Présidentielle américaine : pourquoi un second mandat de Donald Trump serait une catastrophe pour la lutte contre le réchauffement climatique
"Je ferai deux choses le premier jour : 'forer, bébé, forer' et fermer les frontières." Malgré la vague de chaleur meurtrière qui écrase l'ouest des Etats-Unis, le candidat Donald Trump, officiellement investi dans la nuit du 18 au 19 juillet à la convention républicaine, à Milwaukee dans le Wisconsin, n'entend pas s'attaquer au changement climatique. En reprenant le slogan "drill, baby, drill" dans son discours de clôture, le milliardaire promet plutôt de beaux jours aux énergies fossiles, dont les émissions de gaz à effet de serre font des Etats-Unis le premier responsable historique de la crise environnementale mondiale (et le deuxième émetteur actuel, derrière la Chine).
Selon une enquête de l'université de Yale publiée mardi, plus de deux tiers des Américains admettent la réalité du changement climatique. Or, tout comme son jeune colistier J.D. Vance, 39 ans, le conservateur est connu pour minimiser la gravité de la crise environnementale, quand il ne la rejette pas en bloc. Ce qui laisse présager un éventuel second mandat dévastateur pour le climat.
Un programme qui ne mentionne pas la crise climatique...
Les républicains ont adopté lundi le programme que Donald Trump et J.D. Vance défendront dans l'espoir de reconquérir la Maison Blanche. Le document, dédié aux "hommes et femmes oubliés de l'Amérique", ne fait pas mention de l'environnement. Quant à la section sur la politique énergétique, elle ignore toute forme d'énergies renouvelables. Le programme appelle au contraire à mettre fin aux mesures "vertes", qualifiées de "socialistes".
Donald Trump est lui-même opposé à l'énergie éolienne, convaincu que "ça tue tous les oiseaux", avait-il notamment lancé lors d'un débat avec Joe Biden sur la chaîne américaine CBS, pendant la campagne présidentielle de 2020. "Le président Trump s'est engagé à libérer les sources d'énergie américaines comme le charbon, le pétrole et le gaz, pour garantir l'accessibilité financière aux familles et la sécurité dans le monde, en faisant de nous une nation plus autosuffisante", a résumé le conseiller de Donald Trump, Brian Hughes, sollicité par la radio publique NPR en juin.
... si ce n'est pour en minimiser les effets
Quant au programme officieux de son parti rédigé par ses alliés, le Projet 2025, il n'aborde le climat que pour annoncer le détricotage des mesures environnementales prises ces trois dernières années par l'administration Biden. Il entend notamment abroger les programmes fédéraux de lutte contre le changement climatique et les lois prévoyant des financements et des dispositifs d'incitation fiscale en faveur du renouvelable. Concernant l'agriculture, qui représente 10% des émissions de gaz à effet de serre du pays selon l'Agence de protection de l'environnement (EPA), cette feuille de route ultraconservatrice estime que le secteur "ne devrait pas donner la priorité aux questions accessoires, telles que les questions environnementales, au détriment de la production agricole".
L'agence est elle-même dans le viseur des conservateurs. L'EPA telle qu'elle fonctionne aujourd'hui donne, selon ce plan, "une fausse image de l'état de notre environnement et des dangers réels du changement climatique (...) afin de faire peur aux Américains pour qu'ils acceptent leurs réglementations inutiles et coûteuses". En cas de réélection de Donald Trump, l'agence verrait sa mission redéfinie. Quant à la NOAA, l'agence fédérale qui observe les ouragans (souvent destructeurs dès lors qu'ils touchent les côtes américaines), elle est vouée à disparaître, souligne le magazine spécialisé sur l'économie Forbes. Trop anxiogène aux yeux des idéologues conservateurs qui murmurent à l'oreille de Donald Trump.
Un candidat dépendant du pétrole
Le puissant secteur des énergies fossiles aux Etats-Unis n'a pas attendu Donald Trump pour tenter d'influer sur les politiques économiques du pays. Mais il a été particulièrement généreux avec le candidat et son colistier. Début mai, la presse américaine révélait ainsi que l'homme d'affaires avait demandé à une poignée de magnats du pétrole, invités à dîner dans sa villa de Mar-a-Lago en Floride, la somme d'un milliard de dollars, en échange de la promesse que son administration ne passerait que des lois "pro-business" et "anti-régulation", ont rapporté le média Politico et le journal The Washington Post.
Reprochant à Donald Trump d'utiliser ces dons de campagne "comme caisse noire pour payer ses frais juridiques", les sénateurs démocrates Sheldon Whitehouse et Ron Wyden ont lancé une commission d'enquête le 23 mai, afin d'interroger "les grandes sociétés pétrolières", accusées de "faire pression pour protéger et accroître leurs profits aux dépens du contribuable américain." Dès le lendemain, Reuters révélait que Donald Trump avait amassé plusieurs dizaines de millions de dollars auprès d'hommes d'affaires texans du secteur de l'or noir. Selon Mark Carr, l'un des participants cité par Reuters, le candidat a même "eu droit à une standing ovation quand il a promis de construire davantage de pipelines gaziers".
Enfin, Politico dévoilait en mai que le lobby du pétrole avait d'ores et déjà rédigé des textes de loi, prêts à recevoir la signature de Donald Trump. Les objectifs ? Eviter les écueils de son premier mandat, quand les positions diplomatiques du président républicain ou des imprécisions sur la forme avaient empêché l'accomplissement total de l'agenda trumpien en matière d'énergie. Puis, l'autre ambition évidente : détricoter les quelques mesures arrachées au secteur par Joe Biden.
Quant à J.D. Vance, il a par le passé accusé les démocrates d'attiser les peurs sur "la crise environnementale" à des fins électorales. Le jeune élu de l'Ohio a même à plusieurs reprises émis des doutes sur l'origine humaine – scientifiquement incontestée – du réchauffement climatique, souligne le New York Times, qui a publié lundi un inventaire des propos climatosceptiques du nouveau colistier.
Un bilan qui parle pour lui
Enfin, il convient de rappeler comment Donald Trump, président de 2017 à 2021, a géré le dossier climatique. Peu après son élection, il s'était retiré de l'accord de Paris signé en 2015, éjectant Washington du processus diplomatique visant à maintenir la hausse globale moyenne de la température sous la barre des 1,5°C.
Sur le plan national, l'administration Trump avait pris, en quatre ans, 163 mesures réglementaires et autres lois affaiblissant la politique environnementale et climatique des Etats-Unis, a calculé en 2021 le "Climate Deregulation Tracker" développé par l’université Columbia. Alors que selon le dernier rapport de synthèse du Giec, l'urgence climatique implique une accélération des mesures promises par les Etats signataires de l'accord de Paris. "Il est difficile d'évaluer l'ampleur des dommages potentiels que pourrait entraîner une nouvelle décennie de confusion et de désorganisation", a estimé le professeur Solomon Hsiang de l'université de Californie, cité par la radio NPR.
Une "lueur d'espoir" subsiste, selon Ian Bremmer, président et fondateur d'Eurasia Group, société de conseil en risques géopolitiques. "Le Texas, un Etat aujourd'hui acquis au Parti républicain, est le leader en matière de production d'énergie renouvelable aux Etats-Unis. Ce n’était pas vrai lorsque Trump était président", a-t-il nuancé lors d'une conversation avec l'ancienne envoyée de l'ONU pour le Climat, Christiana Figueres, dans le podcast Outrage + Optimism, en juin.
Pointant les emplois créés par le secteur des énergies renouvelables, en particulier dans les Etats conservateurs, ainsi que la baisse des coûts de production, il voit ici "de réelles perspectives économiques pour les Etats-Unis que Trump ne peut ignorer". "À cet égard, en tant que président, il serait probablement moins désastreux pour le climat lors d'un deuxième mandat s’il devait gagner, que lors de son premier mandat", a-t-il signalé.
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