Présidentielle américaine 2024 : on vous explique pourquoi sept "Swing States" peuvent décider du résultat de l'élection

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
L'Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin pourrait faire basculer l'élection présidentielle américaine le 5 novembre 2024 en faveur de la démocrate Kamala Harris ou du républicain Donald Trump. (ASTRID AMADIEU  / AFP)
A quelques jours du scrutin, l'Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin apparaissent toujours aussi indécis. De quoi pousser les équipes de Kamala Harris et Donald Trump à y mettre les bouchées doubles en cette fin de campagne.

Pour qui vont voter les "Swing States" ? La question taraude les médias américains depuis plusieurs mois déjà et ne trouve pas de réponse définitive à quelques jours de l'élection présidentielle du 5 novembre. Par définition, un "Swing State" est un Etat qui n'est acquis à aucun des deux grands partis dominants aux Etats-Unis. Cette année, sept Etats-pivots indécis sont dans le viseur des équipes de campagne de Kamala Harris et Donald Trump : l'Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin. 

Les sept Etats indécis, baptisés "Swing States", dans l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024. (FRANCEINFO)

Pourquoi sont-ils si convoités par les deux candidats ? La campagne électorale est-elle différente dans ces Etats-clés par rapport au reste du pays ? Franceinfo fait le point sur ces territoires particuliers qui peuvent faire basculer l'élection présidentielle américaine d'un côté comme de l'autre.

Parce qu'ils sont essentiels dans un système électoral complexe

Lors de chaque élection présidentielle aux Etats-Unis, "la question des 'Swing States' se pose irrémédiablement", explique Ludivine Gilli, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès. Dans ces Etats indécis, les sondages donnent démocrates et républicains au coude-à-coude. A l'inverse, dans le reste du pays, l'issue du scrutin est bien plus prévisible, avec des Etats qualifiés de "rouge", acquis à Donald Trump, ou "bleus", penchants pour Kamala Harris. "Ces Etats ne vont pas changer de couleur en 2024, ce n'est pas du tout envisageable", insiste Ludivine Gilli. Mais pour gagner cette élection, une victoire dans les seuls bastions démocrates ou républicains ne saurait suffire.

Toute la difficulté tient au mode de scrutin, car, aux Etats-Unis, les citoyens n'élisent pas directement leur président. Cette tâche revient aux grands électeurs, des élus ou sympathisants désignés par les partis. Ils sont 538 au niveau national, répartis Etat par Etat en fonction du nombre d'habitants. La Californie compte ainsi 54 grands électeurs, alors que le Nevada voisin n'en dispose que de six. La règle de vote qu'ils appliquent est la suivante : dans tous les Etats, sauf deux, le candidat arrivé en tête du vote populaire rafle l'ensemble des voix des grands électeurs.

Pour gagner l'élection, un candidat doit donc remporter une majorité absolue de grands électeurs, soit au moins 270 votants à travers le pays. Mais si l'on regarde les estimations des Etats "acquis d'avance", comme les désigne Ludivine Gilli, le compte n'y est pas. A ce stade, Donald Trump et Kamala Harris peuvent tabler sur respectivement 219 et 226 grands électeurs, selon le site 270towin.com, qui se base sur des sondages. Il leur manquerait donc 51 et 44 votants. "Dans cette situation, les 'Swing States' sont très importants, car ils représentent tout de même 93 votes du collège électoral lorsqu'on les additionne", souligne la chercheuse.

Parce que les sondages y sont extrêmement serrés

D'une élection à l'autre, la liste des "Swing States" peut varier. Lors de la présidentielle de 2020, qui opposait Donald Trump à l'actuel président Joe Biden, pas moins de dix territoires étaient considérés comme des Etats indécis. On retrouvait déjà dans cette liste tous les "Swing States" actuels, mais aussi des Etats très peuplés, comme la Floride ou le Texas. Quatre ans plus tard, ces deux derniers ont viré républicains et ont donc quitté la liste.

"En 2020, c'est après l'annonce des résultats de l'Arizona que Joe Biden avait été désigné gagnant de l'élection", rappelle Ludivine Gilli. Cette année-là, l'actuel président des Etats-Unis l'avait emporté avec une avance extrêmement faible : à peine 11 779 votes de plus que Donald Trump en Géorgie ou encore 10 457 voix en Arizona, selon les chiffres de la chaîne CNN. Et si l'on remonte à 2016, Donald Trump avait lui aussi remporté certains de ces territoires avec seulement quelques dizaines de milliers de voix d'avance sur Hillary Clinton.

A moins d'avoir une excellente boule de cristal, impossible de savoir qui l'emportera dans les "Swing States" à en juger par les sondages fluctuants de ces dernières semaines. Dans l'Arizona, Kamala Harris était par exemple donnée gagnante durant le mois d'août, avant de voir la courbe de ses intentions de vote passer sous celle de Donald Trump début septembre, d'après Fivethirtyeight.com. En Géorgie, l'avance du candidat républicain semble s'être creusée à partir de la mi-octobre, avoisinant les deux points. Mais dans les autres Etats-pivots, l'un ou l'autre des deux favoris ne gagnerait que d'une courte tête, selon les sondages. 

Parce que les candidats y concentrent leurs efforts

"Tout se passe dans les 'Swing States', il n'y a pas vraiment de campagne ailleurs, constate Ludivine Guilli. Cette année encore, l'essentiel des dépenses se concentre dans ces Etats, tout comme les meetings politiques." Selon la plateforme VoteHub, l'écrasante majorité des réunions publiques de Kamala Harris et Donald Trump a eu lieu dans des "Swing States". Avec une attention toute particulière pour la Pennsylvanie, "l'Etat pivot le plus convoité, car il dispose de 19 grands électeurs", rappelle Romuald Sciora, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des Etats-Unis à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). C'est encore plus vrai pour les candidats à la vice-présidence, le démocrate Tim Walz et le républicain JD Vance, qui n'ont organisé qu'une poignée de réunions en dehors des Etats-pivots.

C'est aussi dans ces Etats-clés que la propagande électorale est la plus importante. Entre le 21 juillet et le 10 octobre, près de 80% des dépenses en spots publicitaires de campagne ont été réalisées dans les "Swing States", selon un rapport du cabinet américain AdImpact, que franceinfo a pu consulter. Et ce déséquilibre devrait encore plus se creuser à mesure que le 5 novembre approche, estime l'étude.

"A certains endroits, les tendances donnent un scrutin tellement serré que les candidats devront y faire campagne jusqu'aux tout derniers jours."

Romuald Sciora, chercheur à l'Iris

à franceinfo

En plus des réclames, "la grande majorité des dépenses sont effectuées dans les 'Swing States' pour les quartiers généraux de campagne", note Ludivine Gilli, afin de "payer des salariés qui vont à leur tour diriger les efforts de milliers de volontaires, réserver des salles, organiser des déplacements...". Au total, les équipes de campagne auront déboursé dans les Etats pivots une énorme part des quelque 10,2 milliards de dollars alloués à la publicité pour cette présidentielle 2024, toujours selon AdImpact – qui cite au passage un chiffre "record".

Parce que la campagne se focalise sur les enjeux locaux

Pour séduire les électeurs indécis des "Swing States", il faut viser juste. A travers leurs publicités et leurs prises de paroles, Donald Trump et Kamala Harris ont tenté d'adapter leur campagne aux sujets qui intéressent le plus les habitants de ces sept Etats-clés. Dans l'Arizona, où l'avortement et l'immigration reviennent le plus souvent comme des préoccupations majeures dans les enquêtes d'opinion, les spots télévisés de campagne étaient majoritairement axés sur ces thématiques en septembre, note le Wesleyan Media Project. En Géorgie, Donald Trump a insisté sur l'inflation et Kamala Harris sur le respect de la démocratie, préoccupation numéro un, selon un sondage, sans oublier l'important électorat afro-américain de cet Etat. 

Ces discours ciblés peuvent toutefois avoir des effets pervers sur la vie politique américaine. Parce qu'ils obsèdent les candidats, les "Swing States" confisquent aussi la campagne présentielle d'une certaine manière.

"Les débats sont très largement déterminés par les sujets qui préoccupent les électeurs de ces Etats."

Ludivine Gilli, chercheuse à la Fondation Jean-Jaurès

à franceinfo

"Par exemple, Kamala Harris est cuisinée encore et toujours sur la question de la fracturation hydraulique. Cela ne concerne absolument pas la majorité de la population aux Etats-Unis, explique la spécialiste, mais ça intéresse une partie des électeurs de Pennsylvanie. Et c'est donc devenu un sujet de campagne."

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