-il. Comme lui, 89% des électeurs de l'Etat avaient fait le choix du vote anticipé lors de la dernière présidentielle, rappelle le site local VoteBeat.

Joanie Combs, elle, a toujours préféré voter le jour J. Mais cette fois, elle a changé ses habitudes. "Cette élection est juste trop importante", abonde-t-elle, à la sortie de la mairie de Surprise, dans la banlieue du nord-ouest de Phoenix. La retraitée est venue dès l'ouverture, à 9 heures, "même si je n'aime pas me lever tôt", sourit-elle, arborant fièrement un autocollant "J'ai voté !". "Voter tôt élimine les imprévus, tout ce qui pourrait arriver et m'empêcher de voter", explique l'électrice, qui soutient également Kamala Harris.

Joanie Combs, électrice venue voter lors du premier jour du vote anticipé à Surprise, dans l'Arizona (Etats-Unis), le 9 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

De bon matin, des figures démocrates du comté et de l'Etat ont tenu à montrer l'exemple, se rassemblant et votant dès l'ouverture de la mairie de Surprise. Parmi elles, le secrétaire d'Etat de l'Arizona, Adrian Fontes, qui a la lourde tâche de superviser l'organisation des élections dans tout l'Etat. "J'encourage tout le monde à voter tôt", lance-t-il à la presse.

"Cela retire de la pression sur le dernier jour de vote, qui pourrait être très chargé. Et cela nous permet d'obtenir les résultats plus tôt."

Adrian Fontes, secrétaire d'Etat de l'Arizona

à franceinfo

Dans le camp démocrate, l'enjeu est double. "Nous voulons que tous ceux qui votent de manière régulière le fassent" suffisamment tôt, "pour nous concentrer ensuite sur les personnes qui ne votent pas si souvent", expose Patti O'Neil, présidente du parti démocrate dans le comté de Maricopa. Les équipes de campagne peuvent ainsi cibler en particulier sur ces catégories plus abstentionnistes, tels les électeurs hispaniques, les jeunes ou des femmes républicaines favorables au droit à l'avortement, énumère cette responsable locale.

Le secrétaire d'Etat de l'Arizona, Adrian Fontes, au premier jour du vote anticipé pour l'élection présidentielle à Surprise (Etats-Unis), le 9 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Dans l'Arizona, le 5 novembre au soir, chaque bulletin comptera. Il y a quatre ans, seules 10 000 voix avaient fait la différence en faveur de Joe Biden face à Donald Trump. Et aujourd'hui, le républicain est très légèrement en tête des intentions de vote dans l'Etat, d'après le site américain FiveThirtyEight. "Cette élection sera très serrée. Nous devons être en mesure de faire voter tout le monde", insiste Greg Whitten, candidat démocrate à la Chambre des représentants.

"Je ne fais pas confiance au vote par correspondance"

Le camp démocrate n'est pas le seul à se mobiliser le plus tôt possible. Sally, électrice républicaine de 66 ans, a tenu à venir vite "pour être sûre que mon vote serait bien pris en compte". L'Américaine est partisane de Donald Trump, et partage ses allégations sans fondement de fraudes électorales. "Je crois que certains bulletins ont été confisqués. Je ne fais pas confiance au vote par correspondance", défend-elle. Pour l'électrice, seul le vote anticipé et en personne reste une option fiable.

Vers 10 heures mercredi, les allers et venues sont réguliers au bureau de vote de Surprise. Arrive un couple de Sun City, près de Surprise. Après quatre "mauvaises" années de présidence Biden, Donald Trump aura leurs voix, affirment ces deux retraités, qui préfèrent rester anonymes. Le vote anticipé est, selon eux, une bonne chose, et ils estiment que le valoriser pourrait profiter aux républicains. "Les démocrates le font depuis des années, et cela marche bien pour eux", estiment-ils.

Un autocollant "J'ai voté" distribué aux électeurs du comté de Maricopa, dans l'Arizona (Etats-Unis), le 9 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Le "Grand Old Party" semble faire le même calcul. Des dizaines de millions de dollars sont investis au niveau national pour inciter les électeurs républicains à voter en amont du 5 novembre, rapporte Politico. L'objectif est le même que pour les démocrates : "pouvoir se concentrer sur les personnes qui votent moins régulièrement" et qui pourraient faire basculer l'élection, appuie James Taylor, un républicain candidat à un siège à la Chambre des représentants de l'Etat. Cette campagne est cependant parasitée par le message confus de Donald Trump lui-même, qui encourage ses soutiens à voter le plus tôt possible tout en présentant le vote anticipé comme plus propice à la fraude.

Des militants trumpistes appelés à "faire la chasse aux votes"

L'organisation conservatrice Turning Point Action est en première ligne dans cette quête d'électeurs. En ce premier jour de vote, James Taylor et d'autres candidats républicains prennent part à un événement dans la banlieue de Phoenix. "L'élection commence réellement maintenant !", appuie Abe Hamadeh, l'adversaire du démocrate Greg Whitten pour un siège à la Chambre des représentants. Les quelque 80 participants à cette réunion sont invités à frapper aux portes, à "faire la chasse aux votes" dans les prochains jours. A l'issue de l'événement, Eric Hayes, jeune représentant de Turning Point Action, part avec deux amis pour un rapide porte-à-porte dans un quartier de Sun City. "Les bulletins de vote sont envoyés dès aujourd'hui", glisse-t-il à une habitante.

Abe Hamadeh, candidat républicain à la Chambre des représentants, prononce un discours lors d'un événement de Turning Point Action, le 9 octobre 2024 à Peoria, dans l'Arizona (Etats-Unis). (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Ces militants trumpistes sont confrontés au défi de convaincre de l'intérêt du vote anticipé les électeurs indécis. "Certains sont sceptiques", constate le jeune conservateur, même si "d'autres pensent que c'est génial." "Pour moi, l'important est de voter. Je préfère voter le jour J, mais si vous ne pouvez pas le faire, votez tôt", insiste-t-il. Un message scandé au même moment par le colistier de Donald Trump, J.D. Vance, en meeting à Tucson, plus au sud de l'Etat : "Je vous encourage à voter tôt si vous le pouvez."

Le même jour, dans la même ville, mais à quelques heures d'intervalle, son adversaire Tim Walz, numéro deux de Kamala Harris, se livre au même plaidoyer. Et la candidate démocrate à la présidence sera elle-même à Phoenix, jeudi, pour encourager à son tour les électeurs de l'Arizona à voter le plus tôt possible. Entre républicains et démocrates, la bataille pour le vote anticipé a bel et bien commencé.

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