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Réforme des retraites : ces manifestations nocturnes "à l'arrache" qui s'ajoutent à la mobilisation syndicale

Des manifestants opposés à la réforme des retraites ont à nouveau participé à des rassemblements nocturnes et non-déclarés, mercredi soir, dans plusieurs villes de France. Franceinfo les a suvis dans les rues de Paris.
Article rédigé par franceinfo - Léo Tescher
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Manifestation à Paris, place de la République, le 21 mars 2023. (JAN SCHMIDT-WHITLEY/LE PICTORIUM / MAXPPP)

Depuis le recours au 49.3 pour faire adopter le texte de la réforme des retraites, jeudi 16 mars, les manifestations spontanées se succèdent, à Paris et un peu partout en France. Qui sont ces protestataires de la nuit ? Il y a une multitude de profils parmi les manifestants croisés dans la capitale, mercredi soir, mais en général, on rencontre plutôt des jeunes urbains de gauche, âgés de 25 ans en moyenne et parfois même beaucoup moins. Raphaël, Charlotte ou Zélie, par exemple, ont 16 ou 17 ans à peine. Mineurs, ils ont pourtant participé à la toute première manifestation nocturne, la semaine dernière sur la place de la Concorde. Ils étaient aussi mardi soir à Vauban, mercredi à République. Lycéens le jour, manifestants la nuit... Résultat, pour ces élèves de première : "Vraiment, tout le monde s’endort en classe", remarque Charlotte. "Pour suivre les manifestations, les grèves, les cours, c’est vraiment compliqué. Mais il faut se mobiliser. C’est le moment ou jamais", ajoute-t-elle. 

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Les lycéens ne sont pas majoritaires dans ces manifestations nocturnes. Nous avons aussi croisé des élèves avocats, un prof de maths, une scénariste, un consultant en sécurité informatique. Sosthène et son ami Léo ont 28 ans. Ils ont participé à pas moins de trois manifestations nocturnes cette semaine. "Il y a carrément plus d’ambiance. Les gens chantent beaucoup plus fort", remarque Sosthène. "Ce sont des manifestations qui deviennent spontanées, avec des appels parfois le jour même qui sont toujours suivis", explique côté Léo.

"C’est moins fort en termes d’image que d’énormes cortèges, c'est sûr, mais je trouve que c’est hyper fort en termes de motivation et de communication."

Léo, un manifestant de la nuit

à franceinfo

"C’est chouette d’avoir en même temps ces manifestations d’un côté et les gros mouvements syndicaux de l’autre", conclut Léo. C'est surtout une façon de ne jamais relâcher la pression. Certains estiment qu'après avoir manifesté "dans les règles de l'art", lors des six derniers cortèges intersyndicaux, il est temps de passer à une autre méthode.

"Tout est fait un peu à l’arrache, mais ça marche !"

Au nord, à l'est et au sud de Paris, les manifestants sont partout, à chaque fois, très mobiles. Difficile de savoir comment les participants se tiennent au courant d'où il faut aller manifester, ils aiment bien entretenir un peu le secret. "Dans 10 minutes, je suis à Étienne-Marcel, dans 15 minutes, je suis ailleurs", lance l’un d’eux, gouailleur. En fait, les informations circulent vite sur les réseaux sociaux, notamment sur les comptes Paris Luttes Info ou encore Cerveaux non disponibles. Voici quelques exemples de tweets : "La manif sauvage de Châtelet est dispersée par les flics à moto. Ça interpelle vénère à Répu." "Faites gaffe ! Des groupes de quatre ou cinq flics tournent dans le quartier, à Ledru-Rollin et font des arrestations." "La sauvage sur le Faubourg Saint-Antoine a tout cramé. Les keufs sont largués." Des messages que consulte Marina, près de la place de la République, les yeux rivés sur son téléphone, "tous les soirs", confie-t-elle. "Je suis rentrée vite fait prendre une douche, mais sinon globalement, j’étais là. Tout est fait un peu à l’arrache, mais ça marche ! Les CRS courent avec leur carapace de 20 kilos et c’est bien rigolo", ajoute-t-elle, un brin moqueuse.

C'est aussi le bouche-à-oreille qui fonctionne. Par exemple, mercredi soir, lors des tensions sur la place de la République, alors que des centaines de personnes fuient les lacrymos de la police, certains se croisent par groupe de quatre ou cinq dans les rues voisines et se passent les messages trouvés sur internet. "Il paraît que le prochain rassemblement serait à Hôtel de Ville", lâche un étudiant qui a vu un message sur Twitter. Finalement, pas grand-chose sur place, mais en route, il croise le cortège qui a réussi à se former vers Châtelet. Et c'est comme ça tous les soirs. On se perd ainsi dans les rues de Paris, à droite à gauche, à la recherche d'un groupe qui se forme, d'une barricade qui tient, comme la police, qui court après ces manifestants désorganisés, mais déterminés.

Une forme classique de mobilisation

Cette forme de mobilisation s'inspire tout droit des Hongkongais, comme le revendiquent eux-mêmes les manifestants en utilisant le slogan "Be water" (être comme l'eau), fluide et imprévisible. C'était le mot d'ordre des manifestations à Hong Kong contre une loi permettant des extraditions vers la Chine en 2019. "Ça renvoie à l’expression ‘on est ingouvernables’, traduit Sylvain Boulouque, historien des mouvements sociaux. Par exemple, la démultiplication des lieux d’incendies pour que les forces de l’ordre ne sachent plus où donner de la tête."

"L’idée est de se rendre ingouvernables et que la rue ne soit plus maîtrisable."

Sylvain Boulouque, historien des mouvements sociaux

à franceinfo

De là à parler d’une nouvelle forme de mobilisation, "non", réfute Sylvain Boulouque. "C’est une forme classique. C’est juste que là, avec les réseaux sociaux, on a l’impression qu’il y en a beaucoup plus, mais ça a toujours existé. En 1986, il y a eu plein de manifestations de nuit. C’est une des raisons pour lesquelles Malik Oussekine est mort. Il y avait une manif de nuit, les 'voltigeurs' l’ont pourchassé en le prenant pour un manifestant alors qu’il ne l’était pas". Ces manifestations peuvent également faire penser à Mai-68, qui avaient également commencé en plein mois de mars (le 22 très exactement), il y a tout juste 55 ans.

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